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 EVENT 02 - William & May

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Prophetia
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Mer 29 Aoû - 16:02

La musique est ponctués des pas de dance. Tout se passe très bien. Les gens semblent heureux de terminer leur semaine sur cette note de fantaisie. Il faut dire, on ne voit de telles choses que dans les contes de fées.

May, tu es contente de te retrouver dans ce genre d’environnement. En fait, tu aimerait être Ariel avec une belle robe, qu'on ne regarde que toi. D'ailleurs, tu attire pas mal de regards même si aucun de ces charmés n'ose venir te parler. Tu attends paiement près du buffet, te retenant de manger toutes ces choses multicolores. Plus tard, promis.

C'est sans compter sur William, qui t'as invité en bonne et due forme, et qui lui aussi semble ne pas passez inaperçu. Certains diraient qu'il sera le roi du bal. Et dans un sens, ça doit le flatter. Quel homme à femme, celui-là.

Chacun de ces deux là ont apportés leurs tenus. Ils n'ont donc pas de gros problèmes de ce côté là.

C'est ainsi que William commence le sujet en demandant une danse à May.
A très vite mes petits.
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William Lawford
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Mer 29 Aoû - 20:38


Fébrile. Je pénètre dans la salle de bal d’un pas totalement incertain. Non seulement, je suis pas très à l’aise dans ce costume où je crève de chaud mais en plus, je sens des regards se poser sur moi et je n’aime pas ça. Il y a plein de monde dans cette foutue salle, plein de tables emplies de nourriture, des décorations à tout va, bref, toutes les occupations du monde, mais il faut quand même que des regards se posent sur moi, sur mon passage. Je les entends chuchoter aussi, sans vraiment percevoir ce qu’ils se disent, mais les gloussements de certaines filles ne m’encouragent pas à en savoir plus.

Je me mets dans un coin de la salle, sur un banc rembourré posé contre un mur. Assis, je lâche un soupir. Il ne me reste plus qu’à attendre qu’une tête bleue arrive et me sorte de l’interminable ennui dont je vois le bout du nez se pointer. Si je n’étais pas avec May ce soir, j’aurai commencé cette soirée par une formidable déprime ou une insidieuse colère, au choix.

On a dit qu’on s’attendrait directement ici. En y pensant, j’aurai peut-être dû dire que j’irai la chercher vu qu’apparemment, ça fait plus « romantique », mais j’avoue que j’ai pas réfléchi sur le coup. Et même maintenant, ça me paraît un peu stupide d’aller chercher quelqu’un qui habite au même endroit que moi pour aller faire trois pas jusqu’à la salle de bal… Non, Will, arrête de penser comme ça, rappelle-toi des conseils de Mathias. Il m’a bombardé de dernières recommandations, en vérifiant ma tenue tout à l’heure. Imaginez un Mathias en mode prof, avec ses lunettes sur le pif, une baguette à la main pour taper les doigts (ou autre chose), avec une rose rouge en guise de vêtement (ne cachant que le strict minimum, donc), et une pancarte derrière « Mathias Love’s Lesson ». Et ce personnage totalement taré qui vous sort ses dix commandements, à savoir :

1. Ne regarde pas dès le début sa poitrine, même si c'est tentant, je sais
2. Ne regarde pas non plus ses fesses, sauf si elle voudra aller danser et qu'elle sera devant toi !
3. Souris
4. Mais pas trop
5. Aies l'air sûr de tooooi
6. Aies l'air séduisant. Un peu d'efforts Will, t'y arriveras le temps d'une soirée
7. Si tu veux un verre, à manger etc... Tu lui demandes d'abord ce
qu'elle veut
8. Accompagne la partout, sauf aux chiottes, et quand elle est avec ses copines
9. Reste pas trop seul quand elle n'est pas à tes côtés
10. Et amuse-toi, mon lapin !

Bref, en résumé, faut que j’arrête de penser comme un balai de chiottes ennuyeux et que je me montre plus attentif à ce qu’elle attend de moi. Faut que je me montre classe, aussi. J’ai pas l’impression d’avoir mis le paquet sur le costume (un simple costume cintré bleu nuit, avec un veston de la même couleur aux motifs discrets, sur une cravate en soie grise) mais apparemment, je le porte bien et c’est l’essentiel.

En attendant, elle n’est toujours pas là, et je m’ennuie. Je m’avachis sur mes genoux, en faisant craquer mon cou deux ou trois fois. Ce geste simple me fait relever la tête et remarquer que je ne suis pas seul. En face de moi, des jambes fines et blanches dévoilées, sous un tissu fluide de jais, puis à nouveau du blanc en remontant sur une poitrine agréablement mise en valeur par une ceinture enroulée d’un mignon ruban noir. Et tout à coup, un bleu explosif qui vient raviver le duo éternel du blanc et noir. Une tresse céruléenne posée sur son sein gauche, délicate mais rebelle.

Bon sang, j’ai même pas les mots pour faire des phrases complètes.

« M… May ? »


C’est bien son visage. Elle aura beau y mettre tous les agréments, tous les accessoires féminins possibles et imaginables, son expression à la fois vive et enfantine reste bien à elle.
Je me lève aussitôt en rajustant machinalement mon costume. Rappelle-toi les dix commandements, Will, rappelle-toi…

« Tu veux m… danser ? »


Un instant, mon cerveau a mélangé les commandements deux et sept, et j’ai failli sortir une connerie monumentale du genre « Tu veux manger une danse ? ». Heureusement, ma langue n’a pas dérapé jusqu’au bout. C'est sûrement précipité comme demande (et en plus, suicidaire, quand on sait que je ne sais pas danser) mais c'est la seule et unique phrase potable qui me soit venue à l'esprit. Trop tard pour reculer.

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May Bastide
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Mer 29 Aoû - 22:31

« Aïe ! Erika, ça me fait maaaaaal ! »

Au bout de la quatre cent cinquante et unième plainte, elle rigole ou bien elle me gronde, je ne sais plus : combien de fois lui ai-je fait la remarque, aujourd’hui ? Depuis ce matin, huit heures, nous nous étions levées ensemble, grâce à nos vies synchronisées par une colocation prolongée. La matinée avait débuté sur un regard malicieux, et un sourire retenu qui voulaient dire tous deux : « ça y est, c’est aujourd’hui ! ». Des semaines d’organisation pour tout le monde, pour moi, des jours et des jours penchées sur des dizaines de playlist potentiellement capables de mettre tout le monde d’accord et de décoller tous les postérieurs de leur chaise, des nuits entières à me demander si les Arctic Monkeys pousseraient les Russes et les Allemands à se déhancher autant que moi, et aujourd’hui, c’était le jour J.
Bienveillante, Erika, aux petits soins avec moi, elle s’était affairée pour me dégoter une robe digne de ce nom, un habit que je réussirai à garder toute la soirée sans l’écorcher ou la retirer par soucis de commodité. Je la voyais encore, le sourire jusqu’aux oreilles et le cintre entre les doigts, ce petit bijou de tissus se balançant de gauche à droite : même moi, malgré mon aversion pour la mode et la tendance, j’avais craqué pour ce vêtement.

Et nous voilà en fin d’après-midi, Erika et sa brosse en main, travaillant avec acharnement histoire de donner forme à mon Bagdad capillaire et moi, miaulant à chaque cheveux arraché. Dix minutes, vingt, trente passent et en un « Tada ! », elle me pousse avec insistance devant la glace, en clamant sa fierté de coiffeuse amatrice. Et moi je reste plantée là, bouche bée, comme une andouille, en m’approchant un peu du miroir pour bien en être sûr : quoi, c’est moi cette fille ? Je ne vois ni Converse, ni short troué. Pas de nœuds dans ma chevelure, pas de traces de chlorophylle sur mes genoux. Une fille bien tenue, propre et presque…jolie ? Je me retourne et la serre dans mes bras en la couvrant d’éloges : elle est incroyable Erika, elle me rendrait presque présentable ! Comme une gamine qui s’habille d’étoffes princières, j’effleure du bout de mes doigts le tissus fluide et noir de ma robe, en prenant garde de ne pas le froisser, encore moins de l’abîmer. Amusée de ne pas me reconnaître en mon reflet, je mime les attitudes des tops models en me tordant les chevilles, perchée sur des talons choisies pour l’occasion, mais pas trop haut tout de même. Des éclats de rire en vrac, une étreinte de plus, une montagne de remerciements, je remonte mon bustier blanc, y entasse mes seins dedans, me plains que c’est un peu juste et entends Erika dire que « mais non, n’importe quoi, ça se porte comme ça ! ». Bon, si elle le dit !

Trop facile, les talons dans les graviers, qu’elle disait ! Heureusement que ce sont des compensés, sinon je pense que j’aurais mangé le goudron plus d’une fois… Mais ce n’est pas le moment d’ôter l’attirail : j’entre dans le bâtiment, traverse les couloirs, pas bien pressée, un peu stressée. Qu’est ce que je fous là, moi ? En avance en plus. On dirait presque que j’ai hâte de voir Turner. Presque.
Je tire un peu sur ma robe, encore quelques pas, et BAM ! Voilà que ça m’explose à la figure, le bal, les filles et leurs longues robes, les hommes en pingouin et surtout, surtout, surtout… LE BUFFET ! J’en oublierai presque mon cavalier, en me précipitant sur les petits fours comme un bohémien sur un quartier de pomme, mais je m’arrête net, en repensant aux bons conseils d’Erika. Ou plutôt au futur savon d’Erika, si je me mettais à tout engloutir maintenant : « T’AS TACHE TA ROBE, AAAAAH ». Je me demande si elle me frapperait, j’espère pas, je suis sûre qu’elle a de la force, alors je retiens mes pulsions, m’adosse au buffet et boude pour une durée indéterminée.
Jusqu’à ce que j’aperçois quelque chose de plus intéressant à me mettre sous la dent, à vrai dire. Ça se mange les pirates ? J’en sais rien, mais celui qui est en face de moi, j’y planterai bien mes canines ! Du coup je fais un pas, deux pas vers lui, jusqu’à ce qu’il me remarque et qu’il s’avance par lui-même. Il bégaye, moi ça me fait mourir de rire, je crois que je rigole trop fort, mais je m’en balance complet alors je lui envoie le plus étiré de mes sourires, sincèrement heureuse de le retrouver, et je lui balance une vanne poisseuse :

« Mais dis donc ! T’as sorti le costume, Turner ! »

Et je me marre, parce que j’ai beau me foutre un peu de lui, il est sacrément canon dans ses habits affreusement classieux et bien taillés, de quoi attirer tous les regards des poules de la salle. Mal à l’aise ou fière d’être au bras de celui qui attire toutes les convoitises, je le laisse m’emporter dans une danse, sauf que voilà, nous venons de mettre le doigt sur l’un de mes nombreux défauts. Entre « je suis tellement chiante que je ferais péter un câble à un bouddhiste tibétain » et « je ne sais même pas à quoi est égale la dérivée de la fonction exponentielle », vous pourrez trouver, écrit en tout petit : « Je ne sais pas danser ». D’ailleurs je reste un peu étonnée que lui me propose une danse : quoi ? Ce grand truc a des impulsions de grâce ? Je n’y crois pas du tout. Et puis autre détail, minime, certes, mais qui a tout de même son importance : j’ai des talons. Des. Talons. DES TALONS, LES GARS ! Je peux pas danser avec ces perchoirs ! On va attendre que j’ai quelques grammes de n’importe quoi dans le sang, ça passera mieux si je m’étale comme une crêpe sur le dance floor.

« Will, tu vas pas me faire croire que t’aimes danser quand même ?»

Je l’attrape par la manche, le tire vers moi et l’oblige à se pencher. Gentiment, je lui colle une légère bise sur la joue et murmure à son oreille, pour être bien sûre qu’il m’entende :

« Bonjour, sinon ! Et puis je sais pas toi, mais moi, j’ai la dalle, ALORS ON VA MANGER ! »

C’est le stress, ça donne faim. Mais pourquoi je suis stressée ? C’est de la faute à Turner, ça. Toujours sa faute à lui. Non mais qu’est ce que je fous là… Qu’est-ce qu’il m’a pris de lui dire oui ? Se jeter dans le gueule du loup, oui je dois aimer ça. Ou alors je dois aimer Will. Une connerie du genre ! Alors j’attrape sa main, et je l’entraîne vers le buffet, parce que là, y’a un bébé éclair au chocolat qui me supplie de le manger.
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William Lawford
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Jeu 30 Aoû - 13:57


Et elle recommence son rire tellement spécial. Sauf que cette fois, le fait qu’elle soit en train de se moquer de moi retient légèrement mes hormones. Je tire un peu la tronche et râle des trucs incompréhensibles et totalement gamins, genre « Roh ça va », « Oui bah toi aussi, hein ». Superbe répartie, Willy.

A mon grand dam, elle semble d’abord encline à répondre à mon invitation, mais je ne me débine pas. Je l’ai invitée, j’assume. Soit on se ridiculisera à deux sur la piste, soit je lui demande de me guider sur les pas à suivre. Bon, dans les deux cas, ma fierté en prend un coup mais ça m’apprendra à faire le con quand elle est là, bien que ce soit pas ma faute. Hum. J’ai l’impression de dire des conneries, encore une fois.

« Will, tu vas pas me faire croire que t’aimes danser quand même ? »

Ô Ciel, ô grâce. Qu’ai-je entendu ? Une phrase qui va sans doute me sauver la vie. Et je saute sur l’occasion sans attendre :

« Non, en effet, t’as bien raison. Oublie ça. »


J’aurais presque pu être content si je n’avais pas saisi sous ses paroles une sorte de… moquerie à mon égard ? Elle n’a pas parlé sur un ton narquois, mais n’empêche que ça fait vexant, dit comme ça. Ca veut dire quoi exactement, comment elle a deviné si vite ? Donc il suffit de jeter un coup d’œil sur moi pour savoir tout de suite que je danse avec la grâce d’une planche en bois ? Du coup, je rajoute, de mauvaise foi :

« Mais je suis sûr que toi non plus. »


C’est là qu’elle me tire vers elle et m’embrasse la joue sans prévenir. Cet endroit devient aussitôt rose. On aura qu’à dire que c’est son rouge à lèvres, hein. Elle me laisse même pas le temps de réagir, elle me traîne déjà par la main vers le buffet. Bon sang. J’avais cru comprendre dans les conseils de Mathias que c’était moi qui devais mener la danse mais là, je me sens juste complètement malmené par cette fille. Elle me traîne où elle veut, me fait ce dont elle a envie, et ceci, sans le moindre petit mot pour me préparer. Nan, la politesse, la délicatesse, elle, jamais. Je me prends tout à la gueule et à moi de gérer mon bordel intérieur tout seul. Je fronce les sourcils. Si elle croit que je vais me laisser faire sans rien dire…

J’arrête sa course affolée vers le buffet –mais elle a pas mangé de la journée, ou quoi ?- d’un geste de bras, qui la tire un peu vers l’arrière. Doucement, poulette. Je rajuste ma cravate en me raclant la gorge, histoire de reprendre contenance. Et là, je reprends sa main, en croisant ses doigts avec les miens, pour m’assurer une meilleure prise. Je sais pas pourquoi, Mathias m’a aussi conseillé de lui tenir la main de cette façon, plutôt que comme un gentil petit garçon qui doit donner la main à un adulte, donc je le fais, simplement.

« Ne cours pas comme une affamée, il y a encore à manger pour au moins un régiment. »

Ah ça oui, ils ont mis le paquet sur le buffet, de quoi éveiller les estomacs les plus endormis. Même moi je me surprends à avoir envie de certains petits plats, mais au moins, je me contrôle.
Sur ce, je l’accompagne vers le buffet d’un pas plus digne et je lui demande une fois arrivé à bon port, sans lâcher sa main :

« Bon alors, tu veux quoi ? »

Commandement numéro sept, complete.
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May Bastide
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Jeu 30 Aoû - 21:00


« Mais je suis sûr que toi non plus. »


Dans le mille, Turner ! J’ignore l’affront qu’il fait à sa cavalière, de lui balancer tous ses défauts à la figure alors qu’elle s’est si bien vêtue pour ses beaux yeux –enfin, surtout ceux d’Erika, et oui, je parle à la troisième personne- et pouffe à nouveau. Il a raison, tellement raison ! Le seul truc que je suis capable de faire sur une le dance floor, c’est de remuer mes cheveux dans tous les sens en agitant chaque parcelle de mon corps : j’admets le ridicule de la scène, mais quand la piste est noire de monde et que le monde est gris d’alcool, plus personne n’y fait gaffe, je vous l’assure ! Danser n’est une option possible pour moi qu’à partir d’une certaine heure, et une certaine dose de saloperies dans le sang, quand je crois bon de m’abandonner parmi le reste des fêtards sans risquer qu’on vienne me conter mes pas de danse catastrophiques aux aurores du lendemain. Or ! Pour l’instant, tout ces beaux enfants sont frais et encore loin de la cuvette à chiotte remplie de vomis –Grâce, Délicatesse, Somptuosité quand tu nous tiens !
Mais tu n’y échapperas pas, mon cher Will, j’arriverais bien à te traîner sous les spotlights pour un ou deux morceaux de Bloc Party ; histoire que j’ai une bonne excuse pour t’effleurer les épaules et te frôler le bassin de mes hanches. Et j’y tiens ! Mais pour l’instant, J’AI FAIM ! Et aussi peu élégant soit-ce, l’envie qui prime sur celle de sauter sur ce salop affreusement bien sapé et débordant de sex appeal est celle d’avaler les trois quarts de ce merveilleux buffet. Alors imaginez ma tête quand il me retient, et l’envie numéro deux qui dépasse la numéro un quand il entremêle nos doigts. Merde. J’ai plus faim.

« Tu ne sais pas de quoi mon estomac est capable ! »


Amusée par sa manie qu’il a de me tenir comme un papa retient sa fille prête à accomplir le pire des méfaits et souiller à jamais sa sympathique apparence de jeune sainte bien élevée, je le laisse me tirer jusqu’au buffet, profitant de cette attention qu’il veut bien m’accorder, parce que ça fait du bien, parfois, de laisser couler. Une fois devant le buffet, je l’observe attentivement faire son fier, et se débattre pour tenir les rênes, d’ailleurs je les lui refile avec plaisir : contrôler, c’est pas mon truc, s’il tient tant que ça à choisir le programme de la soirée, qu’il le fasse, ça fait mon affaire !

«Bon alors, tu veux quoi ? »


Long regard vers les vingtaines de plats. Traitement des données ultra rapide par mon vieux pote, le cerveau. Choix instantané indiqué par mon index, en direction du bébé éclair au chocolat repéré plus tôt : ça. Je veux ça. Je flanque mon nez et mon visage tout entier sur le torse de Turner façon gamine aux difficultés mentales certaines et miaule comme si je n’y tenais plus, et que je lui balançais comme le dernier soupir de vie qu’il restait en moi :

« L’éclair au chocolaaaaaaaaaaat steuplaaay ! »

Tant qu’à être relou, autant l’être à fond, et c’est la bouche grande ouverte que j’attends la becquée de maman Will, juste pour l’embêter, pour le plaisir d’être une chieuse. Une superbe chieuse.
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William Lawford
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Jeu 30 Aoû - 23:25


« Tu ne sais pas de quoi mon estomac est capable ! »

Non, mais je m’en doute, rien qu’à voir ses yeux briller face au buffet. On dirait qu’elle a vu l’amour de sa vie. Déjà qu’elle est bizarre, à la base, cette fille, je dois me préparer à toute éventualité. Avec elle, je crois que plus rien ne me surprendra.

Au buffet, elle ne met pas trois secondes à choisir. J’suis sûr qu’elle avait déjà repéré sa proie à l’avance ou qu’elle a un service interne de traitement de données tellement habitué aux frasques de son estomac qu’il pond la réponse la plus efficace possible en moins de deux. Une extraterrestre, cette fille. Elle doit avoir des gènes de poisson prédateur, en plus de ses branchies. C’est pour ça qu’elle a une faim de requin. Si ça se trouve, elle peut manger des hommes. Elle les attire, avec son rire que je ne commenterai plus, et après… Hop, dans l’estomac.

Ok, j’arrête. Je crois que c’est juste le fait qu’elle soit en train de se frotter contre mon torse qui perturbe ma réflexion. Je me mets à penser des trucs improbables pour me calmer. J’aurai pu croiser les doigts et marmonner des formules magiques mais c’est pas mon style. Bref, je lève les yeux vers le plafond en retenant presque ma respiration, dans l’espoir qu’elle se décolle de moi. Mais ça n’a pas l’air d’être dans ses projets, visiblement. Elle ouvre même grand la bouche, comme si elle attendait que je lui donne sa pâtée. Ha je vois, elle veut jouer à ça ? Papa Willy va te donner ta bouillie, ma petite, et va se venger par la même occasion.

Je prends la version miniature d’éclair au chocolat qu’elle m’a désignée et je lui demande :

« C’est ça que tu veux, n’est-ce-pas ? »


Et j’agite l’éclair sous son nez avant de le remonter brusquement. C’est dans ces moments-là que j’apprécie d’être un homme. Parce que les hommes, c’est grand. Plus grand que les petites sirènes dans son genre, même perchée sur des talons. Je la nargue même pas quelques secondes, car je ne tarde pas à engloutir la moitié de la pâtisserie.

« Mmh, c’est pas mal ce truc. »

Traitez-moi de connard si vous voulez, j’ai l’habitude. Oh et puis ça va, je lui ai laissé quand même une moitié.

« Tu veux ce petit bout, Ariel ? Alors viens le chercher. »

Ariel, c’est pour me venger de Turner. J’ai encore fait aucun commentaire là-dessus, mais ça me fait chier d’être comparé à cet espèce de joli minois niais. Je préfèrerais un Sparrow, à la rigueur, même si ça m’embête d’être comparé à un pirate tout court. Bon, sinon, j’ai plus ou moins satisfait mon besoin irrépressible de la faire tourner en bourrique. Juste histoire d’inverser les rôles, parce qu’en plus de jouer avec mes hormones à chaque fois que je la croise, et ce soir également, elle m’a laissé sacrément en plan la dernière fois, au fleuve. Et je ne manque pas de le lui rappeler :

« Oh et fais pas cette tête. La prochaine fois, tu sauras qu’il faut dire au revoir avant de partir ! »

Moi rancunier ? Jamais.
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May Bastide
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Ven 31 Aoû - 11:12

Oooh l’enfoiré !

Et nous revoilà partis dans notre petit jeu sordide, à balancer sournoisement de mesquines piques, à voir qui sera celui qui provoquera le plus d’agacement chez l’autre. Qui de nous deux deviendra le plus rouge, le plus exaspéré, qui craquera le premier. Qui brandira le trophée de la victoire, en écrasant du talon l’orgueil de l’autre, mais tout ça dans un esprit bon enfant, évidemment ! Moi qui pensait me pointer ici comme une fleur, passer une soirée tranquille, hisser le drapeau blanc et éviter de le mordre ou de le pousser dans l’eau… Je m’aperçois qu’il ne le voyais pas de cet œil là ! Oh mais s’il veut se battre, moi je suis toujours partante : me frotter à plus gros que moi, comme si ça allait me dégonfler.
Horripilée, je l’observe engloutir d’une bouchée la moitié de la pâtisserie tant convoitée, je retiens un cri d’horreur, le regard traumatisé, les yeux écarquillés et la bouche bée de stupeur : what a bitch. Le pire étant sûrement qu’il ose aussi me gratifier d’un surnom des plus hideux, que j’avais pourtant tant essayer de terrer dans un sombre recoin de mon existence : Ariel. Grrr. De mes années à vivre dans le sud de la France, aux côtés de mes frères n’ayant toujours pas débarrassé le plancher, ce foutu surnom représentait sûrement l’un des pires souvenirs, me hérissant les poils à chaque fois que je l’entendais. Sans le savoir, Turner appuyait là où ça faisait mal, et ça, il allait le regretter.

« Tu veux ce petit bout, Ariel ? Alors viens le chercher. »

J’échange mon air boudeur contre une lueur de malice au creux de mes iris, m’approche d’un pas, et ronronne un simple et court :

« Oké. »

Rien à faire, que je sois en robe, j’ai mis un short dessous, au cas où. J’agrippe le col de son costume hors de prix, bondis aussi haut que je peux et m’accroche façon koala, les jambes croisées autour de sa taille et empoigne sa main, le fixant droit dans les yeux. Ah ! Tu voulais jouer au plus fort ! Ne sous estime pas mes talents d’escaladeur à demi professionnelle, je grimpe ce que je veux, comme je veux, non mais !
L’éclair au chocolat sous mon nez, la félicité à quelques centimètres de mon palais, je me sers de sa main comme d’une fourchette et pousse ses doigts jusqu’à mes lèvres pour terminer le peu de chocolat qu’il avait bien voulu me laisser. J’hésite à mordre son index, par vengeance et pour l’enrager davantage, mais je me rétracte et me contente d’y passer ma langue dessus, histoire de ne pas gâcher une goutte de cacao. Fière de moi, je desserre l’étreinte de mes mollets et me laisse atterrir mollement sur les carreaux, j’époussette ma robe, lui tourne le dos et demande nonchalamment :

« Et toi ? Tu veux quoi ? »

Je meurs d’envie de rire, de me rouler par terre en me tenant les côtes, mais je contiens mes abdominaux qui tremblent, et je cache mon sourire déformé en me mordant l’intérieur des joues. Au jeu de la plus chiante, la plus embarrassante, et la plus énervante, c’est moi qui gagne, Turner, toujours, tu l’apprendras ! Je pioche dans le buffet une cerise puis deux, veillant à ne pas repeindre ma robe de pourpre et je le laisse râler sur ma sortie précipitée, lors de notre dernière rencontre. Je hausse les épaules : je m’en fiche un peu, tant qu’on se revoit, ce n’est pas très grave de se quitter sans se dire au revoir, si ? Je grogne dans ma barbe quelques phrases en levant les yeux au ciel : ça passe par une oreille, ça sort par l’autre !

« Oh ça va, t’avais qu’à te taire à propos des branchies, d’abord… »


Et je retourne aux complaintes de mon estomac, engouffre un cupcake tout rose, boit un jus de fruit trop sucré puis dansotte joyeusement autour de Turner en chantonnant du Fiction Plane. Take me back to the simple love. Je me retourne vers lui. I can’t dance no more. J’écrase mon front contre son épaule. In these murderous gloves i see. Et je déclare, déjà rassasiée :

« J’AI PLUS FAIM ! »
I feel the heartbeat in my brain !
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William Lawford
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Ven 31 Aoû - 12:24

Gnm ? « Oké » ? Pas de cri de rage ? Pas de jérémiades de bébé affamé ? Même pas de petits yeux de chat mouillé pour me faire plier ? Oh, punaise. Je sais pas pourquoi, mais je la sens mal, celle-là. Ca cache un truc, c’est pas possible. Elle a un plan secret. Elle a caché un couteau sous sa robe, et elle va me menacer. Non ! Trop basique pour une extraterrestre requin comme elle. Pourquoi se casser la tête ? Elle va tout simplement se transformer en monstre du Loch Ness et me dévorer tout cru, l’éclair au chocolat avec… Ou alors, elle va enrouler ses jambes autour de ma taille en plaquant tout son corps contre moi, son visage juste en face de moi histoire de bien planter son regard dans le mien. Je crois que j’aurai préféré la solution précédente.

Incapable de soutenir son regard, je baisse les yeux. Ouais nan, faut pas trop m’en demander non plus. Le problème avec cette position –au-delà du fait que nos corps soient outrageusement rapprochés- c’est que sa poitrine se colle juste sous mon cou et que donc, si je baisse les yeux, je la vois saillir légèrement. Quelle idée de mettre une robe bustier. Je suis coincé, en fait. J’ai pas le choix. A chaque fois que je la vois, elle rajoute du boulot à mes hormones. Vile maîtresse sadique.

Ah, moi qui croyais que j’avais passé le pire. C’est moi ou sa langue vient de passer sur mes doigts ? Elle me colle et après elle me lèche ? Certes, il devait y rester du chocolat mais c’est pas une raison.

« Et toi ? Tu veux quoi ? »


J’veux que tu lèches le coin de mes lèvres, il reste du chocolat là aussi.

NON. Pardon. Mon cerveau dérape. Ou plutôt, c’est mon corps qui dérape mais je vous dirai pas l’endroit exact. Inspire, expire. Ca va aller, Will, t’as déjà surmonté pire. Trouve une raison de t’énerver contre elle, ça va te calmer.

« Mais… T’es tarée de faire ça ici ? Y a des gens qui nous regardent, je te signale ! »


Voilà, c’est pas correct de s’afficher ainsi, ma fille. Oh… Je viens de me rendre compte d’un truc. Dis comme ça, ça fait genre « Vilaine fille. Si tu veux me chauffer, fais-le dans un coin sombre où y aura personne pour nous regarder »... Non, non, on rembobine.

« J’veux dire… Bref. Recommence pas, même ailleurs. »

J’ai comme l’impression que je m’enfonce. Je lui tourne le dos, pour enfouir mon visage dans une main sans qu’elle me voit et marmonner pour moi-même :

« Crétin d’abruti d’idiot de… »

Et j’inspire un grand coup. ‘Va mieux. A ce moment-là, elle évoque ses branchies. Elle est gonflée de m’accuser quand même. C’est elle qui a commencé à me sortir une phrase-piège, il fallait bien que je trouve un moyen de m’en sortir. Certes, c’était pas très fair-play d’utiliser sa grande honte, même si je trouve personnellement qu’il n’y a pas de quoi en faire tout un fromage.

Je sursaute quand elle passe alors devant moi en dansant, en chantonnant ET en mangeant. Je la regarde faire, totalement immobile, les sourcils haussés. Elle doit avoir récupérer le capital bougeotte de tous les coincés de cette école, c’est pour ça qu’il n'en reste plus pour nous (oui, je m’inclus dedans). Je ne connais pas la chanson qu’elle baragouine et j’ai pas le temps de plus la connaître, car elle s’arrête brusquement en hurlant presque qu’elle a plus faim. Et pouf, sur mon épaule. Y a plus d’piles.

Je prends son visage à deux mains, la détachant de moi. Elle mâchouille encore je ne sais quelle pâtisserie, donc j’écrase un peu ses joues qui gonflent pour faire rentrer tout ça, en gardant les sourcils froncés comme si j’étais préoccupé. On n’a pas idée d’être aussi mignonne.
Je glisse mes mains vers les deux côtés de son cou, et m’arrête dessus. Puis mes doigts filent sur sa peau en l’effleurant, à la recherche de quelque chose, mais sans rien trouver, donc je demande finalement :

« Tes branchies ne sortiront pas ? Histoire que je sache si tu vas encore me planter comme un idiot ou pas. »


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May Bastide
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Ven 31 Aoû - 13:25

PRENDS CA, TURNER ! Tu m’as cherché, tu m’as trouvé, je t’avais prévenu que je t’en ferais baver ! Enfin, plus ou moins, disons que ce fut un accord silencieux. Oh mon dieu, je suis machiavélique. Morte de rire, je l’écoute me hurler dessus sans même que je prenne la peine de me retourner pour ramasser mon engueulée en pleine figure : cause toujours, tu m’intéresses. Que les gens nous regardent ? Oh, j’en ai rien à carrer ! D’ailleurs s’ils peuvent en plus me servir d’élément potentiel pour faire rager Turner, je ne peux que me délecter de leurs présences.
Je croyais avoir épuisé mon stock de rire pour la journée, mais c’était sans compter le grand truc qui s’emmêlait les pinceaux devant moi et son fameux « même ailleurs » qui ne servaient qu’à me témoigner un peu plus qu’ils ne pensaient pas qu’aux pâtisseries quand je lui grimpais dessus. Ouvrant de grands yeux, et partant à nouveau dans un fou rire délirant, je ne peux m’empêcher de répéter, entre deux reprises d’inspiration :


« ….même ailleurs ! Hahahaha ! Même ailleurs ! »

Avachie mal gracieusement sur son épaule, mâchonnant paresseusement un restant de gâteau à la vanille, je ne m’attendais pas à ce qu’il vienne écraser tout ça de ses énormes pattes d’ours jusqu’à me pousser à la limite de l’étouffement. A bien y réfléchir, je dois être absolument ravissante en cet instant, la bouche en cul de poule, et les joues façon hamster, mais il n’a le droit de rien dire, parce que c’est de sa faute. Je marmonnerai bien un « LACHE MOIIIII ! » mais je voudrais pas postillonner tout l’intérieur de ma bouche sur sa veste, alors pour une fois –mais vraiment que pour cette fois, hein- je me la ferme, boudeuse et contrariée.
Quand il vire ses mains de mes joues, c’est pour les glisser dans mon cou, à la recherche d’un motif pour me foutre la honte, sûrement. Mais heureusement, pour ce soir, mon côté poiscaille s’est fait la malle et m’a laissé l’occasion d’être au minimum regardable.


« Si tout va bien, non, tu n’auras pas l’occasion de te rire de moi ce soir, Turner ! »

J’ignore intentionnellement le reste de sa phrase, parce que, merde, c’était de sa faute aussi ! Et je pose mes mains sur ses doigts qui n’ont normalement rien à foutre là, s’ils voulaient savoir si mes branchies étaient là, il aurait pu se pencher pour regarder, aussi hein, Monsieur « pas de ça ici, y’a des gens », tu m’en diras tant.
Et puis finalement je le trouve mignon, à sous-entendre que l’idée que je le plante ne l’enchante pas vraiment, alors je sers ses grands doigts, entre les miens et je pose ma tête sur son torse, assourdie par les battements du truc qu’il semble ne pas avoir en apparence. Je soupire, flemmarde, feignasse :


« Mais non, j’ai pas envie de te planter. »

Quand les mots vont plus vite que les pensées. Merde. J’aurais mieux fait de lui envoyer une méchante vanne du genre « Eh bien ça sera bien fait pour toi ! » ou « T’auras qu’à t’en trouver une autre ! » et de toutes façons il n’aurait pas de mal, vu comme toutes ces filles gloussent autour de lui. D’ailleurs voilà que ça m’écorche les yeux, toutes ces gourdasses qui s’agglutinent autour de lui, dans un périmètre plus restreint qu’un cercle d’un rayon de deux mètres, et encore, je suis sympa. Des françaises, des russes, des allemandes, de tout, du moment que ça porte des cheveux longs, des seins et des talons hauts de pétasse. Trop occupée à faire mes conneries dans mon coin, j’avais oublié que ce cher et tendre Turner attirait toutes les foules, et moi je fulmine contre son torse, y enfonçant un peu plus ma tête pour éviter de voir ces dizaines de nanas qui lui tournent autour comme des vautours. J’ai l’impression d’être la cible à abattre, à gicler de là pour qu’elles puissent toutes se jeter sur lui.
MAIS NO WAY.
Turner est à moi.

Quoi ? Qu’est ce que j’ai pensé ? Vite, trouver autre chose à penser, à dire, à faire, oublier mes réflexions de grognasse jalouse. NON JE SUIS PAS JALOUSE. MERDE
En fait si, et ça m’explose à la gueule quand je tambourine son torse de mes ridicules petits poings en râlant :

« Elles m’énervent, ces poufs ! Elles peuvent pas regarder ailleurs ?! »
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William Lawford
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Ven 31 Aoû - 14:08

Et ça rigole, et ça se moque de moi, ça me fait remarquer mes confusions alors que c’est pas de ma faute mais de la sienne, à se faire une beauté pour ce stupide bal dont tout le monde se fout. Dont moi je me fous, en tout cas. Ma méchante humeur commence à arriver… Clairement, oui, je boude. Au moins, les branchies ne reviendront pas, enfin un bon point dans cette fichue soirée.

Je tressaille quand elle saisit mes mains et se blottit contre moi. Je ne réponds pas à son étreinte, je reste simplement accroché à ses doigts, à me demander ce que je dois faire. Surtout qu’elle doit entendre mes battements de cœur, là. Dans la liste des choses que May devrait urgemment arrêter de faire, je rajoute « m’imposer des câlins », juste après rire comme la tarée adorable qu’elle est, et me lécher les doigts ou autre chose sans prévenir. Simple question de santé, j’ai pas envie que mon cœur me lâche alors que je suis encore si jeune.
Ah, je rajoute aussi « dire des phrases ambigües » comme « Je t’aime bien, Will » ou encore tout récemment « J’ai pas envie de te planter ». Donc elle a envie de me garder. Donc ça lui fait plaisir de rester avec moi. Donc elle veut qu’on passe toute la soirée ensemble et qui sait comment, ou plutôt elle se terminera. Donc… Donc tu vas te calmer tout de suite, Will, avant de faire ou dire une connerie.

« Hm. Je dois le prendre comme des excuses pour la dernière fois ? Ou c’est simplement que tu te plais bien dans mes bras ? »

Autant la chambrer un peu au passage.

Ses petits coups de poing me prennent par surprise. Pas qu’elle me fasse mal, mais il va falloir qu’elle arrête aussi de changer d’attitude aussi brusquement.

« Elles m’énervent, ces poufs ! Elles peuvent pas regarder ailleurs ?! »


Allons donc. Serait-ce de la jalousie que je vois là ?

Je regarde autour de moi. J’avais oublié tous ces regards pénibles qui m’ont pesé avant que May n’arrive, parce que cette folle est une telle distraction à elle toute seule qu’elle pourrait vous faire oublier qu’il y a un incendie dans la maison. Maintenant qu’elle me le rappelle, je me reprends ces regards en pleine gueule, sauf que cette fois, ça n’irrite pas que moi. Et cette idée… m’amuse. Je lance, avec un sourire narquois à peine dissimulé :

« Pourquoi tu voudrais qu’elles regardent ailleurs ? Je suis pas assez beau ? Ou t’es juste jalouse ? »

Et une petite vengeance de plus. C’est jouissif. Décidément, je peux pas m’empêcher de titiller ce petit bout de fille qui se monte le bourrichon pour rien. Non mais sérieusement, vu comme elle se jette sur moi sans arrêt et sans raison, je doute que des filles soient assez stupides pour tenter quelque chose… Si ? J’en sais rien, moi j’aurais abandonné, même si je ne suis pas un exemple de combativité extrême. Maintenant que j’y pense, les femmes restent dans la catégorie des plus grands rapaces de cette terre, donc c’est bien possible.
Bref. Mon doigt relève sa tête puis appuie sur le bout de son nez, tandis qu’elle grimace.

« Arrête de bouder, p’tite sirène. Moi je les regarde pas, ces filles. »


Non, je ne rajouterai pas le « je ne regarde que toi » qui me brûle les lèvres. Je veux pas lui donner une raison de plus de me taquiner, même si ce que je viens de dire était assez équivoque. Au final, j’aurai juste dû me la fermer, mais, même si sa bouille de gamine butée est mignonne, je préfère quand elle sourit à pleines dents.

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Prophetia
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Sam 1 Sep - 9:03

Que c'est romantique. Agréable. Mignon. J'y verrais même quelques paillettes, du flou autour, un filtre rose. Comme dans un film à servir aux adolescentes en manque de romantisme.

Pourtant, avouez une chose, May et William attirent beaucoup trop de regard. Elle avec sa façon de se pendre à ses reins. Lui avec sa façons de dégager ce je-ne-sais-quoi dont les filles raffolent. Ce petit jeu trop connu qui s'installe !: Le flirt. Pas le petit, innocent, avec un compliments. Quelques blagues dissimulées, un contact aussi. Je pense que ces deux là finiront la soirée autrement qu'elle a commencé.

Sauf si. Sauf si quelqu'un vient perturber le tableau, bien sûr.

May, tu reprends la suite de ce sujet. Sur la fin de ta réponse, tu aperçois Léonard. Celui-ci répondra ensuite, et William terminera le cercle.
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May Bastide
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Sam 1 Sep - 12:04

Toutes canines dehors, regard dur et sourcils froncés, me voilà en combat psychologique avec le côté féminin de la salle : qu’elles fassent un pas de plus, et je leur saute à la gorge ! Turner aurait mieux fait d’avoir un costume moche, un truc qui le grossit et qui le vieillit, comme ça j’aurais eu la paix, mais non, il fallait qu’il se pointe là comme le plus charmant des princes –qu’il était loin d’être, lui et son caractère de cochon- et qu’il me fasse tourner en bourrique. Et il s’y plait, à ce jeu là, à me titiller jusqu’à me faire péter un câble, et le voilà qui enfonce le couteau dans la plaie, en remettant sur le tapis cette rencontre à la rivière, alors que moi je me bats désespérément pour écarter le taux croissant d’œstrogène dans les parages :

« Hm. Je dois le prendre comme des excuses pour la dernière fois ? Ou c’est simplement que tu te plais bien dans mes bras ? »

Je m’écarte d’un pas, piquée : il profite de tout, Will, c’est pas possible ! Je me retourne vers le buffet, qui lui au moins est sympa, et attrape une fraise qui passait par là, en criant qu’elle voulait se faire dévorer. Je croque dedans, réfléchis à la réponse qui pourrait l’énerver le plus, et déclare le plus naturellement du monde :

« Des excuses ? Quelles excuses ? Dans tes rêves, Turner ! C’est ni l’un, ni l’autre, c’est… »

Ok. Peut être la deuxième option, mais il n’est pas obligé de le savoir, si ? Alors j’avorte ma phrase, et reprends mon combat de regards contre le restant de poufs persistantes qui ne comprennent toujours pas que c’est chasse gardée.
…Enfin non, c’est pas que c’est chasse gardée, je m’en fiche de Turner ! Oui, j’en ai rien à faire, c’est pas comme s’il me plaisait ou que je l’aimais bien, non mais n’importe quoi. Il me soule. IL ME SOULE. Et encore plus quand il met le doigt sur ce qui fait mal, à savoir, le mot que j’avais soigneusement évité jusqu’ici : jalousie. Rouge de colère ou de honte, je ne sais pas trop, je me retourne vers lui, prête à lui faire ravaler ses paroles entre deux coups de poings dans les côtes, mais je m’abstiens à la vue de professeurs dans la salle. Bon, ma vengeance sera pour plus tard. Je me mords la lèvre, croise mes bras sur ma poitrine et décide de noyer ma colère dans la bouffe. Alors que je recommençais à m’empiffrer en pensant –à tord- que j’avais d’ors et déjà perdu cette partie, le voilà qui me poke le nez, en prononçant une phrase qui me parut des plus intéressante :

« Arrête de bouder, p’tite sirène. Moi je les regarde pas, ces filles. »

Aaaaah oui ? Pas besoin d’être une pro des sous-entendus pour saisir ce qu’il regardait à la place. Un nouveau sourire, celui de la fille qui a gagné sans bouger le petit doigt, illumine mon visage dont la rougeur s’envole : Turner, tu aurais mieux fait de te taire, maintenant je vais me venger ! Je réajuste ma robe, prête à lui faire une crasse digne de celle de l’éclair au chocolat, histoire qu’il rougisse et s’affole encore un peu, et m’approche lentement vers ce mètre quatre-vingt d’assurance et de classe que j’allais bientôt étouffer entre mes lèvres, quand…
MAIS C’EST PAS LEO QUE JE VOIS LA BAS ? Epoustouflant de beauté, de l’autre côté de la salle, je le vois débarquer dans son somptueux costume taillé pour l’occasion. Le bras libre, et le sourire enjôleur collé aux lèvres, il traverse l’assistance en balançant des « bonsoirs » de sa voix suave et déroutante dont il a le secret : au choix, ça fait soit pervers, soit séduisant. Moi j’ai l’option c, et je trouve ça absolument tordant ! Surexcitée de le voir ici, je détale en moins de secondes qu’il n’en faut pour dire ouf et sprint, talons aux pieds, oui, j’ai peur de rien, jusqu’à lui. Dix mètres, cinq mètres, trois mètres, deux mètres… Et c’est l’impact ! Je me jette à son cou, débordante d’amour et de bons sentiments en m’émerveillant devant sa classe légendaire :

« LEOOO ! MAIS COMMENT T’ES TROP BEAU ! Tu m’avais caché ça, sérieux ! T’es canooooon ! »

Et je lui tourne autour pour mieux le détailler dans tout son ensemble, fière d’être l’amie d’un bel homme pareil. A force de pousser de nombreux petits cris de joie en découvrant chaque détail de sa tenue, je m’aperçois que j’ai oublié un truc, derrière. Attendez, c’est quoi déjà… OH MERDE. Turner ! Je me retourne, le vois un peu plus loin, et le traîne par la main jusqu’à Léo en m’excusant vaguement de l’avoir laissé en plan plus de trois secondes d’affilées. Spontanée, impulsive, irréfléchie, je me mets en tête de les présenter sur le champ :

« Léo ! Voici Will, c’est… Heu… Et Will, c’est Léo ! Mon…euh… »

Le souci quand on est stupide et qu’on passe sa vie à faire des conneries avec les garçons, c’est que ça finit forcément par nous retomber sur un coin de la gueule. Ne sachant comment annoncer à Will qu’il vient de rencontrer le garçon qui calme ma libido trois fois par semaine, et ne sachant comment décrire le jeu étrange entre Turner et moi à Léo, je me tais, profondément emmerdée, en me mordant la lèvre continuellement. La soirée promet d’être riche en émotions…
Youpi.
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Léonard d'Armancie
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Sam 1 Sep - 20:35

J’ai dû passé un tiers de ma vie à faire des câlins, un autre tiers à jouer de la musique et un troisième à tout le reste. Mais ce soir tout est différent. May ayant refusé mon invitation, elle me prive de ses câlins. Et Erika n’ayant pas pu venir, je suis privée de la musique du bal, quand à tout ce que je pourrais faire à côté, ça semble bien déprimant.
C’est pourquoi, je décide d’ouvrir un quatrième tiers à ma vie (Si si, c’est possible !). Ce soir, je vais rassembler mes nombreux atouts pour faire tomber un terrible ennemi. Celui qui est la cause de cette soirée ratée pour moi. Celui qui a détourné le regard de May. Je vais l’assassiner ce soir même. Cet ennemi, c’est… UN EPIS !! Cet enfoiré s’est coincé là depuis une semaine, et le seul moyen d’y remédier c’est de le couper. Un coup de ciseau, et plus d’obstacle. Plus d’obstacle pour arriver à un autre adversaire, j’ai nommé William Shakes… LAWFORD.
Je n’ai jamais vu ce type, mais j’en ai vraiment entendu parler. May n’arrête pas de parler de lui. Elle ne s’en rend pas compte, mais lorsqu’on couche ensemble et qu’elle me parle de lui… j’ai l’impression de faire du tricycle (et je vous laisse la liberté de comprendre ou non la métaphore).
J’ai connu May dès mon arrivé à l’école, et on s’est tout de suite entendu, et lui il arrive là comme un cheveu au milieu de la soupe et il se permet de dérober ma promise ? Si May est un Carapuce, je suis son Voltorbe ok ?! Et c’est pas Kadabra qui va gagner le combat, même en utilisant hypnose !
Concentrons-nous un instant et préparons nous pour mettre en action Le Plan Je-dois-recuperer-May-et-montrer-à-Will-qu’il-ne-l’aimera-jamais-autant-que-moi-je-l’aime. Mais comme ça fait un peu long, on va appeler ça le Plan NINJA !! (bruit de gong).
Heureusement, le costume taillé pour l’occasion est arrivé à temps. Je défie quiconque d’en avoir un plus beau et plus élégant que celui-ci. Comme tout le monde a l’habitude de me voir en chemise ou en veston, (toujours très élégant) il fallait que je surpasse mes capacités perfectionnistes et voici l’arme ultime. Le costard nucléaire… avec ça je peux détruire plusieurs fois la terre rien que par l’éclat qu’il procure. Disons que c’est le Katana qui servira au Plan NINJA !! (bruit de gong).
Le costume revêtu, une coupe et un visage plus que parfait grâce à un masque qui doit reposer pendant 7h.Tout est parfait, mon absence de la journée suscitera des questionnements « est ce qu’il n’est pas trop déçu, lui qui adore les bals ? Il déprime peut-être… oh le pauvre » et PAF je me pointe plus brillant que le soleil. Son William pourra être somptueux, ce ne sera plus qu’une boule à facette à côté.
Le bal à commencé depuis 20 minutes déjà. Il doit y avoir tout le monde sauf moi. D’après mes calculs, May devrait finir de manger et elle devrait être entrain de câliner Kadabra. C’est parti.
Le couloir est bien sur vide, et je vois déjà la lueur de la salle de bal.

Plan Ninja, phase enclenchée 1 : L’apparition divine.

J’entre alors dans la salle et lance quelques « bonsoir » d’une voix suave. Toute les filles me regardent (sauf celle qui ne regardent pas, mais on s’en fou d’elles ! L’important, c’est qu’y en a plein qui me regarde.) Je vois certaine tête connu et leur lance un sourire par-ci par-là.
Avant de l’apercevoir elle.
Mon Dieu, elle est magnifique. Je ne sais pas si c’est la robe d’Erika qui fait cet effet là, où simplement la lumière, mais tout semble s’arrêter dans la piève et elle, semble briller. Je devais être le soleil, mais la lune bleue serait-elle plus éclatante ? Tous les hommes la regardent, et ça me flatte. Parce que dans un sens, elle est encore un peu à moi.
Je perds mes esprits en voyant son sourire… et les reprend en voyant à qui elle sourit. Un grand type en costume bleu. (Merveilleusement beau il faut l’avouer. J’ai peut être sous-estimé l’ennemi tout compte fait.) Ceci dit ma pause spirituelle pour contempler May m’a coupé du monde une demi-minute et ressurgissant parmi les mortels, je m’aperçois que je suis le centre d’intérêt. J’ai le regard de chacun posait sur moi. Même les garçons qui regardaient le couple flamboyant de l’autre côté de la pièce me regardent moi à présent. Les Geishas sont séduites, et les vendeurs de Ramen sont impuissants face à ma force spirituelle. Il ne reste plus que l’impératrice et le dernier Samouraï.
On se croirait dans Kill Bill, vous savez quand Uma Thurman tue tout les chinois pour défoncer la gueule à son ancienne pote ?!
Si je suis Uma Thurman, May est Tarantino et comme tout bon réalisateur, il regarde la vedette de son film. May ose décrocher son nez de celui de William et ose me voir.
Ces yeux deviennent d’énormes billes et sa bouche s’ouvre d’un coup avant de se tendre jusqu’à ses oreilles. Elle pousse gentiment William et coure vers moi. Elle me saute dessus et :

« LEOOO ! MAIS COMMENT T’ES TROP BEAU ! Tu m’avais caché ça, sérieux ! T’es canooooon ! »

Séduction réussie. Je suis obnubilé par ces yeux mais réussit à m’en défaire afin de voir celui qui me tournait le dos. Un bandeau… il a un bandeau sur l’œil. May ne l’a jamais précisé, mais après tout, ça ne change rien. Il reste très beau, et il reste mon adversaire.

- A côté de toi, je suis minable. Tu es radieuse et magnifique. Lui dis-je en fixant son compagnon de cérémonie.

Je reviens à elle mais apparemment, elle aussi, est revenue à William. Mais je ne dois pas m’inquiéter puisqu’elle revient déjà en compagnie de son si charmant William. Avant qu’elle ne revienne je dois préparer la phase 2. (Le verbe revenir me fait tourner la tête…)

- Salut, ton cavalier est plutôt hideux à côté de moi, tu ne veux pas m’accompagner plutôt ? Elle est suffisamment mignonne pour rendre May jalouse et semble assez stupide pour n’être qu’un pion sur mon jeu de Shogi.

« Léo ! Voici Will, c’est… Heu… Et Will, c’est Léo ! Mon…euh… »

Léo ! Voici Will, c’est le garçon dont je suis un peu amoureuse. Et Will, c’est Léo ! Mon ami qui est un peu amoureux de moi.
Effectivement, ça donnerai des frissons à voix haute.

Je serre la main de l’homme en question et agrippe alors ma pseudo-cavalière par le bras, lui enlace la taille tandis qu’elle continue à sourire bêtement.

- Enchanté Will. Et bien May, je te présente… euh… JULIE !! C’est ma petite-amie et j’en suis fou amoureux. Julie, je te présente May, une très bonne amie.

Inutile de préciser « Non tu ne l’as pas vu rentré tout à l’heure avec le roumain qui est assis là-bas », ça compromettrait la mission.
Passons alors à la suite du plan.

Plan Ninja, phase 2 enclenché : La boite à jalousie (ou la cruche qui rend May jalouse.)
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William Lawford
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Sam 1 Sep - 22:05



Première petite vengeance réussie. May s’en va se consoler près de son buffet, avec son air buté habituel.

« Des excuses ? Quelles excuses ? Dans tes rêves, Turner ! C’est ni l’un, ni l’autre, c’est… »


C’est… ? Tiens, cette phrase avait si bien commencé pourtant, tu semblais si sûre de toi, ma petite May. Dommage que la vérité t’aie rattrapée sur la fin... Oui, je suis un enfoiré.

Je les remarque, ses regards enragés vers les jeunes filles autour de moi. Personnellement, je préfère les ignorer, mais la méthode à May est sensiblement plus violente, on dirait. Je souris, discrètement. Comment ne pas en tirer des conclusions ? Il est clair qu’elle ressent de la possessivité vis-à-vis de moi, voire de la jalousie envers ses camarades féminines. Autant, je suis assez doué pour cacher mes sentiments derrière un masque neutre, autant j’ai appris à deviner ceux des autres, à force de jouer avec. Moi et les sentiments, c’est une longue histoire.
En tout cas, May réagit au quart de tour, c’est jubilatoire. Sa colère et sa frustration se lit sur son visage avec une facilité déconcertante. Un jour, je lui filerai peut-être quelques tuyaux pour moins laisser paraître ce qu’elle pense ou ressent. Cette fille est trop expressive, c’est perturbant.

D’ailleurs, sa fureur s’envole vite quand la dernière phrase, qui n’aurait pas du m’échapper, m’échappe tout de même. Oups. Je recule instinctivement quand elle s’approche de moi. Je n’ai aucune envie de subir à nouveau la prise koala, ou tout autre prise de son panel dangereux pour les jeunes hommes dont la vie est régie par des hormones… Mais aucune n’arrive. Car May bifurque en l’espace d’une demi-seconde et me contourne pour filer plus loin. Elle aurait pu sauter sur ma tête et m’enfoncer au sol, ça aurait eu le même résultat. Elle vient de me… planter, oui, encore une fois.

« LEOOO ! MAIS COMMENT T’ES TROP BEAU ! Tu m’avais caché ça, sérieux ! T’es canooooon ! »


Comment ça ? Qui ? Léo ? Où ça ? Canon ? Pourquoi ?

J’essaye de retrouver cette fichue tête bleue –même si la voix n’a pas été difficile à suivre, non- et celle qui l’accompagne, par la même occasion. Des gens se sont retournés sur son passage, et chuchotent maintenant, après la réaction démesurée de May, du coup, mes yeux ne tardent pas à retrouver les deux fautifs. Je lève les yeux au ciel, en lâchant un bon gros soupir. Pourquoi a-t-il fallu qu’elle hurle comme ça ? J’hésite presque à les rejoindre maintenant, j’ai peur d’être fiché comme eux. Non que je tienne à une quelconque réputation, mais ça m’arrangerait qu’on limite le nombre de regards qui se posent sur ma personne.

En même temps, une vicieuse curiosité et un autre petit sentiment de je-ne-sais-quoi me démangent les jambes. J’ai envie d’aller voir qui est ce Léo tellement beau qu’il arrache une fusillade de compliments à May, cette même May qui s’est contentée tout à l’heure de me sortir un « T’as sorti le costume, Turner ! » pas du tout flatteur maintenant que je commence à psychoter, mais plutôt moqueur. De toute façon, j’ai pas le temps de me tâter plus longtemps. La main de May vient me tirer sans la moindre grâce vers ce cher Léo.

J’entends vaguement ce jeune blondin se rabaisser devant la si rayonnante beauté de May. « Radieuse et magnifique ». Ragnagna. Je vois tout de suite le genre de monsieur le séducteur du dimanche, avec ses phrases dégoulinantes de romantisme sucré et brillant à la lumière des chandelles. Moi aussi, j’ai pensé la même chose, d’abord. Certes, je n’ai rien dit, mais je l’ai trouvée plus magnifique que ce que ce Léo raconte. C’est pour ça que je l’ai pas dit, d’ailleurs, ça peut pas se dire avec notre pauvre langue française ridicule. Voilà.

J’arrive enfin devant lui. Mouais. Pas mal. Mais il peut crever pour que j’avoue qu’il est carrément beau gosse.

« Léo ! Voici Will, c’est… Heu… Et Will, c’est Léo ! Mon…euh… »


Heu ? Je représente donc un simple heu dans l’esprit de May. Et Léo, c’est « mon heu ». Au moins, y a « mon » dedans. Un simple pronom possessif qui fait toute la différence.

Agacé, je me détache de l’emprise de May sur mon bras, d’un coup sûrement plus sec que je ne l’aurais voulu, sans lui accorder un regard. Et je termine sa phrase très incomplète, sans davantage d’amabilité :

« Son cavalier. Pour la soirée. »


Pas pour autre chose, ni pour un autre moment. Quand la nuit sera terminée, je serai d’être cavalier, et je retournerai à mon état de « heu ».

Par politesse, je serre la main que le blond me tend. Il a pas l’air méchant, inutile de mordre tout de suite. Inutile de mordre tout court, en fait, pourquoi je me mettrai à mordre, moi, l’apathique par excellence ? Je retiens un soupir, mais j’ai bien envie de me mettre des baffes, pour le coup. Je m’énerve moi-même, assez pathétique comme situation. Mais je m’énerve aussi contre la maladresse de May, contre la beauté de ce Léo, contre ce lien inconnu qu’ils entretiennent, et même contre le sourire débile de cette dinde qu’il tient à son bras. J’aurais jamais cru dire ça un jour mais je suis littéralement en train de bouillir de rage. Une rage totalement injustifiée, en plus de ça.

Je fronce les sourcils quand le blondin nous présente sa cavalière. Soit il a pioché ce matin sa pouf au hasard parmi sa collection de poufs, soit… Je sais pas, mais en tout cas, sa manière de la présenter est louche. Fou amoureux et il bute sur son prénom ? Mais je ne dis rien, je n’ai de toute façon rien à ajouter.

« Je vois, dis-je d’une voix totalement impavide, signe que je n’en ai strictement rien à foutre de sa Julie. Et sinon… Vous vous connaissez depuis longtemps, May et toi ? »


Phrase qui aurait pu paraître tout à fait normale, voire polie, et même digne d’une belle relance de conversation, si je l’avais pas lâchée avec ma voix tellement indifférente qu’elle en est effrayante. Mais là, je dois avouer que la politesse n’est pas le premier de mes soucis.


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May Bastide
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Sam 1 Sep - 23:30

Léo. Je t’ai rencontré il y a un an de cela, dès mon entrée à Clever Cross. Un peu paumée, surtout curieuse, j’arpentais les couloirs de cette école qui deviendrait ma maison, mon cocon, mon nouveau chez moi. Effrayée ? Non, vous voulez rire ! J’étais là, à chanter bruyamment le nouveau tube de Pink, faisant racler la semelle de mes converses sur le plancher, et observant furtivement les tableaux étranges accrochés sur chaque mur de plus de deux mètres carré. ET BAM, un truc qui explose, je me souviens pas de quoi, mais entre les gravats et les nuages de fumée, y’avait un type, et ce type, c’était Léo.
Pas besoin de me draguer que j’étais déjà emballée. Lui, son humour de merde, son passé un peu trop touchant, et sa putain de manie de sortir son violon n’importe quand. Quelques semaines à sympathiser, à discuter de tout, de rien surtout de n’importe quoi. Des après-midi dans l’herbe, à critiquer le dernier rouge à lèvres de la pouf du lycée, à chantonner les nouveautés du moment, et à s’imaginer ce qu’on ferait de nos vies plus tard. Et puis on s’embrasse, juste pour voir ce que ça fait, juste pour passer le temps. Et puis on couche ensemble, juste pour ne plus avoir froid, juste pour se sentir moins seul. Des heures et des heures à raconter des conneries, des nuits entières à t’écouter parler, à te regarder faire, à t’observer réfléchir.
ALORS SI TU CROIS QUE J’AI PAS COMPRIS TON PETIT MANEGE !

Et regardez le moi qui se frotte à sa pétasse, une certaine Julie qu’il vient juste de piocher dans le lots de gourdes qui nous traînaient autour. Idiote comme un manche à balais, elle ne sait que dire, déstabilisée par la présence de deux grands gars trop beaux pour elle. Et après quoi ? Si tu veux me rendre jalouse, Léo, il faudra trouver mieux qu’une blondasse aux gros seins qui glousse comme une dinde à chacun de tes mots. Je la détaille de haut en bas, d’un œil hautain et blasé et laisse échapper un « pfff » plein de mépris. Pitoyable, celle-là, elle aurait mieux fait de rester accrochée au bras de son Roumain ! Et puis qu’est ce qui lui prenait à Léo ? Ce n’était pas la première fois que je le voyais avec une conquête, alors il pensait que j’allais faire quoi ? Lui sauter à la gorge et lui bouffer les tripes ? La découper en minuscules morceaux devant toute l’assemblée et aller la balancer dans la Loire ? Très peu pour moi ! ça, c’est juste un sort que je réserve potentiellement à ma chère et tendre Lyria. Je regarde Julie. Je regarde Léo. Et j’explose de rire : non mais n’importe quoi, vraiment !


« Une très bonne amie ? D’accord ! »

Tu te souviens, Léo, ta chevalière ? Je l’ai toujours à mon doigt. Mais plus pour longtemps. Pas vraiment vexée, juste pour lui faire croire à une fausse jalousie qu’il souhaitait tant créer, je fais glisser la bague sur mon index, la retire d’un coup sec, m’approche jusqu’à l’oreille du beau blond et murmure :


« Ben tu ferrais mieux de lui offrir à elle, alors ! »

Et je la lui fourre dans la poche de son froque. Tiens, prends sa dans petite gueule d’ange, Léo, ça t’apprendra ! Don’t fuck with mermaids. J’ai vaguement hésité à la lui rendre dans un verre de ponch, mais je ne voudrais ni qu’il s’étouffe, ni que ce machin s’abîme ; ça a l’air véritablement coûteux, on sait jamais ! Et puis je la lui rends temporairement, demain, quand il aura bien ruminé l’humiliation qu’il a tenté de me faire subir, je la lui reprendrais des doigts en lui collant un baiser sur sa joue, et on en parlera plus… Pas vrai ?
Ce qui m’inquiète un peu plus, c’est ce bras qui s’échappe de mes mains : Will est vexé. Pour une raison qui m’est encore inconnue, le voilà qui grogne, qui marmonne dans sa barbe des politesses déformées qui ressemblent plus à des « Allez vous faire fouetter par des orties fraîches » qu’à de réels « Enchanté ». Les doigts vides, privés de sa manche, je commence à me sentir mal à l’aise : qu’est ce que j’ai fait encore ? L’énerver intentionnellement, d’accord, j’y arrive bien et j’aime bien le faire ! Mais, de cette manière là… Non… Je n’aime pas ça. Pas du tout même. Et me voilà en train de réparer les pots cassés, sans même savoir comment ils ont atterri par terre. Je détourne mon attention de Léo et sa pouf pour fixer le visage fermé de Turner : oh non, ça va pas du tout. Ça sent le cramé, ça craint.


« Will, qu’est-ce qu’il y a ? »

Des mots au creux de son oreille, pour que seul lui les entende, et je reprends ce bras qu’il m’avait pourtant arraché, mais je ne veux pas qu’il soit fâché, ou bien je veux savoir pourquoi. Alors je tiens bon, et je sursaute un peu en entendant la question qu’il pose, froid, impassible, comme s’il s’en foutait :


« Je vois. Et sinon… Vous vous connaissez depuis longtemps, May et toi ? »

Une question toute conne, toute bête, qu’on poserait à n’importe qui. Ah bon, tu t’en fiches tant que ça ? Tu balances ta phrase comme ça, l’air de rien, comme si ça te faisait chier. J’aurais au moins cru te décrocher un air intéressé, quant à mes relations avec le reste de la gente masculine. Mais apparemment je suis juste la potiche qui t’accompagne.

« On peut dire ça comme ça… On est… amis, depuis qu’il est arrivé à Clever. »

Sérieusement, qu’est ce que tu en as à secouer de détails pareil, Turner ? C’est quand que tu me traînes jusqu’à la Loire pour qu’on aille s’y baigner ? C’est quand que tu m’arraches à cette foule pour qu’on soit plus qu’un couple bien habillé parmi la masse ? Ne me dis pas que c’était juste ça que tu voulais. Ça me blesserait trop, ça me mettrait trop mal. Alors je m’agrippe un peu plus à son bras, le regard inquiet quand il croise le sien, et l’air dégoûté quand il se pose sur Julie.
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Léonard d'Armancie
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Dim 2 Sep - 13:18

Elle me tend la chevalière ?! J’hallucine… pourtant j’ai tout fait pour qu’elle m’aime. On dirait que la Plan Ninja !! (bruit de gong) à une faille. J’ai nommé May-n’est-pas-jalouse-du-tout-de-me-voir-avec-une-pouf mais pour faire plus simple on dira que Carapuce attaque Armure et qu’il se protège dans se carapace.
Mais les deux nibards ambulants gloussent toujours à mon oreille ? Merde, j’en ai plus besoin, faut que j’m’en débarrasse.

-Dégage. Lui dis-je rapidement alors que May parlé a son beau soupirant. Je la pousse méchamment et la pauvre va s’étaler par terre, hors du champ de la caméra… bon ok, ça ne s’est pas passé comme ça. J’avoue lui avoir dit un truc du genre

« Je pense qu’on devrait arrêter la. Mais c’est pas toi, c’est moi. Je veux me concentrer sur ma carrière. Je pars en Asie demain pour une cause humanitaire. Casse-toi ! »

Mais le résultat est le même non ? En tout cas, personne n’a l’air de s’inquiéter de l’absence de la figurante.
Lorsque que William pose une question, c’est May qui répond. Et bon dieu, elle pourrait préciser plus qu’un simple

« On peut dire ça comme ça… On est… amis, depuis qu’il est arrivé à Clever. »

Bon, je dois reprendre les choses en main. Et puisque la phase 2 n’a pas fonctionnée passons à la suite du plan Ninja !! (Plus de gong… je l’ai pété sans faire exprès…).

Plan Ninja phase 3 enclenché : IMPRO TOTAAAAAAAL !!

- en fait, on est bien plus que de simple ami… on se voit plus régulièrement, pour faire d’autre truc, des trucs plus personnelles quoi. Tu vois de quoi il s’agit hein Will ! A vrai dire c’est avec elle que je passe certaine de mes nuits…


J’adresse un clin d’œil à May avec un sourire en coin. Et avant que l’un d’eux ne puisse parler j’enchaine ma phrase.

- Oui parfois, je passe des nuits entières à lui confier mes secrets. C’est une fille géniale qui doit tout savoir sur moi.

J’aurais très bien pu dire qu’on couché ensemble depuis notre rencontre, mais la partie s’achèverai là, j’aurais foutu la merde, et May m’en voudrait, alors qu’il est tellement plus marrant de la faire un peu flipper et de ne rien dire.

- Splendide costume William, mais si je peux me permettre, la prochaine fois, ne met pas de chaussure en toile avec.

Je lui esquissais un sourire. Bon j’avoue ne pas être très fière. J’ai l’impression de me comporter comme Lambinet ou comme le p’tit baron à roulette. Mais même si ça ne rentre pas dans mon jeu, cette petite pique me soulage un peu. Parce qu’il est super mignon et qu’il plait à May. Et en plus, elle a plus de chevalière à son doigt pour dire qu’elle a déjà un copain. Même si je suis pas son copain.

- Oh, tu me laisserais danser avec May ? Promis je te la ramène en bon état.

Il me devait bien ça. Moi j’adore danser, je danse plutôt bien, et même May pourrait bien danser dans mes bras. Et si je ne danse pas c’est parce que je suis venu seul… oh Bad trip !
De toute façon, c’est moi qui vais gagner. C’est écrit où dans l’histoire que la petite sirène se tire avec un pirate ? Hein ?! Nulle part !
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William Lawford
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Dim 2 Sep - 15:17


Tu ferais mieux de lui offrir à elle. Tu ferais mieux de lui offrir à elle

Si on remonte correctement la conversation, on remarque que May a dit ça après que Léo ait présenté Julie comme sa petite amie, donc si la chevalière serait mieux au doigt de Julie qu’à celui de May... Aussitôt, le lien logique se fait dans mon cerveau. Cette chevalière est un symbole d’amour. Il l’offre à ses conquêtes. Et la conclusion de tout ceci est plus qu’alarmante... May fait partie de son tableau de chasse.

Je réprime un frisson quand elle revient à mon bras. Pas d’excitation ou quoi que ce soit. Là, c’est plus de l’indignation et de la colère qu’autre chose. Je ne réponds pas à sa question, bien que je sente son inquiétude. J’en ai rien à foutre, de son inquiétude. Elle s’affiche avec ce Léo, juste sous mes yeux, et ensuite, elle revient me coller ? Mais qu’elle retourne à son blondin ! Regarde, il a renvoyé sa Julie tellement précieuse. Regarde le genre de mec que c’est, à dégager d’un coup de pied au cul les filles qui ne l’intéressent plus. Mais toi, May, tu n’es pas mieux. Tu lui balances sans aucune pitié sa bague qu’il t’avait offerte, une bague qui a certainement un sens pour lui, et tu reviens aussitôt vers moi, aussi léger papillon que lui. Vous jouez l’un avec l’autre, à celui qui aura le plus de conquêtes, puis vous revenez l’un vers l’autre, parce que les autres ne comptent pas, c’est ça ? C’est sans doute pour ça que vous vous entendez si bien ? Que votre complicité est palpable, même pour moi qui viens juste de le rencontrer ?

« - En fait, on est bien plus que de simples amis… On se voit plus régulièrement, pour faire d’autres trucs, des trucs plus personnels quoi. Tu vois de quoi il s’agit hein Will ! A vrai dire c’est avec elle que je passe certaines de mes nuits… »


Je me félicite de n’avoir rien dans la bouche à ce moment-là, boisson ou petit four. J’aurai sans doute tout recraché.

Au fond de moi, je le savais. Ou plutôt, je le pressentais. La façon dont elle lui a sauté dessus, son malaise au moment où elle nous a présents, leurs petits sous-entendus… S’il s’agissait d’un simple ami, elle lui aurait donné une grande claque dans le dos et m’aurait dit un truc du genre « On a élevé les cochons ensemble, avec ce crétin ! » ou toute autre connerie du même acabit, avec son énergie habituelle. Mais c’est bon, j’ai compris tout seul et son « je passe des nuits entières à lui confier mes secrets » ne me berne pas. Il va pas me faire croire qu’ils se retrouvent plusieurs nuits juste à papoter comme des poules. Un plan cul, donc. Enfin, certainement plus, étant donné qu’ils ont l’air de s’apprécier. Les plans culs, on les cache au fond de son tiroir, on fait semblant de ne pas les remarquer quand on passe à côté en pleine journée.

Au final, je ne sais pas exactement à quel point leur relation est profonde, mais je n’ai pas la moindre envie de savoir. Alors je lâche un simple et glacial, totalement digne de quelqu'un qui juge sans savoir, oui, et j'assume :

« Je vois parfaitement. »

J’évite de croiser le regard de May. Je suis tellement plein d’émotions négatives que je risque de lui lancer des messages que je ne voudrais pas. En fait, je sais même pas ce que je veux. Une partie de moi a envie de noyer Léo dans ses verres de ponch, une autre tente de tempérer les choses et me ramener à la raison (parce que c’est vrai que je n’ai objectivement aucune raison de le prendre autant à cœur) et une troisième partie, sans doute la plus grande, en veut profondément à May. Je lui en veux de s’être montrée si gentille, si ravissante, si tactile avec moi alors qu’elle menait ce genre de relations avec Léo. J’ai beau me dire que c’est dans son caractère d’être aussi enjouée et câline avec tout le monde, sauf que… Je crois que c’est ce qui m’énerve le plus. Avec une telle façon d’être, elle doit attirer des tonnes de garçons, et pas seulement… Pas seulement moi.

Non, non, non, ça ne va pas du tout. Pourquoi je pense ça, merde ?

Une remarque de Léo sur mes chaussures me tire de mes pensées, mais c’était franchement pas le bon moment. Je lui lance un regard aussi noir que mes ruminations. Non, tu peux pas te permettre, Léo. Je lui fais des remarques sur sa tenue, moi ? Il me nargue, c’est évident. Genre « Suis mes conseils, je sais comment charmer les filles avec mon apparence impeccable. Je vois bien que t’es qu’un petit séducteur débutant. »

Là encore, j’ai envie de me foutre des baffes. Je me suis jamais préoccupé de mon pouvoir de séduction, jamais. Sauf là, maintenant. Et quand il propose de prendre May pour l’emmener danser, là… C’est la goutte qui fait déborder le vase.

Je saisis la taille de ma cavalière pour la ramener à moi, d’un geste vif et… Oui, disons-le, possessif.

« Hors de question. Je la garde, je réponds calmement. Oh et tu peux compter sur moi pour la conserver en bon état. »

Même si c’est pas sûr que je te la rende. Non, je n’ai pas aimé sa façon de parler. C’est pas non plus comme si May était un objet qu’on se passe entre copains, allez hop, chacun son tour, et qu’il faut nettoyer entre chaque utilisation.

Ma colère s’est un peu calmée, mais je fixe toujours Léo de mon seul œil présentable. Je le connais pas mais je le déteste déjà. Et ça, croyez-moi, c’est rare, j'suis pas fan des conflits.

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May Bastide
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Lun 3 Sep - 9:45

Obnubilée par un Will qui ne cesse de se tendre sous mes doigts, légèrement affolée par ce visage qui se referme de seconde en seconde, je ne prête même pas attention au départ prématuré de l’intempérie blond. Et lorsque mes yeux reviennent se poser sur le bras vide et désaffublé d’une paire de seins énormes de mon cher Léo, je ne peux contenir un infime rire narquois en pensant non stop dans ma petite tête bleue : J’AI GAGNE HAHAHAHA ! May 1 – Léo 0. Ah tu voulais me faire criser comme le restant de tes amourettes futiles ? Pas à moi, mon mignon. Et je ne sais même pas pourquoi tu essayes. On s’était mis d’accord pourtant ! Pas de prises de tête, pas de disputes, pas de jalousie, pas de complications, pas de vie de couple et pour la simple et bonne raison que nous n’en sommes pas un. Loin de là. C’est vrai, je te dis que je t’aime, parfois, que je veux t’épouser et que je veux tes enfants. C’est vrai, que je te traîne dans mes draps et que je me laisse emporter dans les tiens sans aucune résistance, voir même le sourire aux lèvres. C’est vrai, c’est vrai que ce sont des mots en l’air, que je les pense à moitié, aux trois quarts ou pas du tout, selon l’instant, mais tu le sais pertinemment, oui, on le sait tout les deux. Tu sais que je sauterais dans tous les bras qu’on m’ouvre, que je voletterai jusqu’à chaque flaque de tendresse que j’apercevrai et que je me jetterai à corps perdu dans n’importe quel lit que je trouverai. Tu sais bien, Léo, que je ne vaux guère mieux qu’une traînée. Et c’est ce qui me rend dingue de toi. Car même si je te reviens sale et souillée, même si je te reviens brûlante d’ébats avec un autre que toi, tu m’aimeras de la même façon, toujours.

Et pourtant aujourd’hui, ce que Léo acceptait sans mal, semble faire de moi la pire des putains de cette salle. D’abord outrée par les sous-entendus plus claire que l’eau de roche du beau blond, prête à lui refaire sa gueule s’il osait en disait trop, ma joie de vivre légendaire fut bien vite laminée par trois simples mots :

« Je vois parfaitement. »

Merde. Merde. Non, tu vois pas. Je veux pas que tu vois. Merde. Tu sais. En un sursaut, je lâche ton bras. Sans même savoir pourquoi. Pourtant, il y en a d’autres qui savent, d’autres qui nous entendent à travers les murs, et nous retrouvent le matin même sans qu’aucun ne tienne la main de l’autre, ils nous jugent, et alors ? Qu’est-ce qu’on en a à foutre, de leur avis, Léo et moi ? Et pourtant, devant Will, je m’écrase. Ma gorge se serre, se noue. Merde, il sait. Je voulais pas, je voulais qu’on continue à jouer ce petit jeu douillet, où il croyait encore un peu à ma candeur, peut-être même à ma pureté. Mais non. Merde. Il y croit plus, je l’ai compris juste au ton de sa voix. Froid. Impassible. Et sous ses yeux qui me toisent, débordant de haine, je vois l’étiquette qu’il me colle, à moi la garce qui s’amusait un peu avec lui, et qui calmait ses pulsions dans une autre chambre.
Je ne les écoute même plus parler, trop défaite, trop mal à l’aise pour les contempler se foutre sur la gueule, pour une paire de chaussure ou un nœud de cravate. Je n’ose plus regarder Will. Alors que j’ai soutenu le regard de tant d’autre. Il me juge, et ça me fait mal. Ses yeux me brûlent la peau, sa voix me compresse la poitrine. Je voudrais me faire toute petite, m’enterrer dans un trou et ruminer ma honte. De l’autre côté de la salle, j’aperçois Aurelian, coupe de champagne à la main, face à Nikolaï, sourire insouciant aux lèvres. Je me rappelle de ce qu’il m’a dit, le soir où il m’a ramené à ma chambre, qu’il m’aiderait, promis. J’ai l’envie de courir vers lui, de me mettre à chialer comme une gamine de cinq ans, et de lui dire qu’ils me font mal. Qu’ils voient trop à travers moi. Mais je ne le fais pas, car ça serait trop égoïste, et puis c’est mon problème, pas le sien. Il faut que je me débrouille toute seule. Toute seule.
La proposition de danse de Léo m’arrache à mes pensées. Perdue, je cherche mes mots pour refuser, vite, inventer une excuse à la con pour dégager de là, sortir du champ de vision de Will parce que son jugement me blesse affreusement. Mais rien ne vient, et je commence sérieusement à paniquer. Ah ! Je fais moins ma maligne maintenant qu’ils voient clair dans mon jeu ! Maintenant que les cartes sont abattues, et qu’ils se rendent tous compte de mes petites magouilles, de mes stratagèmes vicieux pour ne jamais finir toute seule.

Une main qui entoure ma taille. Un bras qui me plaque à un torse. J’aurais plutôt cru à celui de Léo. Et pourtant c’est Turner qui m’arrache de la main impeccable que me tendait le blond. Sonnée, bouleversée, je n’ose même pas prononcer de phrases, de peur de balbutier, chose qui ne m’arrive jamais.Collée à sa veste bleu nuit, trop abasourdie pour protester, trop heureuse pour me dégager de son emprise lorsqu’il déclare, le ton sec :


« Hors de question. Je la garde. Oh et tu peux compter sur moi pour la conserver en bon état. »

Rassurée, mais grande perdante du jeu que l’on avait instauré, Will et moi. C’est lui qui m’attrape, finalement, et j’en suis même contente. Affreusement contente. Un soupir de soulagement m’échapperait presque, mais je le retiens de toutes mes forces : je ne veux pas paraître gagnée tout de suite. L’étonnement passé, leur petite conversation se démêle dans mon esprit, et je passe au peigne fin chacun de leurs mots : ils m’ont bien humilié, chacun de leur côté.
Léo, à jubiler en exposant au compte goutte les pans obscurs de ma vie.
Will, à juger de ses yeux sévères ce qui s’affichaient devant lui.
Et maintenant que vous vous êtes bien amusés, allez, on l’invite à danser, ou au minimum, on la garde en bon état ? Bande de crevards !


« Non mais qu’est-ce que vous faites ? »

Je foudroie Léo du regard, pour les propos qu’il a osé tenir quelques minutes plus tôt : ça devait rester notre secret, ce minuscule morceau de chose qui n’appartient qu’à nous, et tu l’offres à Will sur un plateau d’argent ? Will, que je ne veux pas de cette manière là, Will à qui j’aurais voulu expliquer calmement les choses, pour qu’il me trouve moins répugnante, moins affreuse. Mais non, Léo, t’as tout gâché. T’as tout gâché pour essayer de me garder. Alors que tu sais que je resterais toujours. T’es con, quand même.
Je voudrais bien m’arracher des bras de Turner, mais un pirate d’un mètre quatre vingt, ça rigole pas, alors je me débats un peu et puis j’abandonne, mais ça m’empêche pas de crier comme un putois, naméoh :

« JE SUIS PAS UN OBJET ! Pour votre gouverne ! Bande d’enfoirés ! »

Voilà, je vous aime, mais allez vous faire foutre, les gars.
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Léonard d'Armancie
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Lun 3 Sep - 22:32

Mais mais mais… il est vraiment pas sympa. Je ne demande pas grand-chose… juste une danse, histoire de lui en mettre plein la vue et le rendre jaloux. Et lui il refuse sans être vulgaire. C’est vraiment pas très sport comme comportement. Ça fou en l’air tout mon plan. Et en plus May n’a pas l’air d’apprécié l’idée de la poupée aux cheveux bleu. Elle est en train de me dévisager. C’est injuste, ok, j’ai fait le connard mais Will aussi, et pourtant, elle le regarde pas comme ça.

« JE SUIS PAS UN OBJET ! Pour votre gouverne ! Bande d’enfoirés ! »

Ah ben voila, comme ça, elle crie sur tout le monde. C’est que c’est chiant qu’elle crie, mais elle ne crie pas que sur moi, c’est déjà pas mal. Et moi je suis là planté comme un con et je ne sais pas quoi faire. Mon plan Ninja est foutu, et j’ai plus trop de crédibilité. Il faudrait que j’arrive à ridiculiser William et a le rendre jaloux, tout en montrant à May, a quel point je tiens à elle, et a qu’elle point je ne l’a prend pas pour un objet.

EURÊKA (tiens pourquoi dit-on eurêka d'ailleurs ?). Je vais prendre l’un de ces cupcakes et l’écraser sur la veste de Will, comme ça il aura trop la honte. Oh je bouillonne la. Il faut que j’agisse vite. Je sens un peu de panique c’est vrai j’ai la situation bien en main. Et euh… ben après, comme il sera déconcentré par le choc que lui infligera la tache sur sa veste, je pourrais embrasser furtivement May. J’ai embrassé des gens furtivement, des tonnes de fois, je suis un expert, je ne rate jamais mon coup.

Je saisis le Cupcake, l’écrase sur la veste et embrasse May a pleine lèvre.





Tiens…

Depuis quand May fait-elle ma taille ? Et depuis quand a-t-elle un parfum d’homme ? Et pourquoi le cukcape est écrasé sur une robe ? William se serait-il changé ?

OH MON DIEU… !!! On dit que l’alcool et les médicaments ne font pas bon ménage, mais la pression et moi-même non plus.

J’ai… j’ai… NOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOONNN !!!!
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Mer 5 Sep - 17:55


La p’tite sirène se débat, mais le pirate reste le plus fort. Dommage, ma belle. Mais ne fais pas l’effrontée, j’ai vu le soulagement passer sur ton visage, quand je t’ai prise dans mes bras. Alors, t’es contente de ne pas avoir perdu un homme de plus à câliner ? Après Léo, c’est moi ? Soit. Je veillerai à ce que personne ne me suive.
Je vous vois venir, ne vous faites pas d’idées inutiles. J’ai juste de légères tendances possessives, quand je désire quelque chose. C’est pas parce que c’est May, ça aurait pu être n’importe quelle autre fille, je… Est-ce que je viens d’insinuer que je désirais May, y a quelques secondes ?

Je me retiens de me frapper le front, parce que ça n’aurait pas été très malin devant tout ce monde, mais ça me démange la main. Je me vengerai un jour de toutes ces conneries que tu me fais penser, p'tite sirène.

« On a rien dit de tel, calme-toi. » je grogne, à son adresse.

Ma mauvaise humeur ne s’est pas envolée. J’ai simplement décidé de régler toutes les fâcheuses questions plus tard. Pour cette soirée, la folle aux cheveux bleus est à moi, je compte bien en profiter jusqu’au bout. Je me tourne vers Léo, le visage et le ton sobre :

« Bon, sur ce. On va te… »

J’aurais bien terminé par une formule plus ou moins polie pour lui faire savoir que sa compagnie ne m’enchantait pas et que j’avais autre chose à faire, si seulement mes lèvres n’avaient pas été entravées au dernier moment par…

Non, c’est impossible. Impensable. Irréel. Je suis juste en train de cauchemarder.

Quand cette soirée si bien commencée a-t-elle dérapé à ce point ? Pourquoi le destin s’amuse-t-il de cette façon à jouer avec mes nerfs ? Au nom de quelle force supérieure laisse-t-on des boulets pareils venir gâcher votre humeur, massacrer l’ambiance, vous voler votre copine ET un baiser par la même occasion ?? Mais en plus, c’est pas un bisou de rien du tout, il est presque en train de me rouler une pelle, là… Qu’ai-je fait au dieu des crétins blonds pour mériter ça ?
Le temps que je réalise, j’ai déjà activé le mécanisme d’auto-défense. Je pousse violemment Léo à deux mains, chope le premier verre de je-ne-sais-quoi qui me passe sous le nez pour y tremper mes lèvres, dans l’espoir que ça les purifie, puis je recrache tout, parce que le je-ne-sais-quoi était en fait dégueulasse. Génial. Moi qui me plaignais d’être trop regardé, là, je peux être sûr qu’on a attiré l’attention des trois-quarts de la salle, avec nos conneries.

« Putain ! Mais… Qu’est-ce qui t’a pris ? Ne refais plus jamais ça ! »

Et je me donne en spectacle, en plus, à gueuler et à m’essuyer frénétiquement les lèvres, mais là je peux vraiment pas me contenir. Déjà qu’à la base, je suis pas attiré par les garçons, mais alors CE garçon… Je crois que j’aurais préféré embrasser un ornithorynque.

A cet instant, j’étais tellement furieux que les gestes m’échappaient, sans que je puisse les retenir. En deux secondes, je me suis retrouvé face à Léo, j’ai saisi son col d’une main, et l’autre s’est serrée en un poing, à quelques centimètres de son visage. Puis… Rien. Je reste immobile, interdit, totalement dépassé par la situation, à me demander si je devais balancer ce poing, à me convaincre que ça me ferait du bien, que j’en mourais d’envie, mais surtout… à comprendre que ça serait une stupide erreur. Si j’écoutais mes plus profonds instincts, j’aurais sans doute foncé, sauf que William Lawford n’agit jamais ainsi. William Lawford, il terre ses sentiments les plus obscurs au fond de sa conscience, il fait l’indifférent même quand les choses lui importent, il se cache derrière un masque imperméable pour éviter les ennuis, et il n’est pas prêt de changer.

Je lâche d’un coup Léo et baisse mon poing, sans le regarder. Impuissant ? Totalement. Furieux ? Encore plus. Je me tourne vers May avec la ferme intention de lui annoncer que je partais, avec ou sans elle, mais en tout cas loin de ce Léo, quand je m’aperçois qu’elle aussi a été victime de la gaucherie sans nom de cet abruti. Un désastre. Une tâche rose gluante sur le haut de son bustier blanc. Une tâche qui vient massacrer le tableau parfait qu’était ma cavalière en arrivant quelques minutes plus tôt, près de mon banc. Je revois presque la scène, comme dans un flash dramatique, et là… Tout, tout est gâché. J’ouvre et ferme plusieurs fois la bouche, sans me décider sur ce que j’allais dire ou si j’allais tout simplement me la fermer. Au final, rien ne sort et je ne sais pas non plus quoi faire.

Je peine un peu à retrouver mon calme. La colère, la rancœur, le désemparement ? Cela fait trop longtemps. Je vais finir par croire que rencontrer May a été la porte de sortie de mes émotions indésirables, que je pensais avoir clôturée solidement. J’entends par émotion indésirable tout sentiment me faisant perdre le contrôle. Je déteste cette sensation de vertige au moment où les mains du destin m’arrachent les rennes, sans prévenir, puis me donne un coup de pied au cul avec un joyeux "Démerde-toi !". Je passe mes mains sur mon visage, m’accorde quelques secondes ainsi, sans rien dire ni bouger. Puis, machinalement, ma main retrouve celle de ma cavalière, tandis que je lance d’une voix raide :

« C’est… pas grave. Allons-nous-en, May. Allons nettoyer ça. »


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May Bastide
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Ven 7 Sep - 12:11



    You don't care if it's wrong or if it's right


    Comment bouziller une soirée, qui avait pourtant si bien commencé, en l’espace de trente secondes juste en provoquant une rencontre certainement mal choisie ? Demandez à Léo, il sait super bien le faire.
    Un peu essoufflé par ma gueulante de la minute précédente, je me laissais choir dans les bras de Turner, en attendant de récolter le calme qu’aurait dû laisser derrière elle ma futile tempête. Mais en fait, ça aurait été trop facile que ça se finisse à des cris pour tout le monde, hein ? Trop beau, trop parfait que trois mots de ma part calment leurs esprits tourmentés et leurs apparentes envies de meurtre de l’un envers l’autre, enfin, je pense que ça aurait suffi à Will, mais Léo, non, il faut toujours qu’il me fasse un plan digne de ceux des plus grandes Drama Queen, mais celui-là, vraiment… Il battait des records.
    Je sens un truc qui s’écrase sur mon sein gauche, c’est mou, un peu gluant et ça sent bon. Je baisse les yeux et vois le carnage : NON LEO ! NON ! Tu peux pas ! Tu peux pas gâcher un merveilleux cupcake au glaçage à la fraise juste pour le bien de ta petite scène, c’est…c’est…inhumain ! Oui, c’est le mot. Je contemple bouche bée mon bustier blanc massacré par le colorant rose et pailleté de minuscules étoiles dorés en sucre, mais je détourne vite les yeux : cette vision me fait trop mal au cœur. Trop attristée par ce gâteau parti s’échouer sur mes vêtements qui aurait mieux fait d’atterrir dans mon estomac, j’hésite entre me mettre à pleurer de désespoir et arracher ma robe pour aller la manger. Je ne sais que dire. Sidérée. Atterrée. Je ne sais que dire. Jusqu’à ce que le pire du pire se développe sous mes yeux : alors qu’il enfonçait encore vigoureusement le cupcake rosâtre sur ma poitrine, ce sont ses lèvres que Léo envoie à la capture de celles de Will.
    Quelle scène…GRANDIOSE ! Sûrement la plus drôle de ma vie ! Vous auriez vu la tête de Turner, avec ses grands yeux écarquillés et ses narines retroussées ! Sans parler de celle de Léo quand il s’est rendu compte de son erreur… En moins d’une seconde, j’explose de rire assez fort pour que même les gens dehors soient au courant qu’ici, il se passe quelque chose d’énorme. Et je ris encore plus fort quand Turner crache son ponch en plein milieu de la salle, peut-être même sur la robe de cette chère Julie qui devait forcément encore rôder dans les parages ! Je croyais ne plus m’arrêter, m’étouffer et mourir à cause du plus gros fou rire de ma vie jusqu’à ce que Will dérape.

    Pas le temps de l’arrêter, il s’approche d’un peu trop près, attrape son col, serre le poing, prend même un peu d’élan alors que moi je change de couleur. Je jette un coup d’œil paniqué autour de moi : merde, Aurelian est en train de valser à l’autre bout de la salle, même si je cris maintenant, il n’arrivera pas à temps pour arrêter la catastrophe. Tant pis, il faut se démerder toute seule. Et même si je dois me casser une dent dans l’histoire, ces deux garçons ne se foutront pas sur la gueule, ou du moins, pas devant moi, et pas ce soir. Je me jette entre eux deux, m’accroche au point de Will et écarte Léo d’un coup de hanche. Je n’ai même pas besoin de me mettre à crier, que Turner relâche son emprise et recule d’un pas. Wouahou. Son self-control me fascinera toujours ! Dommage qu’il ne soit pas arrivé plus tôt. Je le fixe d’un œil sévère, rien que l’idée qu’il frappe Léo me donne envie de vomir. Je me retourne vers ce dernier, lui lance un regard pas plus tendre que pour Turner et je soupire bruyamment. Déçue. Vexée. Allez-y, je vous en prie. Battez-vous. Si ça vous amuse tant que ça. Je me trouve dégueulasse, mais je vous trouve égoïstes. Je suis là, entre vous deux, et vous ne me voyez même plus. Trop occupés à savoir qui des deux coqs que vous êtes partira avec la poule. Et laissez-moi vous dire que pour ce soir, ce sera ni l’un ni l’autre.

    « N’importe quoi… »

    Je recule d’un pas, blasée, en décollant du bout des doigts le restant de glaçage glissant sur mon bustier. La main de Will vient chercher la mienne, ses doigts s’entremêlent aux miens, mais moi je n’en veux pas. Je n’en veux plus. Je déloge ma paume d’où elle était d’un geste sec, m’éloigne des deux garçons, et assène aussi froidement que je le peux :

    «  Je peux le faire toute seule. Ciao les gars, amusez-vous bien sans moi. »

    Et je tourne les talons. Je sens les regards sur ma robe, quelques rires moqueurs sur l’état de mes vêtements, mais j’en ai rien à foutre, qu’elles rigolent, ces pétasses, moi je me casse d’ici. J’arrache l’élastique qui retenait mes cheveux en une tresse, et les laisse s’échapper en une vague bleue ondulée sur mes épaules. Je secoue un peu la tête, inspire un grand coup, retire d’un geste ultra-rapide mes chaussures qui me ralentissent et les balancent sous une table au hasard : je reviendrais les chercher demain, si quelqu’un me les a pas piqué jusque- là, mais pour l’instant j’en ai rien à secouer. Pour l’instant je veux juste partir. Pour l’instant je veux juste oublier cette soirée. Faire marcher ma mémoire sélective. Je passe la porte, il ne fait même pas encore toute à fait nuit, entre chien et loup. Je pense à Erika, qui s’est donnée tant de mal juste pour me rendre présentable pour ce putain de Will, tout ça pourquoi ?
    Je ricane nerveusement. Voilà, je sors d’ici et je n’y comprends plus rien. J’en veux à Léo. Parce qu’il n’a pas su rester fidèle à ses paroles, parce qu’il a tout balancé à Will sans un soupçon d’hésitation, parce que lui, il a le droit de se taper n’importe qui d’autre que moi, mais que quand à contrario, un type veut bien de moi, il démarre au quart de tour, parce qu’il a raconté ce que je ne voulais pas qu’il raconte, parce qu’il est trop con, vraiment trop con et qu’il flippe pour un rien. J’en veux à Will. Parce qu’il s’est empressé de me juger à la seconde où il a compris, parce qu’il s’est emporté contre Léo en sachant que ça me ferait de la peine, parce qu’il a malgré tout voulu me récupérer après ça, comme si de rien n’était, et parce qu’il me fait désespérément tourner en bourrique. Et je m’en veux à moi. A moi d’être aussi conne, de papillonner à droite à gauche, de m’enfuir dès que ça ne se passe pas comme je veux, de laisser Turner en plan, alors que je crève d’envie qu’il me suive. Peut-être autant que j’ai envie qu’il me foute la paix.
    J’allais bien avant lui. Je me portais à merveille, comme un charme, à faire ce que je voulais sans penser au qu’en dira-t-on. Tout ce que je me fichais que les autres sachent, lui, je ne veux même pas que ça lui effleure l’esprit. Deux rencontres et il massacre tout sur son passage. Un éléphant dans une forêt de bambous. Et j’ai peur d’y penser, peur de me pencher sur son cas, par crainte de déraper et tomber dedans tête la première. Du coup j’ai décidé de ne pas réfléchir.

    Je cours pieds nus dans les couloirs, le souffle court, quand je me crois assez loin des problèmes, de leurs conneries, je m’arrête devant une fenêtre qui fait trois fois ma taille. Je m’assois devant, en tailleur, je regarde à travers, on peut voir la Loire, c’est joli. Je chante Roxanne. Pour aucune véritable bonne raison. Juste pour avoir quelque chose à faire. Quelque chose qui m’occupe les pensées.


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Léonard d'Armancie
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Ven 7 Sep - 21:04

J’ai embrassé William, j’ai fais croire à May que je sortais avec une pouf, j’ai dévoilé à son soupirant qu’elle couchait avec moi, J’AI EMBRASSE WILLIAM QUOI ! Et par-dessus tout, j’ai gâché un cupcakes devant elle… Sur ce coup-là j’y suis peut être allé un peu fort.

William a mis des chaussures en toiles avec un costume, et il a froissé mon col mais s’est retenu de me frapper… Ouais, je plaide coupable…

May est trop jolie… tout est de sa faute !

Non plus sérieusement, j’ai l’impression de ressurgir. Je mets dans des états pas possibles pour cette fille alors que normalement les filles avec qui on couche suivent les mêmes règles que les gremlins :

Règles Numéro 1 : ne pas mouiller un gremlins. Ou Ne pas laisser une fille prendre de douche chez vous.

Règles Numéro 2 : Ne pas exposer un gremlins à la lumière du jour. Autrement dit, ne jamais revoir la fille en question pendant la journée.

Règle Numéro 3 : Ne surtout pas donner à manger à un gremlins après minuit. Donc, ne jamais offrir le petit-déjeuner à une fille après une nuit de débauche.



Ceci dit, dans une école, les douches sont à tout le monde, aussi, il m’arrive souvent de voir May la journée, et je me rappellerais toujours d’un déjeuner qu’on avait pris près de la Loire un dimanche matin.
Oui, je dois bien l’admettre, May était bien plus qu’un plan cul pour moi. Et ce soir je l’ai bléssée. Le pire dans l’histoire c’est qu’elle en veut à Will, mais c’est clairement moi le grand fautif (même s’il m’a un peu aidé.). Peut importe mon aversion pour ce mec, j’ai fais une connerie et j’dois la réparer… pour May

- Hé William, j’suis vraiment désolé… T’embrasser, c’est vraiment pas c’que j’comptais faire… C’était pas ça le plan à la base. Et excuse-moi pour le reste, pour avoir fichu votre soirée en l’air aussi…
Je sais qu’on est mal parti tout les deux, mais on tient tout les deux à May et on a un peu merdé sur ce coup-là, peut être que si on arrêter le tir là, on pourrait s’excuser auprès de May et peut être recommencé sur des bases un peu plus saines… Qu’est ce que tu en penses ? Je sais que c’est un peu culoté mais je te demande de faire un effort, pour May.

Je le souris un peu, je me forçais c’est vrai mais le texte était sincère, s’il tenait à May, il accepterait, et s’il n’acceptait pas c’est qu’il ne tenait pas assez à elle. En tout cas j’étais sincère, maintenant c’est à lui de prendre une décision.
Je lui tends la main comme tout à l’heure mais sans le prendre de haut cette fois. C’est un peu une façon de dire « reprenons à zéro ». Mais ça ne suffisait pas.

- Et… même si les chaussures en toiles ne vont pas très biens… on les remarque à peine… parce que ton costume est vraiment génial...


je marmonne un peu parce que ça me coûte de lui dire ça… mais en même temps c’est vrai, son costume lui va super bien.
Bon j’ai fais des efforts là non ? Il va l’a saisir cette main ou non ?
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William Lawford
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Sam 8 Sep - 0:20

Le refus de May claque avec l’amabilité d’un jet d’eau froide. Sa main m’échappe d’un geste ferme et sans appel. Surpris, je lève les yeux vers elle. Ces dernières minutes, je n’ai fait attention qu’à Léo, toute mon attention s’est concentrée sur ma colère contre lui et mon envie de l’étriper. Je comprends mon erreur, rien qu’en effleurant le regard de May... Elle m’en veut, c’est clair. Je ne sais pas exactement pourquoi, mais le reproche se lit sur sa figure, tout comme dans la réplique qu’elle balance froidement.

« Sans moi ». Amusez-vous bien sans moi. Elle est sérieuse ? Elle compte me laisser seul avec l’autre crétin, alors que j’ai passé juste vingt minutes avec elle, à tout casser ? Tu parles d’un bal. C’était pas sensé se dérouler parfaitement, dans une entente idéale entre l’homme et sa cavalière, un jeu de drague étrange avec des mots gentils, parfois un peu taquins, mais rien de bien méchant, juste histoire de ranimer cette petite lueur d’intérêt et d’amusement dans les yeux ? Je veux encore embêter May. Pas comme je l’ennuie maintenant, pas de façon à la mettre vraiment en colère, je veux juste la contrarier un coup, puis qu’elle me renvoie la balle en pleine gueule, et retenter avec une tentative minable jusqu’à qu’elle me remette à ma place à coups de câlins abusifs ou que sais-je. Elle a de l’imagination pour ça. Je m’amuse pas sans toi, May. Je me suis jamais amusé comme ça, avant toi.

Le discours est tout fait dans ma tête, ma langue reste muette. Je n’avance pas une jambe, pas un bras, pas un doigt. Je la regarde simplement s’éloigner en balançant ses chaussures devenues trop pénibles à porter, je regarde juste sa chevelure irréelle onduler au rythme de ses pas, je la regarde redevenir la May de la Loire. Moins jolie mais avec son caractère bien trempé. Le rôle de sage petite princesse de bal n’est pas faite pour elle. Remarque, je suis pas doué en tant que prince non plus. Ca devrait suffire à nous réconcilier, non ? … Non, apparemment.
Je dois avoir l’air débile comme ça, avec les bras qui pendent et le regard qui refuse de se décoller de la porte de sortie. J’aurais pu rester sur ce bug intérieur un certain temps, si Léo ne m’avait pas arraché de mes pensées avec un long discours que je n’écoute que d’une oreille. T’excuser ? Bah, qu’est-ce que j’en ai à foutre. Mal partis ? Ah ça, tu peux le dire. On tient à May ? S’excuser auprès de May ? Pour May ? Tout à coup, il y a trop de « May » qui infiltrent mon esprit. Le vase déborde, je refais surface.

« Gnm ? »

Je me tourne vers Léo, regarde tour à tour sa main tendue et son visage, forcé de me rendre à l’évidence qu’il a tout ce qu’il y a de plus sincère. Ma fureur s’est dissipée. Un peu. Disons que je la mets de côté pour l’instant parce que j’ai le cœur et le cerveau totalement obnubilés par une autre personne. Donc je sers sa main, sans faire de manières.

« Ouais... On règlera ça plus tard. Et ton costume a presque autant de classe que le mien. »

Ouais, faudra repasser pour les compliments. Quoique, c’en était presque un, quand même.

Je reporte mon attention sur la porte que May a franchie il y a quelques minutes. J’aurais pu rester fidèle à moi-même, me poser sur un banc, réfléchir sur la meilleure manière de procéder, puis on verra plus tard pour l’action mais, en fait… J’ai pas envie.

« Je vais la ramener. Ce soir, c’est mon rôle de m’assurer que la princesse ne rentre pas avant minuit. » j’ajoute, sur un ton un peu amer.

Oui, ce bal et ses fichues conventions commencent à me pomper. Même si je suis pas certain de le faire simplement par convention… Bref. J’avoue que je préfèrerais que Léo reste ici et qu’il s’amuse (ou fasse semblant), histoire que May ne revienne pas dans la même ambiance pourrie, et parce que je serais moins à l’aise s’il m’accompagne. On a signé une paix temporaire, mais c’est pas pour autant que je me sens prêt à composer avec lui. La confiance ne vient pas si facilement. Après tout... C’est lui qui a lancé les hostilités. Mais ne discutons pas de ça, sinon je vais revenir sur ma décision. Il fait ce qu’il veut, de toute manière.

Je me lance donc sur les pas de ma cavalière, et récupère ses chaussures de sous la table au passage. Ca a l’air cher, ces trucs-là, et c’est sûrement pas à elle, la miss aux converses déchirées. Elle me remerciera plus tard.

J’arpente les couloirs à grands pas, fouillant tous les coins dans l’espoir de voir du bleu jaillir. J’espère qu’elle n’est pas allée trop loin… Mes pas s’arrêtent quand je me rends compte qu’une voix chantonne, depuis un certain temps. Je retiens ma respiration, pour mieux l’entendre et la localiser du même coup. Derrière moi. Je reviens sur mes pas, et m’engouffre dans un petit couloir qui se termine par une immense fenêtre. Et à ses pieds, une jeune fille aux longs cheveux clairs. Je m’approche sans faire le moindre bruit. J’attends qu’elle finisse sa chanson. Je veux entendre sa voix limpide le plus longtemps possible, car je sens que les minutes suivantes seront moins calmes. Je m’appuie contre un pilier derrière elle, en fermant les yeux, profitant de ce dernier instant de sérénité. Juste de quoi me donner du courage.

La chanson s’achève, et la voix de May s’éteint dans un souffle. Je pense qu’elle entend le mien d’ailleurs mais elle n’a pas fait un mouvement. Inutile de rester caché plus longtemps. Ma voix amère revient à la charge, presque malgré moi :

« Tiens donc. T’avais pas promis de ne plus me planter, p’tite sirène ? »

Après le soulagement de l’avoir retrouvée, de ne pas l’avoir totalement perdue, remontent les souvenirs brûlants de la scène précédente. Je n’ai pas compris sa réaction et ça m’agace. Sauf qu’à être trop maladroit, je risque de la faire fuir à nouveau.

« Quoique, je devrais peut-être changer de conte, miss Cendrillon qui laisse traîner ses chaussures par terre ? » j’ajoute, d’une voix plus douce.

Je laisse les chaussures en question glisser de mes doigts et fracasser le sol de leurs talons. Là, je peux être sûr qu’elle m’a entendu.

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May Bastide
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Sam 8 Sep - 14:23



    You act as if you just don't care


    Y’en a qui s’isolent pour mieux se concentrer, pour faire le vide dans leur têtes, faire le tri et trouver des solutions. Ils s’éloignent du bruit de la fête, des gens par la même occasion, et ils mettent tout à plat en réfléchissant très fort. Généralement, au bout de dix minutes, ils trouvent la solution à leur problème, ou alors ils se rendent compte qu’il n’y en a pas vraiment, et, au choix, soit ils explosent en sanglots et partent se jeter du haut d’une falaise bretonne, soit ils retournent à leurs petites vies et s’acharnent sur leurs soucis jusqu’à en venir à bout. Je crois que c’est ce que font les gens sensés.
    Mais voilà, moi je suis pas sensée, et j’ai pas envie de me jeter d’une falaise bretonne, du coup, je réfléchis pas à mes problèmes, de peur de les découvrir sans issus et je laisse couler jusqu’à ce que quelqu’un d’autre se décide à les résoudre à ma place. C’est pas bien, je sais. Alors même si j’ai quitté cette salle, même si j’ai laissé derrière moi les deux garçons les plus canons de cette école, et même si je me suis empêtrée dans un putain de bordel, ce n’est pas ça qui me poussera à me planter devant cette fenêtre et réfléchir. Démêler la situation ? Pour quoi faire ? Pour que je me demande encore pourquoi ça m’emmerde tant que Will soit au courant de ce que je fais, passé minuit ? Pour que je m’arrache les cheveux à comprendre pourquoi je suis venue là, et pourquoi je suis partie ? En vrai, je ne veux pas savoir. Entre me brûler les yeux à regarder la vérité en face et m’aveugler volontairement en traçant la route, je préfère la deuxième option. Triste, raisonnée et avertie ou stupide, naïve et heureuse ? Le choix est vite fait. Je veux pas savoir ce que Turner me fait. C’est trop tôt pour que je me demande ça. Non. Je veux pas savoir. Alors je fais taire les pensées qui m’agressent les neurones à coup de Police, en n’entendant plus que l’écho de Sting, et ma voix par-dessus.

    Je ne sursaute même pas quand une ombre apparaît dans le reflet de la vitre, parce que je sais déjà qui c’est, au fond. Mais ce n’est pas pour autant que je me tais. Peut-être que mes « Roxanne » s’évanouissent un peu plus vite que dans l’original, c’est vrai. S’il pensait être discret, c’est rapé, il ne s’en aperçoit pas mais ce n’est pas le travers de la vitre que je détaille intensément, non, je ne regarde pas dehors. Je fixe son reflet, heureuse qu’il ne puisse le remarquer, et je baisse les yeux quand mes murmures se taisent enfin. J’entends son souffle dans mon dos, mais je ne me retourne pas. Je sais qu’il va parler alors j’attends. Les fesses posées sur le sol gelé, je ramène mes genoux contre ma poitrine pour conserver un peu de chaleur : passées vingt-deux heures, on se les pelle, dans ce pays. Les yeux dans le vide, loin d’être impatiente qu’il prenne la parole, je me demande ce qu’il va me dire. Je sais juste que ce n’est pas bon pour moi.
    Quand il me rappelle mes promesses brisées, je hausse les épaules nonchalamment et murmure un « Va te faire voir. » aussi sympathique qu’élégant. Ça, c’est pour le ton de sa phrase, arrogant, piquant, comme si j’étais la seule fautive, dans l’histoire, et comme si j’aurais mieux fait de rester là-bas, à les regarder se taper dessus pour savoir qui avait le plus beau costume. D’ailleurs c’était Léo, na. Si c’est pour me parler comme ça, je préfère encore me remettre à chanter. J’entame « So lonely », qui colle déjà plus à mon état d’esprit, mais est rapidement coupée par un Will plus tendre. Ah ben voilà, quand il veut.

    Le vacarme de mes talons sur le sol me fait tourner la tête par réflexe. Non, ne croyez pas que j’ai envie de voir sa face de Pirate, parce que c’est pas du tout le cas. Je croise son regard, détourne les yeux aussitôt et ne peut empêcher mes sourcils de se froncer : voilà, et maintenant je fais quoi ? Pas comme si j’allais lui présenter des excuses, oh non, ça c’est dans ses rêves. Déjà épuisée à l’idée de penser plus de cinq secondes d’affilées à ce qu’il faudrait dire, ou ce qu’il faudrait faire, je me laisse choir sur le dos, jambes repliées et mains sur mon ventre. Je sens qu’il m’en veut, je sens qu’il a autre chose à balancer qu’une mauvaise blague sur les contes de fées et les chaussons de verre. Alors pour une fois, je fais un effort, et je tends la joue pour me prendre ma claque.
    Je me relève paresseusement, ne retenant même plus mes nombreux soupirs d’agacement, et marche jusqu’à Will d’un pas décidé mais presque lent. Je m’approche un peu trop, m’arrête juste sous son nez et lève mes iris jusqu’à m’accrocher aux siens :

    « Vas-y. »

    Je croise mes bras sur ma poitrine, et pousse du pied mes chaussures qui me gênent. Je suis prête. Prête à me prendre toute ta fureur dans la gueule, parce que je l’ai bien mérité, et au fond, tu en crèves d’envie. Prête à soutenir ton regard dégoûté et peut-être quelques insultes. Alors vas-y, lâche toi, je te répondrai et peut-être aussi, je te comprendrai. Parce que là, je suis paumée, tu te fâches, tu te vexes et la seconde d’après, tu m’attrapes la main. A croire que ta logique est pire que la mienne. Je préfère que tu cries, que tu me grondes, que je trouve un véritable sentiment à poser sur ton visage, un véritable mot à poser sur ton opinion de moi, pour qu’on puisse retourner à la Loire et se battre comme des mômes de six ans.

    « T’es contrarié, non ? Tu as compris, pas vrai ? Alors, allez, fais tout sortir, lâche toi ! Hurle-moi dessus, au lieu de balancer des « Je vois » bourrés de mépris et des poings dans la gueule de mes amis. »

    Je ne tremblais pas, ne vacillais point, et pourtant j’avais la boule au ventre.


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William Lawford
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Sam 8 Sep - 19:13


Pour une fois dans ma vie que je fais l’effort d’engager la conversation, on me rembarre aussitôt avec un « Va te faire voir » bien senti. J’aurais mieux fait de la fermer, tiens. Quand je dis que rester dans son coin sans parler à personne est la meilleure façon d’éviter les ennuis, je viens d’en avoir une énième preuve. Bien qu’elle soit toute brûlante dans mes entrailles, je ne laisse pas la colère monter, pas maintenant. Ca ne ferait qu’envenimer les choses, alors que tout pourrait très bien se terminer, si on réussit à s’expliquer comme il le faut.

May daigne me prêter de l’attention quand je balance ses chaussures par terre. J’étais sûr que ça la ferait réagir. Cependant, elle fuit encore mon regard, méfiante, furieuse, agacée, et sans doute bien encore, mais les ondes négatives qu’elle m’envoie me blessent moins que son refus de me regarder. Ca me donne juste la sensation d’être un monstre… Enervant de constater comment en quelques minutes, les mains d’on ne sait quelle force supérieure se sont arrangées pour foutre le bazar comme pas possible, alors que tout commençait si bien. Enervant et à la fois peinant. Je reste les yeux fixés sur May, avec une pointe de déception, d’insatisfaction et d’autres sentiments qui me désorientent complètement. Ca n’aurait pas dû se passer comme ça, c'est la seule chose dont je suis sûr.

Le moment où elle s’allonge m’arrache de mes pensées. Je fais une grimace face au spectacle qui se déroule sous mes yeux, auquel j’ai une vue de choix puisque je suis encore derrière elle. Ca mériterait une peine de prison, ça. Règle numéro un : on ne s’allonge pas par terre en repliant ses jambes quand on porte un bustier. Après, les seins remontent et la jupe aussi, bon sang. Mais c’est pas le moment de se déconcentrer. Je détourne aussitôt les yeux, en me plaquant une main sur le visage dans un geste de désespoir. Irrécupérable, cette fille.

Quand je me retourne vers May, je manque de pousser un cri de surprise. Elle se trouve juste sous mes yeux, à quelques centimètres (si ce ne sont des millimètres) de mon visage. Elle m’a déjà fait le coup, mais ce n’est pas comme les autres fois. Avant, elle le faisait pour jouer avec mes nerfs, pour me narguer, me déstabiliser complètement, et elle avait la figure malicieuse de celle qui se prépare à vous surprendre. Là, elle me toise, il n’y a rien de malicieux dans son regard, seulement de l’irritation et une fermeté assez étonnante. On jurerait qu’elle s’apprête à me gronder comme un enfant.

Vas-y ? Vas-y quoi ? C’est encore à moi d’entamer la conversation ? Arrête, May, je suis pas doué pour ça, tu le sais bien. Oui, j’ai des tas de choses à te dire, te demander, critiquer, comprendre, mais justement, ça me perd encore plus. Je n’ai pas l’habitude d’avoir autant de paroles sur le bout de la langue et c’est encore plus frustrant de constater qu’elles ne veulent pas sortir parce que j’ignore comment les ordonner. Comment je peux t’expliquer ce que je peine moi-même à comprendre ?

Elle se met sur une position défensive, en dégageant ce qui pourrait la gêner par terre. C’est à croire qu’on va en venir aux poings.

« T’es contrarié, non ? Tu as compris, pas vrai ? Alors, allez, fais tout sortir, lâche toi ! Hurle-moi dessus, au lieu de balancer des « Je vois » bourrés de mépris et des poings dans la gueule de mes amis. »

En fait, c’est peut-être pire que les poings. J’aurais préféré qu’elle me colle une baffe digne de ce nom, plutôt qu’elle me crache ses reproches de cette façon, en se plaçant dans la position favorable du punching-ball, la petite victime qui veut bien se dévouer face au grand méchant loup. Mon Dieu. Cette entrée en matière vient de me redonner l’envie de parler.

« Compris quoi ? Que tu te faisais des petites sauteries nocturnes avec Léo ? »

Elle a fusé sans que j’aie pu la retenir, celle-là. Sûrement parce que là est le noyau du problème, en fait. Rien que d’y penser, ça me met dans un état de rage cent fois plus élevé que le fait qu’elle m’ait planté comme un con, qu’elle se permettre de me faire des reproches, que Léo m’ait embrassé, qu’il ait piétiné ma fierté d’homme, et j’en passe. Même si on cumule tout ça, oui.

Je ferme les yeux quelques secondes, pour me ressaisir. Qu’est-ce que j’ai dit quelques secondes plus tôt déjà ? Rester calme ? Bravo, t’y arrives très bien, Will.

J’essaye de revenir sur la discussion dans un terrain moins épineux, où il y a néanmoins des choses à mettre au clair :

« Pour commencer, je te rappelle que Léo m’a embrassé. C’est un mec. Et je le connais pas. Je pouvais pas rester sans réagir, que ce soit ton ami ou non. D’ailleurs, je te ferais remarquer que je me suis retenu… Bref. Ca n’a rien à voir avec toi. »


Si, ça a tout à voir avec toi, May. Je suis juste trop lâche pour l’avouer. Même à moi, je me l’avoue pas. J’ai peur de le faire, parce que ça voudrait dire des choses qui ne me plaisent pas. Alors je laisse ça de côté et je préfère me dire que c’est entièrement ta faute, à toi et ton Léo.

« Et je ne te hurlerai pas dessus, c’est pas dans mes habitudes. Par contre, si tu veux qu’on s’explique, je t’écoute. Commence par me dire pourquoi t’es partie comme ça, déjà, ça serait pas mal. »

Une façon de lui dire que les torts n’étaient pas que de mon côté. Je la fixe droit dans les yeux, appuyé à un des piliers sur le côté. Avec la même expression de fermeté qu’elle. Si elle cherche de l’entêtement, pas de problème, je suis un professionnel dans ce domaine.

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