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 Bonjour, moi c'est Noa ! (Léonard)

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Noa Lefebvre
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Sam 14 Juil - 17:30

Aujourd’hui, c’était le jour le plus important de l’année : celui où même les plus grosses larves de cet établissement se levaient aux aurores, et où les filles qui passaient le plus de temps devant leur glace débarquaient en jogging gris pas très net. Toi, tu appartenais aux lève-tôt, et avais donc l’avantage de ne pas souffrir de ce réveil exceptionnellement brutal, au contraire : tu en profitais pour te moquer mesquinement de tes camarades arborant cernes violacées et cheveux en bataille et te taper un bon fou rire intérieur.
Aujourd’hui, vous choisissiez vos chambres. Tu n’en voulais qu’une seule, et avais eu les yeux dessus depuis ta rentrée à Clever Cross, il y a deux ans de ça : elle ne te passerait sous le nez pour rien au monde. Pas très grande, fraîchement repeinte, un joli parquet clair au sol, des meubles neufs et une grande fenêtre s’ouvrant au parc verdoyant de l’école : un petit morceau de paradis. S’il le fallait, tu endormirais tout le monde pour leur marcher dessus et arriver le premier à cette chambre, mais tu l’aurais : c’était non négociable.

Quand les responsables de la distribution des chambres firent leur entrée, tu fus le premier devant leur petite liste, à pointer du doigt la chambre désirée. Tu affichas ton sourire d’enfant adorablissime, jouas de ton charme enfantin qui faisait craquer tous les adultes, manipulas un peu ton petit monde, et repartis avec ta clef entre les doigts. « Un jeu d’enfant », pensas-tu.

Tu décollas ton sourire béat de ton visage, repris ta voix originelle –soit deux tons en dessous de celle utilisée avec les responsables de décisions t’affectant en quelque sens- et marchas à grand pas vers ton nid de tranquillité. Tu souris à quelques unes de tes connaissances qui s’affairaient devant la liste, leur mimas un « bonne chance ! » et t’enfuis en sautillant. Tu traînais derrière toi ton sac d’oreillers, même si tu n’en utilisais qu’un, tu en prenais toujours trois ou quatre, ton traversin, et ta couette en plumes d’oies qui te tenait si chaud les nuits de décembre. Tout fier de ton coup, tu enfilas la clef dans la serrure en sifflotant, tournas d’un coup sec et te précipitas dans ta chambre.

Elle était encore mieux que ce que tu avais imaginé, le sourire jusqu’aux oreilles, tu t’affalas sur le lit qui te paraissait le plus confortable et t’autoproclamas « propriétaire de cette couche ». Sans perdre un instant, tu y installas tes coussins et couvertures et aéras la pièce. De ta bauge, tu sortis un bouquin abîmé qui parlait de l’évolution de la démocratie, d’Athènes à aujourd’hui. Tu pensas que dans cette chambre, il n’y avait pas de peuple souverain : ce serait toi le chef, et le reste à tes ordres, si « reste » il y avait.
Les yeux plongés dans les lignes assommantes de ton livre, tu attendais patiemment que ton ou tes futurs colocataires se manifestent. Tu n’en tenais plus de savoir quel type de personne ils étaient : tu adorais rencontrer des gens, par-dessus tout.



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Léonard d'Armancie
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Sam 14 Juil - 21:16

Tout le monde s’agitait ce jour là. Pourquoi tant d’agitation ? Celui qui l’ignorait devait vraiment être absent pendant un long moment. Nous étions le jour de la distribution des chambres. Tout le monde semblait vouloir une chambre de deux. Moi aussi évidemment. Peu importe mon colocataire, il est hors de question que je sois seul cette année. L’an dernier, je me suis fait avoir. Comme je suis arrivé en milieu d’année, je n’ai eu qu’une chambre minuscule et un lit en conséquence.
Le problème des gars comme moi, c’est que malgré qu’ils soit plutôt top sexy, c’est pas des lèves-tôt. Vous vous dîtes certainement « oh le con, il va pas se réveiller et il aura une chambre toute pourrie comme l’an passé. »
Et bien je vais devoir vous décevoir car la veille de ce jour-ci, j’ai dormi dehors… près de la Loire pour être exact. La raison qui m’a poussé à dormir dehors m’est totalement personnelle… et avait une énorme paire de seins.
Bref, à côté de la Loire, à 6h du matin, il fait extrêmement froid. Du coup, j’ai eu le temps de me réveiller et de retourner à l’école. Quand j’arrivais au bureau de répartition des chambres, je vis une fille d’une quinzaine d’année qui inscrivait déjà son nom pour occupait une chambre. Mon dieu, qu’elle était aguichante. Encore plus que la fille avec qui j’ai passé la… bref, encore plus que « la raison dodo à côté de la Loire ». Il n’était que 8h, j’avais largement le temps d’aller conquérir cette terre qu’aucun garçon ne semblait avoir foulé.
Je m’approchais d’elle et lui tendis mon sourire le plus charmeur et lui dit [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] d’une voix mielleuse. Peut être avais-je trop insisté sur le sourire puisque sa main venait éclater contre ma joue la seconde d’après. Elle se retourna et parti d’un pas décidé.
Tout homme raisonnable abandonnerait dans ce cas là. Mais je ne suis en rien raisonnable. Je la suivis donc, et n’eut pas le temps de crier « EH ! » qu’elle se retournait pour me dire le plus naturellement du monde

- tu as déjà choisi ta chambre ?

- Non

- Très bien, mon don est de pouvoir voyager dans le temps. Et si je te touche, tu pourras voyager avec moi tu comprends ? Comme tu as l’air un peu niais je vais te montrer


Elle agrippa ma manche et tout semblait se brouillait autour de nous avant de se stabiliser d’un coup net.
- Nous sommes à présent, 2h plus tard. C’est vraiment dommage, à mon avis il n’y a plus de place pour les bonnes chambres.
Elle me sourit d’un air narquois et parti.
Ah la salope ! À cause d’elle je n’aurais jamais de chambre correcte. Je courus donc jusqu’au bureau où se trouvait deux garçons plutôt mignons. J’aurais pu les suivre quand il partirait, mais j’avais eu ma dose de piège à cause de ma libido pour aujourd’hui. Je regardais discrètement les feuilles disponibles. Il ne restait plus que des chambres seuls et une unique chambre à deux. Malheureusement, le garçon devant moi allait écrire son nom.
Et merde, j’allais avoir une chambre toute pourrie à cause de cette truie. Il y avait forcément une solution, et effectivement il y en avait une : me servir de mon don.
Je me concentrais alors sur le stylo et claqua des doigts. Par chance, le stylo éclata et l’encre se répandit sur toute la feuille. Le secrétaire chargé de la distribution paru un peu étonné mais il sortit une feuille et se retourna pour prendre un autre stylo. Je n’avais pas beaucoup de temps pour agir. Le gars devant moi avait beau être costaud, je n’eu pas trop de mal à lui faire un croche pied et à l’assommer une fois à terre.
Le secrétaire se retourna et me regarda étonné de me voir. Je lui expliquais que l’élève précédent avait dû partir pour une urgence. Et après qu’il eut inscrit un nom sur la feuille (certainement celui d’un élève déjà inscrit pour cette chambre, que l’encre n’avait pas trop entaché), il me la tendit et je pus inscrire mon nom.
J’allais donc cherchais ma chambre d’un pas rapide, espérant que le grand costaud ne se réveillerait pas tout de suite. J’arrivais devant la porte et l’ouvrit.
Et par un procédé que je ne saurais expliquer, je me tordis la cheville et me retrouva face à face avec le plancher de ma nouvelle chambre. Je me relevais, et parcourais la pièce d’un regard avant que mes yeux croisent les siens. Un gars aux cheveux tout blancs, il avait plutôt l’air sympa, assez mignon d’ailleurs. C’était le moment de faire bonne impression, histoire de commencer sur des bases saines. Après tout, nous allions passés l’année dans la même chambre. Il me fixait mais ne disait rien. Je décidais donc de briser le silence en essayant de respecter mon idée de faire bonne impression.

- MA QUE CALOR !!!

Faire bonne impression : Objectif raté.


Dernière édition par Léonard d'Armancie le Lun 16 Juil - 20:32, édité 2 fois
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Noa Lefebvre
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Dim 15 Juil - 18:53

Ma. Qué. Calor.
Les trois premières secondes avant l'arrivé de ce type, tu fus partagé entre l'envie de partir dans un fou rire totalement incontrôlable et celle de t'enfuir de la chambre pour en trouver une nouvelle. La première l'emporta, et tu explosas de rire à gorge déployée : depuis quand ? Depuis quand n'avais-tu pas croisé de personne autant couvert de ridicule que lui à ce moment là ? Et sa vaine tentative de rattrapage encore plus ratée ne fit que l'enfoncer. Tu riais tellement que tu en avais mal aux côtes : dans ce monde, et surtout dans cette école d'adolescents en rut, les apparences, les premières impressions vous forgeaient toute une réputation. Mais lui, il débarquait là avec ses beaux yeux, s'esclaffait par terre comme une merde et ajoutait un "Ma que calor !". Le pire dans tout ça, c'est qu'il ne faisait même pas si chaud que ça.
Il paraît que rire une minute, c'est comme si on mangeait un steak entier : là, tu venais de dévorer un troupeau de boeufs. Tu l'observais, d'un coin de ton oeil humide, toujours étalé de tout son long par terre. Tu daignas enfin te lever, en frottant ta paume au coin de tes yeux pour y chasser les quelques larmes de rire et avanças vers lui d'un pas décidé. Toutes dents dehors, le sourire colgate collé sur le visage, tu lui tends une main amicale devant son nez :

"Salut ! Moi, c'est Noa, je suis ravi, vraiment ravi de te rencontrer !"

À vrai dire, tu n'avais pas été aussi honnête depuis bien longtemps. Tu mentais très peu, mais avais pris pour habitude de glisser habilement des remarques ironiques au lieu de franches critiques. La plupart du temps, ça soulageait ton envie de dire ce que tu pensais, mais abîmait ta soif de franchise : ici, tu sentais que tu n'avais plus besoin des artifices de séduction, et de l'hypocrisie polie qui vous ouvre les portes d'une relation facile et superficielle. Tout simplement car ce type venait de briser en quelques millièmes de secondes toutes les plus belles illusions qu'il aurait pu créé dans une autre situation, et que dans le futur, tu serais toujours moins ridicule que "le mec qui s'est entravé et ramassé sur le pas de la porte, le premier jour."

Sa chute, en plus de te faire mourir de rire, t'avait permis de t'assurer que toute l'année, il te devrait un respect inaltérable, juste pour te remercier de ne pas t'être empressé de prendre une photo de lui lorsqu'il s'était ramassé. Et puis, au second coup d'oeil, tu t'aperçus que ce mec était particulièrement agréable à regarder, et que cette discordance entre sa beauté et son attitude désespérément maladroite ne le rendait que plus intéressant. En fait voilà, ce type avait éveillé en toi de l'intérêt : tu en ferais un ami, tu l'écouterais parler, tu l'aiderais dans sa vie, tu l'aimerais peut-être même un petit peu. Bien décidé à avoir ce que tu voulais, tu secouas un peu plus ta main pour qu'il la prenne, et engageas la conversation, en oppressant ton don bien au fond de ton être :

"Alors comme ça, toi aussi, tu voulais une bonne chambre ? Très bon choix ! C'est quoi ton prénom ?"

Tu mourrais de bonheur : ce type là, tu l'aimais déjà.
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Lun 16 Juil - 17:49

Je me souviens de ma grande tante Daisy. Oui je sais, ce nom vous dit quelque chose. C'est parce qu'on a tous une grande tante Daisy. Elle est souvent bruyante, kitch, sent la lavande défraichis et adore vous faire des énormes bisous. Des bisous qui laissent toujours une grosse marque de fond de teint sur votre joue.
Oui je me souviens de ma grande tante Daisy, plus particulièrement du jour ou elle est venue me chercher à l’école. Je ne devais que 6 ou 7 ans. J’ai tellement honte ce jour là, que malgré mon âge je compris qu’elle venait de détruire notre relation sans le vouloir.

J’étais entré dans cette chambre en cassant la gueule. Pour me rattraper je gueulais « MA QUE CALOR ». Mon nouveau colocataire de chambre me regarda pendant une seconde ou deux. Et j’eu une once de compassion pour la vieille Daisy, car à ce moment là, j’étais sur d’avoir détruit notre relation d’entrer de jeu.

Le garçon explosa de rire, ça n’avait rien de moqueur. Il riait parce que c’était totalement ridicule comme situation (même moi je suis forcé de l’admettre). Il s’approcha de moi et me tendit la main. Je devais lui être reconnaissant puisque rien ne l’empêchait de me prendre en photo et de la vendre au journal du lycée (si seulement il y en a un). Au lieu de ça, il continuait de rire.
Je me méfiais tout de même un peu. Il me tendait la main, mais peut être que son don était de transformé les gens qu’ils touchaient en sanglier. Après l’épisode de la salope [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien], mieux valait se méfier. Pourtant, je ne me souvins pas m’être vengé de La vieille Daisy, une fois qu’elle eut ruiné tous liens entre elle et moi… Du coup, je saisis sa main et il m’aida à me relever. Je devais être à peu près de sa taille, peut être un peu plus grand. Maintenant qu’il était près de moi, je devais admettre qu’il était plutôt mignon. Je ne l’avais jamais vu auparavant, c’est vrai. Pourtant, il fût plutôt accueillant et m’inspira confiance.

« Ravi, vraiment ravi » avait-il dit. Je ne pouvais que le croire avec un sourire pareil. Il essuyait les larmes restées coincées dans ses paupières.

- Je suppose que c’est raté pour que tu me prennes au sérieux maintenant plaisantais-je

Il continuait de sourire et acquiesça d’un signe de la tête. Comme incapable de parler sous peine de reprendre le fou rire qu’il essayait tant bien que mal de stopper.

- Et bien, je m’appelle Léonard. Léo pour les intimes. Bref, appelle-moi Léo, même si on vient juste de se rencontrer. Pour la chambre, ce n’est que le fruit du hasard, d’un garçon assommé, d’un stylo explosé, et d’une remonteuse de temps.

Il pouffa semblant penser que je plaisantais mais ria de plus belle lorsqu’il comprit en me voyant que c’était un bref résumé de ma mâtiné.

- En tout cas, je dois avouer que la chambre me va à la perfection. Je suis également heureux de te rencontrer.

Il s’assit sur son lit et m’écouta parler. Je m’approchais de la fenêtre, en lui expliquant plus clairement ma mâtiné. Il riait de temps en temps en imaginant la scène. Tout en continuant de parler, je déballais mes affaires sur le bureau. J’époussetais mon oreiller qui avait un peu pris la poussière durant l’été. Celle-ci vint malheureusement se loger dans mon nez. J’éternuais alors de façon un peu bruyante… Trop bruyante. Pourtant je ne me souvenais pas qu’un éternuement fasse un bruit de verre brisé. Malheureusement, le miens si ! J’eu à peine le temps de relever la tête que l’immense vitre devant moi était déjà éparpillé à terre.
Il m’a regardait, je l’ai regardé, il m’a regardé encore. J’les regardé aussi. J’ai rompu le silence :

- … AIE CARAMBA !

J’aurais pas du dire ça… la prochaine fois, je proposerais un Tacos…
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Noa Lefebvre
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Mar 17 Juil - 11:54

D’abord un peu méfiant, il inspecte tes doigts, comme pour ne pas se faire berner par une arnaque. Il saisit ta main tendue et signe, en cet acte, votre contrat d’amitié. Pour une durée déterminée, vous occuperez la même chambre, dormirez dans la même pièce, partagerez toutes vos soirées. Aussi étonnant que ça puisse paraître, tu écoutais peu les rumeurs, malgré ta tendance à vouloir être au courant de tout : les commérages ne représentaient, à tes yeux, qu’un amas de paroles vides de contenu et tartinées de méchanceté. C’est peut-être pour ça que ce fameux « Léonard », dont tu ne raccourcirais pas le prénom à cause de ton aversion inexpliquée pour les diminutifs, ne te disait absolument rien. Sûrement ne venait-il pas du même groupe que toi, n’avait-il pas choisi les mêmes options que toi, et ne fréquentait-il pas les mêmes personnes que toi. Tout simplement, il te paraissait aussi plus vieux, et tu t’intéressais peu aux plus âgés, de peur qu’ils te surpassent en quelques domaines.

Quand il te raconte ses péripéties matinales, tu ne peux t’empêcher d’en avoir les larmes aux yeux… de rire. Tu te demandes comment le ridicule peut-il s’en prendre à quelqu’un le même jour et avec autant d’intensité, mais personnellement, toi, ça t’arrange : tu n’avais pas ris comme ça depuis des lustres. Tu t’assois sur ton lit pour mieux profiter de son récit, d’une fille étrange qui s’énerve et qui avance le temps jusqu’à l’explosion du stylo. Il fait de grands gestes pour accompagner ses histoires, et tu regrettes de ne pas avoir de pop corn et de lunettes 3D pour apprécier encore plus ce qui te semble être une comédie pas chère.
Tu l’observes attentivement déballé ses affaires, entre deux mimes de cette fille insupportable de ce matin : il n’a pas l’air bordélique, tant mieux, le contraire ne vous aurait pas rendu la cohabitation facile. Tu n’es pas maniaque, mais disons que tu aimes le propre et le rangé. Et vivre avec un gros porc ne te branche pas tellement.

Alors que tu pensais avoir assisté à ta dose de catastrophe et d’explosion pour la matinée, quelque chose à le malheur de venir titiller la narine de Léonard, au grand damne de la magnifique fenêtre à double vitrage de votre chambre. Qui vole en éclats. En éclats. Il te regarde, tu le regardes, il te regarde. Il balance encore une phrase hispanique au hasard, et qui de préférence, n’a aucun rapport avec la situation, pendant que tes joues rougissent de colère. Toute la sympathie que tu avais éprouvé pour lui s’envole en un claquement de doigts, et la seule chose qui te retient de l’étrangler contre le mur, c’est que ça ferait tâche, un homicide, sur ton dossier judiciaire. Et puis si tu voulais devenir président d’une riche entreprise, ou de la république, il te faudrait un peu plus de patience que celle dont tu faisais preuve, en devenant écarlate devant un incident mineur. Dans ta tête, tu pleurais, te mettais à genoux, et hurlais des « Pourquoi ? » en plongeant ton front dans tes mains. Mais ça mettrait Léonard mal à l’aise que tu fasses ça, tu t’en doutes.
Tu soupires, ravales ta colère, réajustes ta chemise et colles un sourire plus faux que jamais sur tes lèvres. Heureusement tu t’es bien entraîné, et personne ne douterait de l’authenticité de ce dernier. Mais sérieusement, qu’est ce que c’est que cet acharnement de la malchance pour toi ? Tu réussis à obtenir la chambre de tes rêves… qui finit ravagé par ton nouveau colocataire en moins d’une heure. Oh, nous sommes bien faibles face au sort.

Tu t’approches de la fenêtre, ramasse le plus gros des morceaux de verres en veillant à ne pas te couper et les dépose au fond de la poubelle. La couleur de ta peau a presque repris une teinte normalement pâle, et la colère s’est bien tassée au fond de ton corps. Un léger sourire aux lèvres, parce que finalement, l’ironie du sort t’amuse tout de même, tu te diriges vers Léonard, et lui déclares, tout mielleux :

« Ne t’en fais pas, je ne suis pas un dragon. Par contre évite de casser trop de chose, sinon je me verrais dans l’obligation de te découper en morceaux et de te jeter dans la Loire dans un sac poubelle. »

Tu espères qu’il ne se braque pas, face à ta plaisanterie quelque peu osée, pour un premier contact. Mais bon, il vient de briser une vitre de la chambre dont tu rêvais depuis des mois, alors lui causer quelques sueurs froides ne lui ferait pas de mal non plus. Tu lui tapotes l’épaule gentiment, soupires et lui confis :

« De toutes façons, le personnel de ce bahut m’a à la bonne ! Ils vont nous réparer ça en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. »

Ce n’est pas le moment de se fâcher, et puis ça lui donne un côté encore plus marrant. Content d’avoir dépassé ton stade de fureur, tu t’approches de son bureau et l’aides à sortir le reste de ses affaires. Il vous faudra être amis, pas le choix.
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Lun 30 Juil - 20:16

Le mieux serait d’éviter de tout briser dans cette chambre. Noa avait l’air de m’en vouloir un peu. Pourtant je le vis me tendre un sourire (bien qu’un peu forcé). Il faisait des efforts pour me supporter, à moi d’en faire pour être supportable.

Il m’aidait à déballer mes affaires, m’indiquant à chaque fois, les emplacements qu’ils m’avaient réservés. Il avait apparemment pris soin de tout partager en deux, de manière équitable. Je suppose qu’il voulait éviter tout conflit. La seule différence de taille entre nos espaces de vie respectifs, c’était les lits. En effet, il avait un lit au sol, alors que je devais me perchait en haut d’un lit suspendu au dessus d’une commode.
Le long de l’immense fenêtre, il y avait un bureau qui pouvait largement se partager en 3. On aurait presque dit un plan de travail pour cuisiner. La chambre était génial c’est vrai. Le plafond haut, le parquet ancien, et les armoires de fringues au nombre de deux (si qui signifiait de la place pour mettre une tonne de fringue trop génial). Elles se trouvaient dans l’entrée. Une chacun et une commode à partager. J’avais beau être quelqu’un de ranger et d’à peu près organisé, si je n’avais plus de place pour mes fringues, je débordais sur la place des autres.
Et tandis que Noa rangeaient mes affaires de cours sous mon lit, dans la commode, je fourrais mes chemises de soie et mes pantalons en lin dans l’armoire qui m’était réservée. Je fus d’ailleurs agréablement surpris de voir que tout rentrer.

Noa était vraiment quelqu’un de sympa. On serait ami oui. Je le savais et lui aussi le savait. En tout cas, il avait l’air plutôt motivé pour le devenir.

Une fois toutes mes affaires rangées, il m’invita à le suivre pour trouver les agents de l’école. La nuit allait bientôt tomber, et même si nous étions au début de l’été, une fenêtre de cette taille devait produire un bon nombre de courant d’air.




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Lun 13 Aoû - 7:42

Pas stupide pour un sous, rien qu’en jetant un œil au contenu de sa valise, tu avais établi le profil du type de personne auquel ce cher Léonard semblait appartenir. Des fringues, des tonnes de pantalons, de chemises, de vestes, de t-shirts : un dressing digne d’une diva richissime. Un violon, de quoi prendre soin de son physique et quelques livres, couplons ceci avec ses boutades douteuses, son sourire de dragueur invétéré et sa mine renfrognée devant son matelas perché au dessus du tien, et on obtient quoi ? Un sympathique nymphomane maladroit et vantard. Tout ce que tu aimes –ironie, quand tu nous tiens. Et pourtant, ce type allait passer un nombre encore inconnue d’années avec toi, et il faudrait bien s’y faire et s’en accommoder. Pour être franc, son arrivée dans la chambre fut près de te mettre hors de toi, mais ce garçon dégageait quelque chose, une aura qui vous appelle à prendre soin de lui, et à ne pas l’étrangler tout de suite même s’il détruit votre chambre en moins de temps qu’il n’en faut à Usain Bolt pour courir un cent mètres. Respirant un grand coup et faisant preuve d’une patience olympienne, tu essuyas d’un revers de main la colère qui montait en toi et camouflas tout ça par un de tes sourires éclatants dont tu connais la recette.
Ses affaires enfin installées, tu entrepris de réparer les dégâts avant que la prochaine averse inonde votre chambre et massacre toute trace de papier ou livres en tout genre. Léonard sur tes talons comme un caneton suivant sa mère, tu marchais rapidement dans les couloirs sans un mot. Pas parce que tu n’avais rien à dire, mais parce qu’il n’y en avait pas besoin. Il y a de ces personnes où le silence suffit aux deux partis et où les longues minutes de blancs ne font pas goutter les fronts de sueur. Léonard en faisait partie, quelqu’un avec qui l’on est à l’aise. Quelqu’un avec qui l’on a pas besoin de parler pour se comprendre.

Tu frappes à une porte, entres sans attendre, trouves un adulte, deux adultes, expliques ta situation en omettant malencontreusement certains détails, comme le nom et prénom de l’auteur de l’explosion de la vitre, balances un clin d’œil complice à Léonard, dégaines ton regard désolé et ton sourire de gamin bien élevé qui les fait tous craquer. On te dit que ce n’est pas grave, que ça arrive, de donner ton numéro de chambre et qu’on répare ça tout de suite. Un jeu d’enfant. Finger in the nose. Et vous repartez, contents de vous, souriant discrètement dans les couloirs lumineux de Clever Cross, direction le réfectoire. Ça donne faim, de faire des conneries.
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