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 SPECTRUM - Clyde Jaggerjack -

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Nikolai L. Valdick
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Jeu 12 Juil - 19:56

Clyde J. & Nikolaï V. ♥


« Say my name & we'll never be afraid again. »

Clever Cross n'avait rien à voir avec Virtus Insania. Cette école est lumineuse, brillante, et ouverte. Ses couloirs sont larges et aérés, tout comme ses salles. Ici, la lumière semble avoir envahie les lieux. Virtus Insania, cette école terrée salement dans la terre et la poussière, privée de lumière et d'air. Je déteste cette école, je déteste l'Allemagne. Et aujourd'hui, me voilà de nouveau en France. Et pour la première fois, à Clever Cross. Même si l'idée de passer une semaine ici m'enchante plutôt, je reste cependant un peu pensif. Comme ailleurs. Je n'arrive pas à être serein. Pourquoi ? Pourtant, les choses ne vont pas si mal en ce moment, elles vont même plutôt bien a priori. Alors, pourquoi cette mine boudeuse et triste sur mon visage à chaque fois que je croise un miroir ? Je m'arrête devant l'un d'entre eux, et je me regarde. Au premier abord, je vois un garçon un peu froid, avec une mine triste et un peu creusée. Un regard un peu fatigué, certainement dû au voyage jusqu'en France. Des cheveux bien bleus. J'ai refais ma coloration récemment. Cheveux un peu abîmés et mèches rebelles. Je réarrange ma tignasse, afin de lui redonner un peu de forme.Ils ont beaucoup poussé depuis Synchronicity, ils sont presque longs à présent. Le reflet porte un slim rouge, et un t-shirt imprimé beaucoup trop large. Autour du cou, un bandana rouge noué. Et aux pieds, des bottines noires, un peu usées et poussiéreuses.

C'est tout ce que je vois au final, en me regardant. Un reflet, ça n'aide en rien. J'aurais aimé l'attraper par les épaules, ce garçon, afin de le secouer. Pour lui crier qu'il fallait qu'il se remue absolument. Qu'il ne peut rester là, debout devant son miroir, à s’apitoyer sur son sort et son apparence misérable. Peut être lui dire aussi que ce n'est pas ça la vie, que ce n'est pas de toujours regarder en arrière, sans se soucier du temps qui passe devant soi. Lui crier qu'il doit aimer la vie coûte que coûte, et que son chagrin ne disparaîtra jamais comme ça. Les fantômes le pourchasseront toujours. Ils hanteront constamment ses pensées et ses rêves. De toute façon, il ne sait plus rêver. Il est prisonnier de ses cauchemars incessants. Et il ne trouve rien de mieux que la cocaïne pour se réfugier. Tout ça parce que ça coupe la faim, tout ça parce que ça empêche de dormir. Moins il dort, et mieux il se sent, jusqu'à ce que la fatigue le fasse craquer. Triste cercle vicieux. J'aimerais lui dire tout cela en fasse. Malheureusement, il semble impossible de se prendre soi-même par les épaules, afin de se secouer et de se faire sermonner copieusement. Je soupire en jetant un dernier regard à ce reflet qui me déprime un peu plus, et je m'en vais, un peu las de toutes ces conneries ambiantes.

    « C'est peine perdue ... »


Alors je traverse les couloirs, et les halos de lumière qui éclatent à l'abord des fenêtres. Je me noie progressivement dans cette océan de photos. J'ai l'impression de perdre pied petit à petit, à mesure que je m'enfonce dans cette lumière blanche. Et mes pas sont légers et confus. Je ne sais pas où je vais, je crois bien que je m'en fiche complètement. Je cherche juste à être seul. Tout seul. On ne souffre pas quand on est seul. On n'a pas besoin des autres. Alors je me perds, et je me rends fous. De toute façon, je me fous de tout. Et mes pas me guident vers cette salle, cette immense salle au parquet vernis. Glissant et brillant.

    « Qu'est-ce que ... ?! »


Cette pièce est sans limite. Elle s'étend au delà de tout. La lumière est éblouissante ici, elle me brûle les yeux sur le coup, jusqu'à ce que mes yeux s'habituent à la puissance du halo. Une douce sensation chaude et réconfortante m'enveloppe à mesure que la lumière dévore mon corps. Mes bras se referment contre moi, et je m'écroule au sol, à genoux devant l'éternité et l'infini. Et je me retrouve pris entre deux sentiments : une profonde tristesse inexplicable, et une admiration muette. Coincé entre la contemplation et la dépression, je reste à genoux, sur le parquet glacé, à observer le monde autour de moi. Le lustre reflète la lumière, et la projette à tout va dans cette pièce. La lumière du soleil entre par les fenêtres, et vient s'écraser sur le parquet qui s'empresse de redistribuer l'ensemble à la pièce, qui brûle dans un océan de lumière blanche, intense et pure.

Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis mis à pleurer. De grosses larmes. Sans savoir exactement pourquoi, j'ai pleuré. Dans ma tête, ces larmes semblaient fausses. Pourquoi pleurer ? Pourtant, je ne pouvais me retenir. Comme si j'en avais profondément besoin au final. Assis par terre, les perles d'eau frappaient le parquet en cadence, après avoir ruisselées sur mes joues à présent humides. Je baisse la tête, honteux. Honteux de mon comportement. Honteux de ma vie. Honteux de tout. Dites moi où est la vraie vie dans tout ça. Dites moi si je fais fausse route, si je devrais laisser les fantômes disparaître. Dites moi si je dois apprendre à vivre. Si c'est le cas, apprenez moi. Je veux vivre de nouveau. Je ne veux plus survivre dans ce monde. La lumière me frappe le visage, et je comprends que c'est à travers cette beauté infinie que je devrais trouver le chemin de la rédemption et de la renaissance.



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Sam 14 Juil - 17:25

Pendant les cinq dernières minutes d’un cours en Allemagne, une professeur dont tu avais d’ors et déjà oublié le visage vous avait distribué une trentaine de fiches imprimées. Des yeux, tu l’avais survolé, trop blasé pour y prêter vraiment attention. Une autorisation à signer, pour les plus jeunes, pour partir quelque part, mais personne ne voulait avoir ta responsabilité depuis bien longtemps. Du coup, l’école fermait les yeux sur les champs vierges de tes feuilles et te jetait dans les bus sans vraiment se faire de souci. Cette fois-ci, ça parlait d’un voyage en France, tu cherchas des yeux la case à cocher « ne participera pas », ne l’y trouvas pas, et fut contraint d’affirmer que tu occuperais bien un siège miteux dans l’autocar.
Dans le dortoir, les esprits s’échauffaient, les élèves riaient à gorge déployée, les valises se remplissaient : au centre de toutes les discussions s’imposait le voyage scolaire en France, si l’on pouvait le nommer ainsi. Tu fouillais dans ton sac, pour y déterrer le papier : y parlait-on d’une fête ou de jeux ? En quoi fallait-il se montrer enthousiaste ? Tu te trouvas une raison sans leur aide : en voilà une belle, d’occasion de retrouver Nikolaï.

Ton sac en bordel posé à tes pieds, la bouche grande ouverte bonne à gober des mouches, les yeux écarquillés et l’air ébahi, tu ne sais comment réagir devant la beauté du lieu. Tu n’aurais jamais songé qu’il y avait plus ravissant qu’un printemps aux Shetlands : un été français. Tu te couvres les yeux face au soleil qui explose dans ce bleu, quelques intrus blancs s’y baladent gaiement en veillant minutieusement à ne pas lui faire de l’ombre et tout autour de vous : rien. Des champs, des prairies, des fleurs de partout et un château qui se dresse fièrement, Clever Cross, dans toute sa splendeur. Tu passes le portail avec hâte, portant les mêmes yeux qu’un gosse qui entre à Disney Land pour la première fois et ne peux t’empêcher de courir pour en voir plus, le plus vite possible. Tu ne réalises même pas que tu as oublié ton sac.

Tu gambades dans ces couloirs lumineux, même pas essoufflé : après l’incident en compagnie de Jean-Camille, tu as mis fin à ta relation avec la nicotine et vis désormais, une vie presque saine. Ton asthme s’est estompé, pour te redonner le goût de courir, pas trop longtemps tout de même, mais assez pour te rendre heureux. Il n’y a pas de murs, dans cette école, juste des vitres immenses qui autorisent les rayons solaires à s’écraser sur le sol et sur les gens, ça brille de partout, c’est étincelant, c’est beau. Tu te demandes quel genre de personne peut bien vivre ici, ils doivent sûrement tous être merveilleux, tu as même hâte de les rencontrer.
Tu te mettrais presque à chantonner quand tu t’arrêtes devant une salle qui scintille encore plus que les autres. Tu regardes à droite, à gauche, personne. Tu hausses les épaules, et entres sans gène, en te disant que ça doit être joli, ici aussi, et que tu admirerais bien le spectacle des spectres lumineux dans cette pièce là. Et quel spectacle.

Tant qu’à le revoir, tu aurais préféré le voir en train de danser. En train de rire. En train de discuter avec quelqu’un de gentil. En train de faire tout et n’importe quoi, en fait, mais pas en train de pleurer, pas à genoux. Pas une seconde tu n’avais douté, personne n’avait des cheveux aussi bleus, enfin, si, tu avais croisé une Française qui les avait aussi, mais sur Nikolaï, c’était plus beau. Tu entendais sa respiration saccadée, ses quelques reniflements entre deux pleurs. Tu le voyais pour de vrai, enfin. C’était bien réel, non ? Ce n’était pas un mirage, pas un rêve, pas vrai ? Tu préféras t’en assurer.

Pas vraiment rassuré, craignant d’avoir affaire avec une douce illusion créée de toutes pièces, tu avances à pas de loup, doucement. Tu trembles comme tu n’avais pas tremblé depuis des mois : tu as changé, Clyde, tu es devenu un peu moins faible, mais aujourd’hui, tu retombes au pied du mur. Mettre un pied devant l’autre te paraît presque compliqué, tu crèves de peur, tu voudrais qu’il soit vrai, il le faut. Tu tends tes doigts fins et les poses sur sa nuque, aussi délicatement que lorsque l’on caresse un papillon et redécouvre une sensation sous ta paume : la chaleur de Nikolaï. Tu ne sais pas pourquoi, mais les larmes dévalent sur tes joues, juste pour être sûr, juste pour être certain, tu tentes un discret, un léger, presque inaudible :

« Nikolaï… C’est toi ? »

Comme ta voix s’agite et déraille, tu reprends ta main pour bloquer ta bouche, tu ne voudrais pas lui paraître encore plus ridicule qu’à votre première rencontre, même si ça te paraît difficile à accomplir. Tu as hâte qu’il se retourne. Tu as hâte de voir son visage.



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Dim 15 Juil - 13:14

Je ne sais pas très bien ce que je suis venu chercher ici. A priori, rien du tout. Pourtant, la douleur qui étreignait mon coeur me laissait sous-entendre que je devais trouver quelque chose. Ou peut être quelqu'un. Mais qui ? Aniela ? Charlie ? Aurelian ? C'en est assez. Ils m'ont déjà trop aidé. Ils en ont déjà fait trop pour moi. Si je veux m'en sortir, il faut que j'apprenne à me débrouiller par moi même. Il faut que j'arrête de pleurer sur mon sort, et que j'essaye de me prendre en mains. Mais à chaque fois que j'essaye de faire quelque chose, j'ai l'impression de ne faire qu'empirer les choses. Comme si tout ce que je touchais finissait inexorablement par se briser. Et pourtant, je sens toujours la chance autour de moi. Alors pourquoi rien ne va constamment ? D'où vient le problème ? Me voilà comme un gamin, par terre et en larmes. Pathétique scène. J'ai toujours essayé de faire bonne figure depuis la catastrophe de Synchronicity. Je n'ai pas failli, je n'ai pas flanché. Je n'ai pas cherché à être une victime, et j'ai conscience que je ne suis qu'un parmi tant d'autres. Et en même temps, un privilégié, car tant ont péri durant cette tragédie. J'ai fais face tout seul, j'ai augmenté mes doses et mes fréquences, j'ai bu plus que de raison. Et j'ai fais ce que n'importe qui aurait pû faire à ma place : j'ai fais face et j'ai été de l'avant, bien que je n'ai fais que du sur-place depuis le début. Prisonnier de mes propres chaînes et de mes vieux démons. Je n'ai fais que tendre vers un objectif qui ne m'était pas accessible. Non, pas pour un gars comme moi. D'ailleurs, qui voudrait d'un gars comme moi ? Une vrai calamité. Un poète maudit et damné. Personne n'en veut. Alors qu'il en soit ainsi. Fuyez moi autant que vous le voudrez. J'essayerais toujours de rester stoïque face à la tempête, même si parfois, il me faut flancher, comme aujourd'hui. Poser juste un genoux au sol, et espérer me relever. A priori, on n'est jamais certain de pouvoir se relever, lorsqu'on s'écroule ainsi.

Soudain, je sens une présence. Je lève la tête dans un sursaut, surpris. Et j'entends un pas hésitant, presque inaudible. Un pas léger et timide, presque invisible. Quelqu'un venait d'entrer dans la pièce, derrière moi. Il ne manquait plus que ça ... J'ai toujours eu terriblement honte de pleurer. J'ai toujours pris ça pour une marque de faiblesse évidente qui montre le chaos et le débordement intérieur. Quand on pleure, c'est simplement parce qu'on n'a plus rien à faire. On ne sait pas quoi faire. Alors on pleure, parce qu'on est désarmés. Parce qu'on n'a pas d'autres choix. Baisser les armes, et verser une larme. Abandonner, et s'abandonner par la même occasion. J'essaye de me reprendre, de retenir mes larmes, mais c'est comme si il était déjà trop tard. Je n'arrive plus à contenir ce flot qui se déverse sur mes joues en ruisseau fébrile. Soudain, je sens un main sur ma nuque, tandis que mon regard se perd dans la lumière. C'est trop brillant pour moi. Une main qui se veut hésitante, pas véritablement réconfortante. Presque effrayante. Et au milieu de mes sanglots, sa voix résonne, se tord, et explose le silence de la pièce, en résonnant de façon infinie. J'en étais sûr : il s'agissait de Clyde. Sans me retourner, la voix étranglée par mes larmes et mes sanglots :

    « Clyde ... »


Plusieurs sentiments se bousculent en moi, tandis que son nom résonne dans ma tête, comme une pierre lancée dans une mare. J'avais quelques remords à son égard. Celui de l'avoir laissé en plan, plus ou moins volontairement. Au début, involontairement. Puis, par la suite, j'ai appris qu'il me cherchait. Et ça m'énervait tellement. Tellement, que je pris soin de l'éviter d'une certaine manière, afin de ne pas avoir à faire avec lui. En même temps, je me sentais si mal à cet instant, que je mourrais d'envie de me jeter dans ses bras, et pleurer un peu contre lui. Mais ma fierté m'en empêchait. Pire, elle me retournait complètement et inversait mes sentiments. Et une sorte de colère se mit à naître en moi, au moment où Clyde avait posé sa main sur ma nuque. Une colère noire et incontrôlable.

    « Qu'est-ce que tu me veux, Clyde ? »


Toujours sans me retourner, je relève la tête, tout en finissant de sécher mes larmes. Je n'avais plus envie de pleurer à vrai dire. Puis je pose un pied à terre, et je me relève. Je tire sur mon t-shirt, j’époussète un peu mon pantalon. Et je me retourne doucement vers lui. Mon regard est lourd. Un regard un peu implorant, et en même temps, qui se veut fort et perçant. Un regard aussi un peu humide, à peine rouge. Mes cheveux tombent de façon anarchique autour de mon visage et devant mes yeux. Je repousse une mèche derrière mon oreille. Et je replis mes bras atour de moi en les croisant, tout en me tournant d'un quart de tour vers la fenêtre.

Clyde. Pourquoi es-tu venu ? Tu n'aurais pas dû. Tu n'aurais pas dû me voir dans cet état, ici. Tu aurais mieux fait de ne pas me chercher, de ne pas me trouver. Je ne suis pas quelqu'un pour toi, tu devrais en avoir conscience. Alors pourquoi tu me pourchasses ? Pourquoi, Clyde ? Trop de questions sont déjà sans réponse dans ma tête. Trop de souvenirs désagréables hantent mes pensées. Clyde, va t-en.
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Dim 15 Juil - 19:30

Une fois, juste une fois, tu avais rêvé du jour où tu l'avais retrouvé. Ça ne devait pas se passer comme ça, tu n'avais pas prévu de larmes, non, au contraire : dans tes rêves, Nikolaï souriait, riait même parfois et t'accueillait à bras ouverts. Dans tes rêves, il n'y avait pas de place pour les pleurs, pas de place pour la tristesse, pas de place pour autre chose que du bonheur. Mais le monde n'est jamais aussi étincelant que dans tes songes : les gens changent, empirent avec le temps, ne vont pas toujours si bien que tu le crois. Et l'homme que tu prenais pour un Dieu pleurait dans une immense salle vide, genoux au sol, sans que quiconque y prête attention. Ça te donnait envie de vomir : combien de personnes étaient passées devant cette pièce en feignant de ne pas entendre les gémissements étouffés de Nikolaï ? Tu les haïssais tous, tous ceux qui ne se préoccupaient pas de l'homme que tu jugeais incroyablement génial.

Tu crevais d'envie de le prendre dans tes bras, même s'ils n'étaient pas assez grands pour lui, peut-être que s'il si tassait bien, il y rentrerait en entier, non ? Tu aurais vraiment voulu faire ça, tu le jures, mais ton élan est vite stoppé par sa voix cassante. Ce n'est pas un "Clyde" doux, qu'il prononce. Ça ne ressemble pas à un prénom que l'on susurre car l'on est heureux de se revoir, on dirait plutôt un soupir de désappointement, voir même d'agacement. Tu paniques, retires ta main de sa nuque et retiens ta respiration en attendant de te prendre l'engueulée de ta vie. Depuis quelques mois, tu t'étais forgé un morceau de courage, et un tout petit peu de confiance en toi, tout ça pour finir écrabouillés sous le ton exaspéré de Nikolaï, en moins d'un millième de seconde.

Lorsqu'il se retourne, tu recules d'un pas : quelque chose cloche, quelque chose ne va pas, il est fâché, et tu ne sais même pas pourquoi. En fait, si tu savais, ça ferait longtemps déjà que tu te serais jeté à ses pieds pour implorer son pardon, mais comme tu ignorais la raison de sa colère, tu restais planté là, comme un idiot qui n'a rien d'autre à faire que de triturer ses index pour canaliser son malaise. Et puis la question claque : qu'est-ce que tu lui veux ? C'est suffisant pour faire comprendre à n'importe qui, même toi, aussi stupide sois-tu, que leur présence ici est indésirable. Nikolaï ne t'avait ni cherché, ni attendu, et n'avait encore moins souhaité ton retour. Un raz-de-marée te monte aux yeux, tu tentes tant bien que mal de le contenir, tout ton corps frissonne, tes mains tremblent comme jamais, tu sombres à nouveau dans tes crises de panique que tu n'avais plus subit depuis des mois, déjà. Tu te mords la lèvre, baisse la tête et empoignes la manche de son t-shirt. La voix chevrotante, tu balbuties une réponse confuse et décousue, comme d'habitude :

"Pardon ! Je.. J'ai cru que…"

Que quoi ? Qu'il te cherchait dans toute l'école, jour et nuit, sans cesse ? Qu'il se languissait de toi et ne parvenait plus à vivre sa vie sans ta présence ? Qu'il regrettait de s'être enfui au petit matin sans rien te dire ? Détrompe toi, Clyde ! Rappelle toi ta place : tu es juste le type qui lui a pourri sa soirée en enchaînant crise d'asthme sur crises d'hyperventilation, et qui l'espionne comme un détraqué mental dans chaque couloir de l'école. Il n'y avait aucune raison qu'il se souvienne de toi, encore moins qu'il ait envie de te revoir. Quand la vérité t'éclate au visage, tu préfères te crever les yeux, et t'enfoncer dans un enchaînement d'actions que tu finiras par regretter.
Tes doigts tremblants le serrent encore plus fort, tu pleures à chaudes larmes, tu sors de ta poche un mouchoir, tu lui poses sur le genoux, tu plaques ta tête contre son épaule et déclare fébrilement, en préférant ignorer ce qui se passera dans les secondes suivantes :

"Tu.. Tu m'as manqué, et arrête… Arrête de pleurer !"
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Dim 15 Juil - 22:27

Je restais immobile, fixe et déterminé. Mon regard se perdait au delà de la fenêtre, au milieu du halo blanc et brillant. Pourquoi était-il là ? J'avais simplement besoin d'être seul. Je voulais juste qu'on me laisse tranquille. Et le voilà qui débarque, la bouche en coeur, et qui recommence déjà à s'excuser. Ce qui a pour seul but de m'énerver encore un peu plus. Et pour être sincère, avec le trajet jusqu'à Clever Cross, je n'avais pas pris un seul rail depuis un bon moment. Et le manque se faisait ressentir. La dépression, elle, se faisait plus facile. Mes doigts tremblaient, tandis que j'essayais difficilement de le cacher en croisant fermement les bras, et en serrant les poings au maximum. Ma jambe était prise de léger tremblement également, parfois même de sursaut brusque. Mais je tâchais de rester maitre de moi même, bien que cela était très difficile. Et il attrape ma manche, et je n'arrive pas à retenir le regard noir que je lui lance. C'est comme si chacun de ses contacts me brûlaient la peau. D'ailleurs, la lumière commence à me blesser elle aussi. Et la chaleur monte en moi. Pourquoi je me sens comme ça ? J'ai l'impression de perdre le contrôle petit à petit, à mesure que les minutes s'écoulent. Clyde, mon Dieu, mais pourquoi tu es venu ici ... Et comme si il ne comprenait pas ce qu'il se passe, le pauvre pose sa tête sur ton épaule.

Et il faudrait que j'arrête de pleurer en plus ? Évidemment, que savait-il de moi, lui ? Est-ce qu'il sait ce que j'ai traversé ? Sûrement pas. Alors c'est un peu facile de dire aux gens d'arrêter de pleurer, alors que soi-même on peine à retenir ses larmes. Les tremblements se contenaient plutôt bien, même si parfois, un soubresaut m'ébranlait par moment. Une profonde fatigue pesait lourdement sur mon corps, à tel point que mes membres semblaient pesaient si lourds. Et la tête de Clyde ne faisait qu'alourdir encore plus cette sensation. Un poids supplémentaire sur mon corps. Alors je me dégage de son emprise. D'un mouvement d'épaule, je déloge sa tête, et je fais un pas sur le côté, afin de m'éloigner de lui. Je cache mes yeux de la lumière un instant, pour essayer de reprendre mes esprits. Mais qu'est-ce que je suis en train de faire ? Pourquoi je le rejette tout entier ? Pourquoi je le repousse ? Il n'a rien fait, il ne le mérite pas ...

    « Je ne pleure pas. Commence déjà par retenir tes propres larmes, regarde toi ... »


Je me redresse, en essayant toujours tant bien que de mal de ne pas trembler devant Clyde. Effectivement, je ne pleurais plus. Mes joues étaient sèches, et seulement une légère rougeur dans les yeux pouvait témoigner de mes sanglots précédents. Mon regard était sombre, et en même temps, il traduisait la douleur que je ressentais au fond de moi. Il témoignait du manque. Mais je n'avais rien sur moi. Tout était dans ma valise. Je ne pouvais que prendre sur moi pour l'instant. J'avais déjà ressenti auparavant ce sentiment, pour peu que j'ai la tête ailleurs et que j'oublie de prendre une dose pour couper. Ce qui était pénible, c'était que Clyde vienne s'en mêler. Cela ne se finira pas bien ...

    « J'ai entendu dire que tu me cherches partout depuis quelques temps. Alors voilà, je suis là, devant toi. Qu'est-ce que tu veux maintenant, Clyde ? »


J'entendais à peine ce qu'il me disait, tellement un sentiment de colère aveuglait ma perception. Je savais que Clyde me stalke depuis qu'on s'est rencontré. Je sais tout ça. Je sais qu'il a fait des pieds et des mains pour me trouver, qu'il a questionnait mon entourage. Et même si cela m'énerve, en temps normal, je ne lui aurais rien dis. Du moins, je n'aurais pas été aussi caustique et direct avec lui. Mais le sentiment de manque ne me rendait pas particulièrement tendre. Et malheureusement, il n'y avait rien de personnel à tout ça. Clyde était juste arrivé au mauvais endroit, au mauvais moment. Je n'arrive plus à contenir mon air agacé, et ma jambe qui tremble. Je commence à faire les cents pas devant, comme pour lui montrer mon impatience. Mais qu'est-ce que tu attends de moi ?

    « Me dis pas que tu m'as cherché partout simplement pour venir pleurer comme ça devant ... Qu'est-ce que tu attends de moi au juste ? »
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Lun 16 Juil - 13:33

C’est bizarre comme on peut tomber de haut en si peu de temps. Tu t’étais fait tout un film du bonheur que tu éprouverais en le voyant à nouveau, mais pour ressentir un centième de cette félicité, il aurait fallu qu’elle soit partagée. Or aucun de tes sentiments ne semblaient être réciproque, à l’heure d’aujourd’hui. Pour effacer sa colère, ou juste pour l’ignorer, tu avais voulu te noyer dans sa chaleur qui t’avait tant manqué, ces derniers mois. Mais même ça, il ne t’en avait pas laissé le droit, et t’avait expulsé de son épaule en s’éloignant de quelques mètres. Sans broncher, sans faillir, il te fit face, les yeux secs et sans aucune trace de fébrilité dans sa voix. « Regarde toi ». Oui, il fait bien de te dire ça. À ces mots si cruels que tu ne pensais pas avoir mérité, ton ventre se serre, ta gorge se noue, mais tu passes ta manche sur tes joues malgré tout. Si tu es si ridicule que ça à ses yeux, alors il faut te redresser un peu pour qu’il te déteste moins. Tu ne t’excuses pas, car tu sais que ça le rendrait encore plus furieux, et attends patiemment la fin de ta brimade.

Cette dernière vint plus vite que tu ne le pensais, à peine eus-tu le temps de sécher tes dernières larmes, qu’il t’assommait déjà d’une question que tu ne t’étais jamais posé. Ce que tu lui voulais ? Tu n’en savais rien. Il n’y avait qu’une chose que tu savais : il te manquait, horriblement. Il était la seule personne qui savait pour ta sœur, et qui ne t’avait pas regardé d’un air horrifié en l’apprenant. Peut-être que c’était juste à retardement, parce qu’en ce moment même, dans les yeux de Nikolaï, ton reflet était bien celui d’un monstre. Complètement décontenancé, tu le regardes bouche bée, en tentant désespérément de répondre. Il s’agite, parcourt la salle de long en large, c’est pas normal : Nikolaï est bizarre. Tu murmures fébrilement :

« Je… Je sais pas… Je… »

Sa dernière phrase se fait encore plus méprisante, il s’impatiente, et te repose la question : tu boues, tu ne le reconnais pas, et tu le trouves injuste. Injuste de t’avoir inondé de bonheur en une nuit pour te laisser seul le matin. Injuste de t’avoir secoué un morceau de sucre au nez pour disparaître aussitôt. Injuste de t’avoir montré ce que c’est d’être à deux, alors que tu survivais très bien tout seul. Maintenant tu ne sais plus faire, maintenant tu as besoin des autres. À cause de lui. Ses allers et venues t’énervent, tu voudrais le plaquer contre un mur et lui hurler à la figure tout ce que tu lui reproches, tu le voudrais tant, que tu le fais, oui, tu le plaques de la main droite, et tu hurles, pour la première fois de ta vie.

« Ce que je veux ?! Mais, c’est toi qui est sensé me le dire ! Je me débrouillais bien avant, tout seul, et puis quand je t’ai rencontré, ça marchait plus… Mais t’es pas juste ! T’es pas juste, Nikolaï, je…»

Tu desserres tes doigts autour de son col, te mords la lèvre, et lèves la tête pour lui faire face. Tu ne l’as pas cherché pendant des mois pour qu’il te gronde comme un gosse, tu ne t’es pas ridiculisé devant des dizaines de personnes, en rougissant en entendant son prénom, juste pour le voir se mettre en colère contre toi : s’il voulait le faire, qu’il ait une raison un peu plus valable que « tu m’as cherché pendant des mois, alors que je t’ai embrassé et laissé en plan le lendemain matin ». Son attitude te mettait hors de toi, pour une fois, tu savais que tu ne méritais pas ça.

« C’est pas à toi de te mettre en colère aujourd’hui ! »

Tu le lâches enfin, et pars prendre l’air un peu plus loin : ta main gauche te démange, il faut que tu te calmes. Lyria t’ayant déchiqueté ton gant, et ta main étant chargée au maximum, un accident pourrait bien vite arriver. Tu la fourres dans ta poche, et piétines misérablement de colère. Tes joues rougissent de rage, et les larmes se bousculent mais tu n’en laisses aucune sortir : si Nikolaï te trouve ridicule, ça n’aura servi à rien de le chercher tout ce temps. Il te devait des explications, toi qui ne connaissais rien de ce côté de la vie, et qui n’avait personne à qui en parler. Pourquoi souffrais-tu de l’absence d’une personne que tu n’avais vu qu’une seule fois ? Pourquoi son souvenir brûlant faisait trembler tout ton être ? Pourquoi tu ne pensais qu’à lui ? Pourquoi ?
Toi qui n’avais jamais aimé personne, Nikolaï se devait de t’expliquer dans quoi tu t’embourber petit à petit par sa faute.
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Lun 16 Juil - 14:13

Je n'avais qu'une seule envie à ce moment là : m'enfuir en courant. Je sentais cette colère bouillir en moi, à mesure que mon corps souffrait du manque. Psychologiquement, je n'arrivais plus à raisonner normalement. Mes pensées semblaient totalement brouillées, et mon seul moyen de défense était de repousser toujours plus Clyde. L'obliger à s'éloigner de moi, afin qu'il me laisse tranquille, qu'il me fiche enfin la paix. Mais rien à faire. Lui aussi semblait déterminé à à faire ça. Et pourtant, son attitude traduit toujours la même faiblesse récurrente qui l'habite perpétuellement. Il reste debout, immobile, à balbutier quelques mots à l'utilité contestable. Des bribes de phrases qui meurent immédiatement. Des phrases qui ne veulent rien dire, qui n'apportent rien au débat. Alors ça continue à m'énerver. J'ai presque envie de le secouer, et de lui dire qu'il ferait mieux de se bouger un peu, d'être un peu moins passif face au monde. Lui dire que ça sert à rien de se morfondre, et que s'il continue il finira comme moi. Qu'il finira paumé et seul. Même si dans ma tête cela sonnait comme un conseil à lui donner, je sais très bien qu'il serait impossible que je lui dise tout ça sans m'énerver, sans l'engueuler. Je sais très bien que si j'ouvre de nouveau la bouche, ce sera seulement pour être encore plus cinglant et cassant que je ne le suis déjà à présent. Alors je continue à faire les cent pas, à ruminer ma colère en moi. Et ce pauvre fou commet l'erreur de se jeter sur moi, et il me plaque d'une main contre la vitre.

Je ne peux retenir mon regard de surprise. Ce n'était pas Clyde à cet instant, cela ne lui ressemblait pas. Ce courage, cela ne lui correspondait pas. Tout comme cette force dont il a fait preuve pour me plaquer, dos à la fenêtre. Pour être sincère, j'ai tellement eu peur lorsqu'il m'a plaqué, que mon don s'est emballé un instant pour me protéger, de peur qu'il m'arrive quelque chose. Et il se mit à m'engueuler. Inversion surprenante des rôles. Il se met à hurler, comme s'il venait de trouver enfin la force de s'énerver contre moi. Mon regard, après avoir traduit ma surprise, s'assombrit encore un peu plus, à tel point que mon expression était devenu méconnaissable. Une expression qui ne m'allait guère. Pris d'une nouvelle vague de tremblements, je serre très fort les poings. Les dents aussi, afin de me contenir. Je ne sais pas ce qui me retient de lui en coller une pour le faire taire, pour qu'il arrête de me harceler comme ça. Et finalement il relâche sa prise sur moi, avant que je puisse faire quoique ce soit d'autre que l'écouter. Et il s'éloigne, un peu plus loin, vers une baie vitrée ouverte qui donne sur un balcon, sûrement pour s'aérer un peu.

    « J'crois que j'ai pas bien entendu là ... »


Rapidement, d'un pas déterminé, je me dirige vers lui et je l'attrape par le bras gauche, que je me mets à serrer aussi fort que possible, tout en tirant dessus pour qu'il se retourne et qu'il me fasse face. Je n'avais pas le courage de lui faire du mal. Pas à un garçon comme lui. Pourtant, ce n'était pas l'envie d'être violent qui me manquait à ce moment là. Loin de là. Mais je savais me contenir suffisamment pour ne pas en arriver à ce genre de débordements. Surtout que cela m'en coûterait gros si je fais preuve de ce genre de débordements à Clever Cross ... Les larmes me montent aux yeux de nouveau, et il m'est impossible d'affirmer s'il s'agit de larmes de colère ou de tristesse. Je le regarde, le souffle haletant, comme un fou. Alors que je m'apprêtais à crier, je m'avise à la dernière minute, et je pousse un long et douloureux soupir de lassitude.

    « Non, t'as raison Clyde. J'ai aucune raison de m'énerver, c'est bien connu. Je vois même pas pourquoi je m'énerve d'ailleurs. C'est vrai, après tout. Ma vie est tellement parfaite, que je ferais mieux de fermer ma gueule un peu. Abandonné par mes parents, par ceux que j'aime. Accro à l'alcool et à ces merdes d'amphétamines. Affublé d'un don aussi horrible qu'inutile. Doté d'une capacité exceptionnelle pour briser tout ce qui m'approche ... Avec tout ça, pourquoi je m'énerve ? »


Ma prise sur le bras de Clyde se relâche petit à petit, jusqu'à ce que finalement mes doigts s'ouvrent, et libèrent son maigre bras. Certes, j'avais l'habitude de me plaindre et de déprimer sur mon propre sort, mais jamais je n'infligeais ça aux autres. Je n'ai jamais consulté de psychologue. Je n'ai jamais été en cure de désintoxication. Je n'ai jamais confié mes problèmes aux autres. Jamais. J'ai toujours cru que cela ne les regardait pas, et que seul moi pouvait arranger les choses. Et là, sous le coup de la colère, j'ai tout lâché. Comme une bombe à retardement, tout a explosé. Et j'ai l'impression de me retrouver nu devant Clyde, gêné et hésitant. Les larmes coulent de nouveau sur mes joues, tandis que mon regard, choqué, toise maladroitement Clyde. Un sentiment de dégoût profond m'habite, lié à un sentiment de honte. Je recule de quelques pas, tout en fixant Clyde. Un sourire ironique au milieu des larmes se dessinent sur mon visage.

    « J'crois que t'as pas bien saisi Clyde ... Je suis pas un gars pour toi. Alors lâche l'affaire, laisse tomber. Trouve toi quelqu'un qui en vaut la peine ... »


Mes jambes flageolantes me font faire un demi tour afin que je fasse dos à Clyde. Je regarde la fenêtre qui nous fait face. La lumière me parait toujours si exceptionnel. Parfois, je me demande ce que ça fait de disparaitre dans la lumière, à tout jamais. Les larmes coulent sur mon visage sans que j'y prête attention, et je ronge mes doigts nerveusement. Jusqu'à ce qu'ils se mettent à saigner.
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Lun 16 Juil - 19:43

Tu ne savais pas qu’il faisait si beau, en France en juillet. Tu pensais voyager dans un pays gris comme l’Allemagne, et débarquer au milieu de flaques boueuses, les cheveux trempés par les averses. Devant cette baie vitrée grande ouverte sur des jardins verdoyants et ensoleillés, tes préjugés s’effritent et partent en fumée : ça fait bien longtemps que tu n’as pas vu de rayons de soleil, encore moins de la verdure bien entretenue surmontée d’un ciel bleu. C’est dommage que ton état ne te permette pas d’en profiter. Tremblant de rage, le poing gauche serré dans ta poche, craignant de libérer le surplus d’émotion en un éclair bleu et fatal, tu trépignes et désespères à te calmer.
Et Nikolaï pète un câble, t’arrache le bras de ta poche, tu sursautes, les yeux exorbités, terrifié par ce que tu aurais pu lui faire s’il t’avait empoigné quelque centimètre au-dessus : tu te figes, te bloques, coupes ta respiration en un instant en attendant qu’il te lâche. Tu ne bouges pas d’un poil pendant tout son discours, pas même d’un millième de centimètre, tu n’oses même pas respirer, les yeux rivés sur ta main qui fourmille, et qui n’attend que qu’un conducteur lui passe devant. Tu ne réagis même pas à la tirade cinglante qu’il te crache à la figure, presque calmement : à croire qu’il avait oublié que la main au bout de ce bras qu’il retenait pouvait lui confisquer la vie au moindre touché. Nikolaï n’allait pas bien, pour oublier une telle chose, on est forcé d’aller mal.

Tu ne te décrispes que lorsqu’il desserre son étreinte et s’éloigne de quelques pas. Les mots que tu avais seulement entendus pendant la panique prennent à présent tout leur sens : tu te prends une grosse claque en réalisant une chose. Une chose qui t’était passée complètement au-dessus de la tête, depuis votre toute première rencontre. Nikolaï n’était pas un Dieu, mais un humain, et un homme qui allait mal, de surcroît. Un humain ravagé par les acides, l’alcool, et les relations brisées. Tu n’avais pas voulu le voir ? Et bien ça t’explosait à la figure, le côté sombre de Nikolaï. Il vomissait sa bile noire devant toi, qui ne connaissait rien du Monde dont il te parlait, et qui ne savait quoi faire d’autre que de rester planté là, les bras ballants. Toutes ses paroles sonnent comme des reproches, comme si c’était de ta faute : bien sûr qu’il a le droit d’être en colère, mais pas contre toi, pour une fois que tu n’as rien fait, tu préférerais qu’il t’épargne sa rage.
Une larme roule, puis une deuxième. Quelques phrases qui te disent de couper les ponts. Le sourire le plus faux que tu n’aies jamais vu. Et du sang sur ses doigts.
Les rôles se sont inversés : tu as un peu grandi, Clyde, tu t’es un peu endurci. Tu ne tomberas pas à genoux en t’étouffant à demi et en pleurant pour quémander de l’aide. Devant toi, Nikolaï s’écroule, et ce n’est pas le moment de flancher ou de s’enfuir.

Tu t’approches doucement, le pas décidé, tu n’as pas peur de te prendre un poing en pleine figure : si c’est ce qui doit arriver, eh bien tant mieux, si ça peut le soulager un peu, ça t’ira à merveille. Tu caresses sa joue de ta main droite et y déloges les larmes, tu cherches ses pupilles, tu t’approches un peu plus et murmures :

« Tu en vaux la peine, tu en vaux largement la peine, Nikolaï. »

Tu le sens trembler sous tes doigts : sans hésiter, tu passes tes bras autour de lui et l’enlaces avec force pour faire cesser les tremblements. Tu prends soin de ne pas le toucher de ta main gauche, et plaque ta tête contre son torse. Tu le serres encore, jusqu’à ce qu’il étouffe de toi, jusqu’à ce qu’il se rende compte que tu es là, et que tu ne feras jamais partie de ces gens dont il parle : de ces gens qui l’ont abandonné. Nikolaï pourra bien s’énerver, te hurler dessus, t’envoyer paître comme jamais : maintenant que tu connaissais la nature du mal qui le rongeait, il pouvait toujours courir pour que tu lui fiches la paix. Comme Jean-Camille l’avait fait pour te guérir de ta solitude et de ton addiction à la nicotine, tu harcèlerais Nikolaï pour qu’il ne tremble plus ni de manque, ni de solitude. Disons que ce serait juste à la puissance d’au-dessus.

« Je ne savais pas… Alors, ne te mets pas en colère contre moi. Dis-moi ce qu’il faut que je fasse. Je t’aiderai Nikolaï. Alors dis moi. »

Tu attendais qu’il te rejette ou qu’il accepte ton aide. Qu’il fasse l’un ou l’autre, tu le sortirais de là, parce que tu ne voulais plus jamais le voir agenouillé, à pleurer pour des choses qu’il n’aurait jamais du subir.
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Lun 16 Juil - 21:22

Je ne pense pas avoir besoin de quelqu'un. Je n'ai jamais eu besoin qu'on me donne la main. Qu'on me plaigne et qu'on me vienne en aide. Quand mes parents m'ont laissé seul très tôt, je n'ai pas eu besoin de trouver une autre source d'affection. Quand Aurelian a disparu, je n'ai pas eu besoin de quelqu'un d'autre pour le remplacer. C'était d'ailleurs tout simplement impossible de le remplacer de toute manière. Même si je vis à moitié en vie par moment, je n'ai pas besoin qu'on vienne m'aider. Cela peut sembler très personnel, et même égoïste ou égocentrique. Mais je m'en fiche. Je tenais plus que tout à cette forme d'indépendance que je me suis créée. Je ne veux pas dépendre de quelqu'un. Je n'ai dépendu qu'une fois d'une personne et cela s'est très mal terminé. Je ne veux plus que cela se reproduise. Et cela ne se reproduira pas. Non, jamais. Certes, en quelque sorte, je venais de raconter mes problèmes à Clyde. Mais je ne cherchais pas à l'attendrir. Je ne cherchais pas sa fichue compassion. Je voulais juste qu'il comprenne que je n'ai pas que ça à faire et penser. Que lui, il n'est qu'un élément simple perdu dans le chaos et le tourment de mon existence. Il n'est qu'un fragment bien plus simple que le reste. A traîner autour de moi, il finira par se faire engloutir. Car c'est une vraie malédiction : tout ce qui s'approche de moi finira par se briser un jour.

Soudain, Clyde s'approche de moi, et pose sa main sur mon visage. Dans un réflexe, avec un revers de la main, j'écarte la sienne de mon visage. Je n'ai pas besoin qu'on sèche mes larmes. Mes larmes sèchent d'elles même. Je tremble toujours, et il semble l'avoir remarqué, car il referme ses bras autour de moi et pose sa tête contre mon torse. Mais son contact me brûle la peau. J'ai trop chaud, et mon corps semble encore plus lourd depuis qu'il est contre moi. Je gigote un peu, pris dans son étreinte, soupirant d'inaudibles phrases le suppliant de me lâcher. Les larmes aux bords des yeux. Finalement, je m'écarte de son étreinte, et d'un coup de la paume dans son torse, je repousse Clyde un peu plus loin, tout en reculant d'un ou deux pas de lui. Mon souffle est haletant et mon regard est terrifié. Je ne sais plus quoi faire. Je suis comme un animal pris au piège. Terrifié et impuissant. On le regarde avec pitié, avant de l'abattre. Une pauvre proie.

    « Lâche moi, je n'ai pas besoin de toi ... Je n'ai besoin de personne, tu m'entends ?! Alors laisse moi tranquille ! »


Sans m'en rendre compte, j'avais haussé la voix. J'étais à deux doigts de crier. Je reprends doucement mon souffle, immobile, à fixer Clyde dans les yeux. Dans ma tête, les pensées semblent se diluer, à tel point que je n'arrive plus à réfléchir correctement. Je n'avais qu'une envie : me rouler en boule et hurler. Hurler de toute mes forces, jusqu'à ne plus pouvoir. Pour finalement m'effondrer en larmes. Seul et libéré. J'avais besoin qu'on me laisse tranquille. Qu'on me laisse dépérir en paix. Je n'ai pas besoin de m'en sortir. Je n'ai pas envie qu'on me vienne en aide. J'attrape ma tête entre mes mains. Mes maux de tête se font un peu plus violents, la lumière n'arrangeant pas le phénomène. J'ai envie que tout s'arrête. Que Clyde disparaisse. Que la douleur s'en aille aussi. Je veux trouver une fin à tout ça. Abattre mes dernières cartes. Quitter la table. Je relève la tête, le regard comme fou, et je le regarde.

    « Tu veux vraiment m'aider, Clyde ... ? »


Je m'approche lentement de lui, d'un pas un peu hésitant et fragile. Puis je me place face à lui, avant d'attraper de nouveau violemment son bras gauche. Je le sers si fort que je pourrais le briser en un mouvement de poignet. Et je l'oblige à lever sa main, sa main destructrice. Et je l'approche de mon torse, juste à une dizaine de centimètres de ce dernier. Je sers toujours fermement son poignet dans ma main. Je le regarde, avec un air de défi dans les yeux, et un sourire malsain se dessine sur mes lèvres, tandis que les larmes perlent une nouvelle fois sur mon visage. Je n'ai pas peur de lui. Je n'ai jamais eu peur de mourir. Je regarde un instant sa main maudite, puis je tourne mon regard vers lui.

    « Vas-y. Si tu veux m'aider, décharge ta main sur moi maintenant. Tu sais comment on fait, alors fais le. Qu'on en finisse une bonne fois pour toute ... »


Je sais qu'il ne le fera pas. Forcément qu'il ne le fera pas. Il n'a pas le cran de le faire. Il n'osera jamais décharger sa main contre moi. J'aurais plus vite fais de me jeter par la fenêtre plutôt que d'attendre qu'il me porte le coup fatal. Un silence de plomb s'installe dans cette superbe pièce. La lumière est toujours aussi magnifique, et semble nous sublimer. Elle est la seule témoin de ce moment délicat. Finalement, je relâche sa main, et un regard de jugement et de dégoût se pose sur Clyde.

    « Mais si tu n'en es pas capable, alors va t-en. Laisse moi seul, car tu ne me seras d'aucune utilité ... »
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Mar 17 Juil - 10:18

Tout ce qui ne fallait pas faire, tu le faisais, version amplifiée bien sûr. Les relations entre humains, les mots justes, on ne te les avait jamais enseignés. Tu ne pensais pas à mal en le prenant en pitié, toi-même ne réalisais pas que c’en était : tu aurais plutôt appelé ça de la compassion, et par-dessus tout, l’envie de l’aider. Mais comme tu ne savais pas le montrer ni l’exprimer, Nikolaï prenait ton avalanche de bons sentiments mielleux comme de la pitié. Quand il te repousse, ça te fait mal, tu en pleurerais presque, mais tu n’en as pas le droit : tu n’as pas le quart de ses problèmes. La seule tâche indéniable de ta vie est la mort de ta sœur, mais tu entends déjà des bruits de couloirs qui en témoignent le contraire. Tes parents se sont occupés de toi. Ton enfance fut étincelante et aisée. Et même si ton corps s’effritait plus vite qu’un morceau de pain sec, tu n’avais jamais souffert comme Nikolaï.

Sous ses cris, tu ne faiblis pas, et te contentes de froncer les sourcils en soutenant son regard. Il n’avait pas besoin d’une planche pourrie mais de quelqu’un qui le traînerait en cure, et qui l’épaulerait sans conditions. Tu voudrais être ce quelqu’un, mais lui tenir tête te réduisait en miette : tu ne pouvais pas t’opposer à Nikolaï, encore moins quand il t’envoyait à la figure tes quatre vérités. Il n’a ni besoin de toi, ni de personne, et tu prends trop de place. Tu as oublié le motif de ta venue : que fais-tu encore là, alors qu’il te rejette de tout son être ? L’as tu aidé depuis ton arrivée ? Non, son état a empiré. Tu te rends compte de ton inutilité, soupires, et te diriges lentement vers la porte quand il t’agrippe à nouveau le poignet gauche.
Ses doits écrasent tes os, tu vois de là, ta peau qui bleuit, plus haut, de minuscules étincelles dorées s’excitent entre tes phalanges.
A quoi tu joues, Nikolaï ? Tu veux mourir c’est ça ? Tu trouves ça plus simple ? Moi je trouve ça stupide surtout. On sait pas ce qui nous attend de l’autre côté. Si ça se trouve, c’est pire. Si ça se trouve, tu auras encore plus mal là-bas.

J’ai peur. Je suis mort de trouille. Tout ce que j’ai appris pendant trois ans en Allemagne, en Russie, j’ai tout oublié, je ne contrôle plus rien. Je regrette tout. Ma rencontre avec lui, ma rencontre avec Andersen qui m’a obligé à passer à l’infirmerie, mon passage à l’infirmerie où j’ai revu Lyria, mon affront envers elle qui l’a mené à déchiqueter mon gant. Je voudrais avoir un don plus utile, moins dangereux, celui de remonter le temps, comme ça je m’y prendrais autrement. Peut-être que j’achèterai un gant avant de rentrer dans cette salle. Peut-être que je le traînerai par la peau des fesses jusqu’à l’infirmerie. Je sais pas trop, mais je ferais mieux que ça. Et puis il libère mon bras, je pousse un soupire de soulagement à peine camouflé et me masse le poignet. Il l’a sûrement tordu, mais franchement je m’en fiche. On réglera ça plus tard.
C’est vrai, je ne suis pas capable de le tuer : qui le serait ? Je ne sais même pas comment il ose me demander ça. Ça me rend fou de rage. Je n’ai pas le courage de le tuer, ça non. Mais j’en ai assez pour le secouer. Enfin je crois. Enfin j’espère. De toutes manières, maintenant je n’ai rien à perdre. Il ne veut plus de moi, il me déteste, il me hait, ses yeux veulent tout dire : je le dégoûte. Alors ça ne changera rien si je fais ça.

La claque part, forte, douloureuse. Tu le plaques à nouveau contre le mur, tremblant de colère, furieux à l’idée qu’il ne pense qu’une seule seconde à se priver de vivre. Tu espères que ta gifle ne laissera pas de marque sur un si beau visage, mais sur son âme si. Tu veux qu’il s’en rappelle de celle-là, qu’elle lui serve à retrouver un peu de sa raison. Tu le dévisages, et à quelques centimètres de sa figure, tu t’époumones fiévreusement :

« Dis pas n’importe quoi ! Comme si ça allait régler tous tes problèmes ! Tu n’as peut-être pas besoin de moi, mais tu as besoin de quelqu’un ! Secoue-toi, Nikolaï ! Réveille-toi, bordel ! »


Tu boues à l’intérieur, c’est trop pour toi : un monde sans Nikolaï, ça ne sert plus à grand chose, ça n’a plus vraiment de sens à tes yeux. Même si tu le mets hors de lui, même s’il ne veut plus jamais te voir, tu voudrais faire quelque chose pour lui, qu’il sorte de cet enfer qui le dévore à petit feu, qu’il vive.
Tu le lâches, tu t’écartes de lui, tu le laisses respirer. Tu n’as plus envie de le consoler, tu veux juste qu’il revienne à la raison. Craignant qu’il t’empoigne une fois de plus le bras gauche, tu t’isoles, passe la baie vitrée et sors dans le jardin. Tu ne sais pas si ça marchera, en fait tu ne l’as jamais fait, mais si ça marche pour le courant en général, ça doit fonctionner pour ta main aussi non ? Tu plantes tes doigts dans la terre, vérifies que personne ne se balade dans les dix mètres environnants, et décharge toute ton électricité dans le sol. Tes lèvres saignent à force de les mordre, tu trembles de douleur et quand tout est sorti, tu retires ta main. Tu t’essuies sur ton jean, et retournes aux côtés de Nikolaï. Pas trop près, pas trop loin. Tu n’ajoutes rien du tout, tu attends qu’il se décide à te casser la gueule parce que tu l’agaces trop, mais c’est pas grave, du moment que ça le défoule.
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Mer 18 Juil - 20:11

Comme je le pensais, il n'était pas capable de m'enlever la vie, là, maintenant. Il n'était pas capable de presser sa main contre mon torse, et de décharger ses milliers de volts contre moi. Peut être n'en avait-il pas envie ? Je crois bien que personne ne veut avoir un mort sur la conscience. Alors jusqu'au bout, même jusqu'à la mort, il fallait que je me fasse une raison : je resterai inexorablement seul. Sans issue ni recours. Je devrais toujours faire face. Je devrais toujours poser un genou à terre, et me relever. En laissant sécher mes larmes. Je le regarde, Clyde. Et la colère bouillonne à petit feu en moi. C'est quoi son problème, à ce gars là ? On a passé une seule soirée ensemble. Une seule. Bien étrange de surcroit. Alors pourquoi suis-je si précieux à ses yeux ? Qu'est ce que mon existence lui apporte au fond ? Moi, ce concentré de soucis et de tristesse. Que puis-je faire pour un garçon comme lui ? On n'est pas du même monde. On ne se ressemble en rien. On est à des années lumières l'un de l'autre, et pourtant, il s'efforce de réduire la distance qui nous sépare. Il tente désespérément de s'approcher de moi. Je ne lui ai rien offert. Je ne lui ai rien apporté. Alors j'aimerais juste savoir pourquoi.

Et comme un geste trop brusque qui vient briser la délicatesse et la subtilité de la lumière ambiante qui nous traversent et nous englobent, la main de Clyde s'abat sur mon visage dans un fracas glaciale. Mon visage est emporté, et ma tête tourne d'un quart de tour, tandis que mon regard continue de le suivre, en coin, avec toute la méchanceté de mon être. Puis il me repousse de nouveau contre le mur, me plaque violemment. Mais à quoi joue-t-il au juste ? Il veut que je lui casse la gueule, ou quoi ?! Mes membres subissent encore l'assaut des tremblements, tandis que les maux de tête me détruisent complètement de l'intérieur et m'empêche de réfléchir. Je le fixe dans les yeux, tandis qu'il s’époumone à quelques centimètres de mon visage. Je soutiens son regard. Je ne baisserais pas les yeux face à Clyde. Impossible. Je ravale ma salive, et dans un douloureux arrachement, je me confesse d'une voix basse et larmoyante.

    « Je peux pas toujours me battre, Clyde ... »


Il me relâche, je le regarde s'éloigner, et je n'arrive pas à envisager un seul mouvement. Je reste immobile, comme un imbécile, au milieu de la salle. Je fixe le vide, et je me dis que ça restera toujours aussi beau pour toi, cet endroit. Mes jambes aimeraient flancher, mais je m'oblige à rester debout. Je passe une main dans mes cheveux, serre légèrement mon crâne endolori par les céphalés. Et intérieurement, j'implore tout ce que je peux. Pour faire cesser la douleur. Pour faire cesser les cris et les pleures. Pour faire cesser les manques qui me dévorent quotidiennement. J'implorerais n'importe quoi, tant que ça peut m'aider à tout arrête. Pris dans ce cercle vicieux, je n'arrive plus à sortir la tête de l'eau. Et je reste en apnée, à suffoquer la plupart du temps, et je sentirais presque l'eau pénétrer mes poumons. Je meurs un petit peu, à chaque fois. Toujours un peu plus. C'est un travail d'usure.

Je ne fais même pas attention à ce que fait Clyde. J'ai juste remarqué qu'il s'était éloigné. Pendant un instant, j'ai même cru qu'il allait me laisser seul, enfin. Que j'allais pouvoir enfin me reposer, peut être respirer un coup. Mais c'était sans compter sur la ténacité légendaire du jeune homme. Il se tenait devant moi. C'était comme un défi. J'avais l'impression qu'il me narguait. Se sentait-il supérieur ? Était il fier de lui ? Certainement. Il était stoïque face à ma colère, et moi je suis le roi déchu. Faible et impuissant. Un roi dépossédé, sans couronne. J'ai joué, j'ai lutté et j'ai perdu. Et dans un élan de rage, je m'approche de lui, avec un pas qui traduit mon exaspération. Et dans un regard plein de colère, je lève mon poing et l'abat violemment sur sa joue. Immédiatemment, je saisis son visage entre mes doigts, ses joues pressées. Je le regarde, et je comprends que je n'aurais pas dû le frapper. Que c'était une erreur. Mon regard de colère change, petit à petit, et retranscrit ma peine. Car au moment où mon poing s'est abattu sur son visage, j'ai blessé mon propre cœur. Je reste à le regarder, choqué par mon propre comportement. Et je relâche rapidement son visage, comme si je venais véritablement de réaliser l'ampleur de mon geste.

    « Tu ferais mieux de partir maintenant. Je crois que j'ai besoin d'être un peu seul maintenant ... »


Je recule d'un pas, tout en fixant Clyde. Je ne savais pas quoi, ni quoi faire. Devais-je crier ? Non, j'en étais incapable à présent. Courir alors ? Impossible. Mes jambes avaient déjà beaucoup de mal à soutenir mon corps en restant debout. Alors je restais immobile. Mes bras fermés autour de moi, le visage fatigué et blessé. Le regard perdu quelque part dans la lumière, dirigé vers le bas. Je crois que c'est terminé.


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Ven 20 Juil - 14:17

Le pire dans l’histoire, c’est que tu avais aimé ça. Tu avais aimé te prendre le poing de Nikolaï dans la gueule. S’il s’était un peu plus attardé sur ton visage, il l’aurait sûrement vu : les commissures de tes lèvres qui s’étirent, un minuscule sourire triste à mourir qui se dessine. Il t’avait touché, il t’avait enfin touché. En te brisant à moitié la mâchoire peut-être, mais c’était sa main quand même, et c’était ton visage malgré tout. Ridicule, risible, toi, ta lèvre fendue, ton hématome bleu et ton sourire de con. Tu ne savais pas qu’on pouvait tomber si bas, tu ne savais pas qu’un jour, tu serais heureux de te faire frapper par quelqu’un, juste pour en sentir le toucher un instant.
Tu t’étais cru un peu trop important, du moins assez pour que ta gifle le réveille et le retransforme, en une microseconde, en le Nikolaï que tu avais rencontré. Mais tu réalisais petit à petit qu’elle n’avait fait qu’accroître la distance entre vous, si tant est qu’il y ait eu quelque chose à ses yeux. Tu n’avais rien fait d’autre que lui montrer à quel point tu t’étais trompé sur lui, et à quel point tu ne le comprenais pas. Ce Nikolaï qui avait dormi dans ton lit, tu n’en avais jamais perçu les vraies couleurs, en fait tu lui avais collé l’image du sauveur, du super héros, et tu te l’étais modelé comme ça t’arrangeait. Minable.

Te portant la main au visage, tu frottes ta joue douloureuse sans plus de réaction. Il n’y a plus rien à penser, il n’y a plus rien à faire. Ça n’avait jamais commencé, et pourtant ça se terminait déjà. Il n’a jamais voulu te revoir, et il ne voudra plus jamais te voir. Même pas en coup de vent. Même pas dans un couloir, à la hâte. Nulle part. Ton incapacité à faire quoi que ce soit pour lui était affligeante, désolante, dans cette pièce ce n’était pas de Nikolaï dont on devrait avoir pitié mais de toi. Lui mérite de la compassion, toi tu ne mérites rien, juste qu’on pose quelques regards larmoyants ou moqueurs en se disant « pauvre chose, il ne sait même pas aimer comme il faut. » Tu voulais le consoler ? Tu empires la situation. Tu le sens mal et veux l’aider ? Tu aggraves son cas. Tu fais des pieds et des mains pour qu’il revienne à la raison ? Et tu l’énerves au point de te faire taper dessus. Mais c’est bien fait pour toi. Tu l’as cherché.

Du début à la fin, tu n’as fait que l’agacer, lui prendre du temps pour rien, et le mettre mal à l’aise. On ne change pas les bonnes habitudes, et c’est pourquoi lorsqu’il te demande de sortir, tu te contentes de te laisser glisser le long de la baie vitrée et de t’asseoir le dos contre la vitre. Tête baissée, pas bien fier de toi, les yeux fixés sur tes genoux. S’il y a bien une règle à laquelle tu ne déroges pas, c’est bien celle-là : on n’abandonne pas, on se laisse abandonner. C’est mieux, ça nous confère au moins le statut de victime et l’assurance de paraître moins odieux aux yeux du reste du monde. Même pour Nikolaï, tu ne changerais pas ta ténacité stupide que tu préférais qualifier d’entêtement à ne pas vouloir le laisser seul. Mais au fond, la raison pour laquelle tes fesses ne se décollaient pas de ses foutus carreaux, c’était juste pour que ce ne soit pas toi, le méchant de l’histoire. Celui qui tourne les talons pour laisser l’autre tout seul.
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Nikolai L. Valdick
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Sam 21 Juil - 20:54

Il y a beaucoup de choses que j'ai regretté dans ma vie. Je commence à m'habituer aux remords et aux regrets qui me dévorent au quotidien. Je regrette de ne pas avoir été un meilleur fils pour mes parents, afin de leur prouver qu'ils ont eu tort de se comporter comme ça avec moi. Je regrette d'être tombé dans l'enfer de la drogue et de l'alcool, prisonnier du monde de la nuit, comme maudit. Je regrette de l'avoir laissé partir, de ne pas avoir pu le retenir auprès de moi. Je regrette de ne pas avoir pu aider Cassandre quand elle en avait besoin. Je regrette d'avoir blessé Aniela, alors qu'elle est adorable. Et finalement, je regrette d'être le plus incroyable des connards avec Clyde. Au fond, je crois qu'il ne mérite pas ça. Il ne mérite pas d'être traité comme un jouet. Mais que pouvais-je faire de plus à présent ? Me voilà à présent, immobile, tremblant de tout mon corps. Et j'ai envie de chialer, mais je reste stoïque. Comme pétrifié. Et je n'arrive plus à me reconnaitre. Je ne reconnais pas ce garçon fou que je deviens. Un garçon violent et indifférent.

La relation que j'entretiens avec Clyde est aussi étrange qu'inexplicable. Quand on s'est rencontré, le moment était hors du commun. Lui, il me suivait, semblait trouver de l'intérêt en moi. Et moi, je voyais en lui un drôle de gars, mais pas méchant dans le fond. Un mec brisé, tout comme moi, qui avait juste besoin d'un peu de tendresse. Qu'est-ce que j'ai fais ? Je lui en ai offert. Je lui ai donné ce qu'il voulait, pour soulager son esprit tourmenté. Je croyais que ça lui rendrait service. Que ça pourrait lui remonter le moral un petit peu. Mais Clyde en voulait plus. Il voulait me revoir, il voulait qu'on aille plus loin dans cette relation naissante. Mais moi je ne pouvais pas lui offrir ce que je n'avais pas. Je ne pouvais pas lui faire don de mon amour. Pas tant qu'Aurelian continue de hanter perpétuellement mes pensées. C'était absolument impossible d'envisager autre chose. Mais je l'apprécie, je l'aime bien. Je ne veux pas le faire souffrir. Alors pourquoi je me comporte comme ça avec lui ?

    « Tu n'aurais jamais dû venir ... »


Il ne voulait pas partir. Était-ce encore un défi à mon encontre ? Non, c'en était assez. Il fallait que l'un de nous fasse sa révérence et s'en aille. Je ne voulais pas m'en aller. Cela semblait légitime qu'il me laisse tranquille. Je me sentais bien ici, avant qu'il n'arrive. La lumière étincelante ne me paraît plus aussi jolie à présent. Les halos semblent avoir perdu de leur magie. Tout a perdu de son charme. Même ce que tu avais vécu avec Clyde avait perdu de son charme. Il ne reste qu'un champ de ruines désormais. Et nous sommes les deux malheureux survivants de cette tragédie. Et il faut qu'il y en ait un qui disparaît. Je ne voulais pas que ce soit moi, par fierté. Mais Clyde ne me laissait pas le choix, il restait aussi têtu et entêté. Je sais ce qu'il veut, je l'ai bien compris : il veut que je sois le méchant de cette histoire. Celui qui frappe ses pauvres prétendants. Celui qui fait mal aux plus faibles. Je sais ce qu'il veut, mais je m'en fiche. Je me fiche de ce qu'on peut dire de moi. Si ils veulent que je sois le méchant, je deviendrais le méchant. J'en ai marre de me battre contre le monde à présent.

Je commence à tourner les talons vers l'entrée de la salle de bal, et je jette un dernier regard assassin à Clyde. Je n'arrive pas à dire si je vais lui en vouloir ou pas. Mais en attendant, je n'arrive pas à calmer ma colère que j'éprouve pour lui. Je regrette de l'avoir frappé, vraiment. Mais pour moi, il est le seul fautif de ma colère. Je lui avais dis de s'en aller, et il n'en a fait qu'à sa tête, comme à son habitude. Il a voulu me défier, et je l'ai juste détruit. Je l'ai réduit. Je commence à sortir, d'un pas lent, le coeur blessé et consumé. Je crois que c'est moi finalement qui quittera les ruines de nos souvenirs passés. J'abandonne. Je passe de l'ombre à la lumière. Dans mon dos, je ressens encore la chaleur de la lumière. Pourtant, dans mon cœur, je ne ressens que le froid.

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