May Bastide
Messages : 159 Date d'inscription : 06/07/2012
| Sam 25 Mai - 15:59 | |
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Battez vous
Un eastpack déchiré sur le dos, d’un poids tellement léger qu’on vérifie par deux fois si on ne l’a pas oublié. Des manches courtes sur des épaules noires comme celles des Maghrébines, d’avoir sécher trop de cours de physique chimie à se prélasser dans l’herbe. Une main en visière, l’autre coincée dans la poche d’un short troué pour affronter le beau mois de mai et son soleil resplendissant. Tu poses un pieds dehors et l’été t’agresse à coups d’ultraviolets dévastateurs, de cancers de la peau imminents, de chants d’oiseaux suraigus et de pollens en lévitation. L’éclat du reste du monde t’arrache un sourire un peu forcé, toi qui rechigne à vivre le lundi, à huit heures du matin, dans un autre endroit qu’au fond de ton lit, accompagné d’un gigantesque bol de céréales. À ton réveil, tu lui ferais bien la peau s’il en avait une ; à ton emploi du temps, tu lui ferais bien bouffer ton oreiller s’il avait une bouche. Mais cette haine démesurée fond peu à peu à la chaleur du soleil, doucement emportée par l’odeur singulière des vacances en approche. Celle qu’on se délecte de sentir aux premiers bermudas dans les couloirs, au déclenchement de la climatisation dans les salles de classe et à l’apparition de coquelicots aux bords de la grille de Clever Cross. Tu jettes un coup d’œil à ton portable : aucun message. Tu te mets à râler seule à voix haute, en t’exclamant que ça ne sert à rien d’avoir un mec s’il n’est même pas foutu de t’envoyer un texto de « bonne journée » le matin, tandis que quelques élèves te dévisagent en pensant très fort que tu dois te battre avec tes problèmes mentaux. Tu soupires, grognes un « faut tout faire soi-même… », tapes un maladroit « Bonne journée, pauv’ mec. » et ravales ta niaiserie en envoyant valser une caillasse du bout de ta converse mutilée. Un coup d’œil désintéressé à l’emploi du temps baveux griffonné au feutre sur le dos de ta main, car non, au bout d’un an, tu n’as toujours pas daigné apprendre par cœur les salles où t’attendent tes professeurs, et te voilà geignant de plus belle.
Aujourd’hui c’est maths. Maths. MAAATHS. Rien que de sortir le compas de ta trousse te donne un haut-le-cœur et ça fait longtemps que l’angle droit en plastique de ton équerre a été mâchonné par tes canines enragées devant un problème de géométrie un peu trop complexe pour ta petite tête. Ta trajectoire change, sûrement modelée par ton aversion pour l’algèbre, et dévie jusqu’à te faire quitter les chemins de gravier sans même que tu n’y prêtes plus d’attention que ça. Tu t’entraves dans l’herbe à cause de tes lacets défaits, t’égratignes le genou que tu colores de chlorophylle et exploses de colère contre le reste du monde : on est lundi matin, ça fait juste chier. Tu arraches la malheureuse et fautive chaussure en manquant d’emporter ta cheville au passage et de finir ta vie avec un trognon à la place du pied, comme les poupées que tu trouvais si laides dans les magasins, et que ta mère espérait très fort que tu réclames pour se rassurer de te voir aimer des choses de fille. Et avec rage, balances, les yeux fermées la converse dans une direction hasardeuse. De toutes manières, combien y a-t-il de chances qu’elle se retrouve au milieu de la figure de quelqu’un ?
De toutes évidences, assez pour que ça t’arrive à toi. Un « Bonk » un peu bizarre pour une chaussure qui devait atterrir dans l’herbe, tu te retournes, et. Oh misère. Opale. Ta chaussure. Sa tête. FUSION. Et tu te demandes si tu devras payer les potentiels points pour son arcade sourcilière à recoudre.
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