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 "The Unforgettable Fire" - [Gabriel]

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Clyde Jaggerjack
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Faithbee


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Jeu 22 Mar - 14:46

Un Dimanche, à Virtus Insania.

Etre suivi par un mexicain bavard s'était mué en quelque chose de normal. Tu t'étais habitué à ton nouveau fond sonore, essentiellement composé de la voix enjouée de Tino, qui racontait sa vie H24. Du matin où il t'attendait, adossé contre le mur, devant ton dortoir, au soir, où il t'accompagnait jusqu'à ta chambre : tu n'étais jamais seul. Ses paroles bourdonnaient sans cesse à tes oreilles, sans aucune trève, mais ça t'importait peu, ça te faisait peut être plaisir au fond, même si tu refusais catégoriquement de te l'avouer, comme si un sourire à l'égard de Tino aurait fait tombé le rideau sur toutes tes faiblesses. Tu l'autorisait timidement à te suivre n'importe où, en le laissant t'apprivoiser et te traîner dans tous ses plans fouareux. Ca ne te dérangeait pas, c'était plutôt agréable d'être accompagné de quelqu'un de constamment heureux, qui ne décole jamais de sa face, un sourire radieux et béat.

Alors aujourd'hui, alors qu'il gardait le lit pour profiter des quelques heures de sommeil supplémentaires accordées les dimanches, une sensation toute drôle te bouleversa quand tu entras dans la Grande Salle : la solitude.
Tous les élèves dormaient encore, même les tableaux ronflaient encore, et il n'y avait personne pour emplir de brouhaha la Grande Salle vide et muette. Seuls quelques membres du personnel, se hâtaient en cuisine et installaient activement les mets qui seraient servis à la cafétaria dans maintenant... Dix minutes ! L'avantage de se réveiller plus tôt un dimanche matin, c'est que l'on peut manger ce que l'on veut au petit déjeuner ! Les goinfres roupillent encore sous leurs draps tièdes et les autres élèves s'attardent dans leurs lits en tentant désespérément de se remettre d'une semaine éreintante, dont Virtus a le secret.
Clyde jette un coup d'oeil dans chaque coin de la Grande Salle... Personne. Quelle chance ! En plus de prendre ce que tu veux, tu seras en paix pour au moins une heure ! Et c'est presque en chantonnant que tu t'avances vers la seule et unique tablette de Chocolat, sûrement vestige du dimanche dernier. Tu en baves. Ca fait des mois que ta langue n'a eu de contact avec quoi que ce soit de sucré, et ce manque s'avère tout aussi frustrant que celui provoqué par tes cigarettes. C'est clair. Cette tablette tombée du ciel, juste devant tes yeux va égayer ta journée, pour sûr ! Pour sûr ! Pour...

Tout à coup, quelque chose roule sur ton pieds :

«....Nngh ! »

Clyde se mordit les lèvres pour étouffer un cri déchirant. Si certains de ses os ne s'étaient pas brisés sous le poids de la machine mobile, il pouvait s'estimer heureux. Une autre main empoigna la tablette tant convoitée, la déposa sur une paire de genoux et manipula habilement un joy-stick miniature, finissant d'écraser Clyde en faisant reculer sa chaise.
Clyde frissona d'horreur. De sa vie, il n'avait jamais connu qu'une seule personne d'assez dérangée et immature pour voler une friandise, qu'une seule d'assez cruelle et colérique pour écraser quiconque se trouvait sur son chemin. Cette personne, c'était....
Comme il l'avait prévu, quand Clyde se retourna, c'était bel et bien Gabriel de Saint-Andrez qui croquait dans le cacao, écroulé dans sa chaise roulante, et fier comme un roi d'avoir obtenu si facilement ce qu'il voulait. Décontenancé, terrorisé, Clyde ne put même esquisser un mouvement pour s'enfuir. Clyde cotoyait Camille, c'était une raison suffisante pour se faire tabasser. Et il était si effrayé, qu'il ne remarquait même pas que ce Prince si orgueilleux autrefois était maintenant cloué dans son fauteuil, prisonnier d'un corps qui ne le portait plus. Il n'avait rien à craindre physiquement, mais même sans ses poingts, les mots de Gabriel avait cette capacité extraordinaire de vous démolir en moins de quelques secondes.

Que vas-tu faire Clyde ? Rester planté là en attendant qu'il te martyrise ? Tu devrais prendre tes jambes à ton coup, avant de te faire démonter comme autrefois, à Synchronycity. Quoique même si tu le voulais, ton pieds te fait tellement mal, que tu parviens difficilement à retenir tes hurlements de douleur. Alors marcher avec ça.... quelle blague. Oui quelle blague... Et qu'est ce qu'il faisait là lui ? Pourquoi parmi ces centaines d'élèves, fallait il que ce soit lui sur lequel tu tombes ?
Dommage, ce Dimanche matin s'annonçait plutôt bien...
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Gabriel de St-Andrez
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Sam 24 Mar - 22:34

Depuis maintenant presque quatre mois que les synchronicitiens avaient été transférés à Virtus Insania, une certaine routine s’était installée, une routine à laquelle Gabriel, bon gré mal gré, avait fini par s’habituer. Même ce fauteuil dans lequel il était cloué, il s’y habituait. Oh, non pas à la fêlure dans son orgueil qui s’agrandissait à chaque regard empli de pitié qui se posait sur lui, mais plutôt au maniement de l’engin, récalcitrant au début, mais qu’il maîtrisait de mieux en mieux. Les séances de kiné tous les matins, pendant que les autres se voyaient imposer un interminable entraînement sportif, la présence de l’Autre, plus souvent qu’avant, parce que c’était là la nouvelle règle de leur jeu, parce qu’ils innovaient, parce que leur haine, sans cesse en évolution, avait décrété que désormais, pour la satisfaire, il faudrait que Gabriel ait sans cesse l’Autre sous la main, pour mieux le rabaisser, pour mieux lancer ces joutes verbales dont aucun ne se lassait jamais vraiment. Jusqu’à ce que l’un ou l’autre ne supporte plus la proximité et craque, s’éloigne. Pour revenir ensuite, parce que c’était un détestable jeu dont ils ne pouvaient se passer. Surtout, surtout, faire souffrir l’autre le plus possible, parce que quelle que soit la raison, il y en avait toujours une. Et d’autres habitudes encore, qui s’installent sans qu’on ne les remarque forcément, discrètes, indécelables, mais pourtant bien présentes.

Mais parmi ce foisonnement de routines, il était un jour qui y échappait encore, un jour, où ses activités changeaient chaque semaine. Tout simplement parce que le dimanche, le seul réveil qui venait troubler son sommeil était son horloge interne, parce que le dimanche, son rendez-vous quotidien était quelque peu repoussé pour lui permettre un repos un peu plus long. Et que tout le reste de la journée se déroulait de manière aléatoire, loin des rigides cadres imposés par l’école allemande. En général, il en profitait pour s’autoriser une grasse matinée jusqu’à l’heure maximale autorisée, grasse matinée d’autant plus appréciée qu’il savait que l’Autre ne pouvait pas en profiter autant que tous les autres élèves puisque son traitement exigeait de lui des prises régulières. Douce saveur de la certitude qu’il possédait un énième autre privilège de plus que lui. Sauf qu’en général ne signifiait pas sans exception, et qu’il lui arrivait parfois de se réveiller en sursaut, croyant ressentir une atroce douleur dans ses jambes pourtant privées de toute sensation et de tout mouvement depuis presque quatre mois maintenant. Douleurs fantômes, disaient les médecins interrogés à ce sujet, son cerveau cessait parfois de gérer cette absence par la raison, et y créait un ersatz de sens du toucher, sans doser, ce qui aboutissait bien souvent à ce genre d’incident, dont le spectre mettait parfois plusieurs heures avant de réellement s’effacer.
Et ce matin-là avait été de ceux-là. Être tiré du sommeil à 7h27 alors qu’il aurait pu dormir plus longtemps par des douleurs qui, en plus d’être, comme leur nom l’indiquait, douloureuses, donnaient à chaque fois à Gabriel le faux espoir que, peut-être, les connexions nerveuses étaient revenues, n’était pas le genre de chose qui le mettait de bonne humeur dès le matin. D’autant plus qu’il lui était en général parfaitement impossible de se rendormir après cela, si bien qu’il finit par sortir de son lit, se hissant dans son fauteuil à la force des bras suivant des gestes maintes fois répétés depuis qu’il avait refusé de devoir être assisté dès le réveil. Une fois levé, si l’on pouvait réellement parler ainsi, il hésita quelques instants quant à la direction à prendre. D’un côté, il se doutait que le petit-déjeuner ne devait pas encore être servi dans la grande salle, et se refusait à attendre au milieu des membres du personnel que tout soit prêt, mais, de l’autre, son estomac lui rappelait que le repas de la veille au soir n’avait été ni particulièrement copieux ni particulièrement ragoûtant, si bien que Sa Grandeur, habitué à des mets plus délicats, en avait laissé une bonne moitié dans son assiette. Alors il prendrait la direction de la grande salle. Et si tout n’était pas prêt, eh bien tant pis, les membres du personnel aurait à s’occuper de lui de manière personnelle, après tout, son rang n’en exigeait pas moins. Il faisait tout de même partie de la noblesse française, s’il était encore besoin de le rappeler !

Et lorsqu’il franchit la porte, en effet, la pièce était parcourue par un ballet d’uniformes en train de déposer jus, morceaux de pains, plaquettes de beurre et autres cafetières sur la table de buffet qui trônait au milieu de la salle. Et là, sur cette table, totalement incongrue dans cette école aux coutumes si austères, une tablette de chocolat. Il reconnaissait l’emballage, du chocolat noir, pas de la meilleure qualité. Mais cela restait du chocolat. Le péché mignon de Gabriel, une de ses seules faiblesses. Et quelqu’un qui s’en approchait, tendait la main pour s’en saisir. Et là, il ne put résister. Une petite mesquinerie, pour passer l’humeur exécrable dans laquelle le mettaient l’heure de son réveil et ses raisons. Une petite envie de réaffirmer sa supériorité, de redorer son ego qui n’en finissait pas de souffrir. Il poussa le joystick, slaloma entre les tables, attrape le rectangle de cacao à l’instant précis où les doigts de l’autre allaient se refermer dessus. Les deux passages sur un pied étranger, à l’aller et au retour, ne provoquèrent même pas un haussement de sourcil chez lui, pas plus que le gémissement qu’ils déclenchèrent. Il attendit d’avoir retiré l’emballage et croqué à même la tablette avant de daigner relever la tête et observer celui qu’il venait de priver de ses capacités de déplacement pour la journée.

Tiens donc. Clyde Jaggerjack, ancien synchronicitien. Quelque part, loin au fond de Gabriel, une pointe de soulagement perça, comme à chaque fois qu’il découvrait un nouveau survivant qui aurait jusque-là échappé à son attention. Mais bien vite, elle fut submergée par les sentiments qu’avait pu lui inspirer le jeune Faithbee avant l’attentat. Oh, ce n’était pas du mépris, pas vraiment. Pas de la haine non plus, ça, il le réservait à l’Autre. Mais voilà, Clyde faisait partie de ces gens qu’il effrayait sans leur avoir rien fait. Ou plutôt, avant de leur avoir fait quoi que ce soit. Puisqu’il se débrouillait en général pour justifier ces craintes, ce qui avait été fait d’autant plus facilement pour Clyde que celui-ci semblait s’être mis en tête de fréquenter Camille. Alors un sourire sardonique étira son visage, tandis qu’il s’installait plus confortablement dans son fauteuil.

    - Oh, je t’ai fait mal ? Quel dommage…


Une voix mielleuse, sans aucune sincérité, le genre de voix qu’il avait utilisé à n’en plus finir avant, quand tout le monde le craignait et le respectait, quand on ne le regardait pas de haut. Mais quelque chose, au fond des yeux de Clyde, lui disait qu’avec lui, il allait pouvoir retrouver de sa superbe. Et puis si ça lui permettait de passer sa mauvaise humeur…
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Clyde Jaggerjack
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Dim 25 Mar - 17:29

Si Clyde remplirait un « ATM », on pourrait lire dans « Problème » : "Face à Face avec un tyran, le doux nommé Gabriel de St Andrez", et dans « Solution possible » : "S’enfuir en courant". Mais le serpent avait frappé fort, et par derrière, et même prendre ses jambes à son cou ne proposait pas une résolution rapide de la situation, vu qu’il avait pris soin de briser celles de Clyde, avant d’attaquer la partie « torture verbale ». De constitution presque plus fragile qu’une fillette, il n’était pas étonnant que le trône du roi Gabriel de St Andrez ait cassé quelques uns de ses os. La douleur lui donnait envie de vomir, sa tête tournait, mais il ne fallait pas tomber dans les pommes, oh non, surtout pas : si tu t’écroulais par terre, il risquait de te rouler dessus et finir de te briser, plus tard il prétendrait avec un sourire détaché qu’il ne t’avait pas remarqué puis il ricanerait en ajoutant que, de toute façon, Clyde n’avait rien à faire par terre, et donc, ce n’était pas de ta faute.

Pour le moment, tu t’évertuais à contenir tes hurlements de souffrance, en suffocant intérieurement, craignant de voir arriver la suite. Car oui, il y avait toujours une suite. C’était bien trop bas, venant d’une personne du rang de Gabriel de St Andrez, de ne s’arrêter qu’après une simple violence physique. N’importe quel grouillot était apte à se battre, ceux qui se contentaient de se frapper au visage, de mettre un coup de genou dans l’estomac, de tordre un poignet n’étaient encore que des novices de la méchanceté face à Gabriel de St Andrez. Vous avez remarqué n’est-ce pas ? Même dans ses pensées, Clyde n’osait pas détacher le nom du prénom du monarque. Admiration démesurée ? Terreur écrasante ? Ou simple paranoïa excessive ? On ne sait jamais, et si son don permettait de lire dans les pensées ? Clyde n’avait jamais eu l’occasion de voir Gabriel user de son pouvoir, et Jean-Camille évitait le sujet habilement dès qu’il s’aventurait sur le terrain de leur relation. Jean-Camille et Gabriel de St Andrez : Clyde savait que quelque chose d’étrange se tramait entre eux, mais honnêtement, il avait une peur bleue de découvrir ce que c’était.

Ah, ça y est, le Seigneur usait de l’ironie, un maître dans la matière. Ses excuses sonnaient tellement faux que c’en était encore plus blessant : exactement ce qu’il cherchait. Comme une fleur qui attend que la tempête passe, Clyde courba l’échine et murmura :

« C’est…pas grave. »

Elle avait été dure à cracher cette phrase ? Allez, barre-toi, Gabriel de St Andrez, qu’il puisse enfin traîner son pauvre squelette à l’infirmerie. Tu es vraiment impitoyable, un jour tu le regretteras. Même si Clyde n’est pas du genre à en vouloir aux autres, tu finiras forcément par culpabiliser, pour tout le malheur que tu nous as causé, toi et tes railleries sadiques. Tu payeras pour tout ça.

Mais pas aujourd’hui apparemment.
Clyde se retenait difficilement de tomber, le bras droit tendu sur la table soutenant tout son corps. Comme pour se donner un air, il attrapa une pomme, et entreprit de se déplacer jusqu’à une chaise. S’il parvenait à s’asseoir, il pourrait attendre que Tino vienne le chercher, et l’emmène à l’infirmerie. Le pire du pire, c’est que Clyde se savait incapable de faire plus de trois mètres sans finir à quatre pattes et que la place la plus proche se situait… juste à côté de Gabriel de St Andrez. Pas le moment de tergiverser, s’il fallait s’assoir près du Tyran pour éviter de broyer son restant de pieds, Clyde le fera. Il tituba péniblement jusqu’au siège et s’y laissa tomber lourdement.
Ce sera beaucoup plus supportable physiquement. Au niveau du mental… Eh bien bonne chance, Clyde.
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Dim 22 Avr - 21:08

Allons bon. Voilà que maintenant le pauvre petit Clyde s’asseyait à côté de lui. C’en était presque risible, on aurait dit qu’il en redemandait. Comme s’il ne savait pas pertinemment que s’il restait là, Gabriel allait se faire un plaisir de passer ses nerfs sur lui. Il aurait pourtant dû y être habitué, cela se passait toujours comme ça, avant. Avant, quand le blond pouvait dominer de toute sa superbe le chétif adolescent. Un avant où il aurait bien voulu retourner, un avant qui le poussait à avoir envie de recommencer, juste comme ça, tant que l’Autre n’était pas encore levé et qu’il ne pouvait donc pas se passer les nerfs sur lui –encore que l’idée d’aller le réveiller l’eut effleuré, mais il l’avait vite rejetée, c’était encore trop bas, indigne de lui et de ce que l’Autre méritait. Les possibilités étaient infinies, Clyde s’était avéré avant l’attentat une victime des plus faciles, et il semblait n’avoir pas changé d’un pouce sur ce point-là. Alors quoi ? Il lui avait suffi de quelques mots, associé au poids pas si léger de son fauteuil, pour que le jeune homme commence déjà à se ratatiner. Le finir complètement ne devrait même pas prendre cinq minutes, une ou deux répliques acerbes devraient largement faire l’affaire. En fait, quand il y réfléchissait, cela n’en valait presque même pas le coup. C’était vrai, après tout. À quoi bon prendre la peine de rabaisser quelqu’un qui se mettait presque à ramper dès qu’il vous voyait ? Un autre jour, oui, pourquoi pas. Mais ce matin, l’heure matinale se faisait ressentir, et Gabriel avait la flemme, tout simplement. Pas qu’être désagréable lui demandât un grand effort, non. Ça, ça lui était tout naturel, surtout en présence de personnes qui l’agaçaient, un groupe dont Clyde avait fait partie, dont il avait même été un membre assez important, avec sa peur qui transpirait et ses tentatives de se rapprocher de l’Autre. D’ailleurs, à une époque, il aurait suffi qu’il apparaisse derrière lui et chuchote ‘‘bouh’’ au creux de l’oreille de l’écossais pour que celui-ci s’enfuit en courant, aucun doute. Mais ce matin, non, vraiment, ça ne lui disait rien. Alors plutôt que de laisser échapper l’une des dizaines de piques qui lui avaient traversé l’esprit, il s’appuya plus confortablement contre le dossier de son fauteuil, et croqua de nouveau dans la tablette, tout en observant son voisin qui massait un pied visiblement plus que douloureux, à en juger par la teinte étrangement pâle de son visage et la grimace qui le défigurait.

    - Allons bon, ça fait si mal que ça ? Il t’en faut pas beaucoup…


Ce n’était pas de l’inquiétude, pas vraiment, pas même ce qui aurait pu s’en rapprocher chez lui. Non, juste une interrogation, dans laquelle il avait placé juste ce qu’il fallait de mépris pour que Clyde ne s’illusionne pas, s’il avait décidé de ne pas l’humilier jusqu’à la moelle aujourd’hui, il ne faudrait pas non plus s’attendre à ce qu’il soit aimable. C’aurait été bien trop lui demander, avec un moins que rien qui plus est. Mais bon. Il n’avait pas non plus utilisé le ton mielleux de tout à l’heure, celui qui suintait l’hypocrisie à plein nez et signifiait le contraire de ce qu’il prononçait. Juste de quoi lui faire comprendre qu’il aurait droit à une pause aujourd’hui. Nouveau craquement, nouvelle morsure dans la tablette. Qui cette fois lui arracha une grimace. Ce qu’il avait pressenti en voyant l’emballage se confirmait décidément plus à chaque bouchée. Ce chocolat, sans être infect, était bien loin de la qualité à laquelle il était habitué. Enfin, de toute façon, il s’y attendait, et ne l’avait prise que pour s’offrir le plaisir de la rafler sous le nez de Clyde. A la tête duquel il la lança d’ailleurs, sans vraiment se soucier de savoir s’il la rattrapait ou non.

    - Allez, prends-la, puisque t’en avais tellement envie. Mais j’te préviens, ya vraiment pas de quoi s’être bousillé un pied…


Pas vraiment un cadeau. Il lui cédait plutôt quelque chose dont il ne voulait plus, mais qu’il aurait pu garder si l’envie d’être réellement ignoble l’avait pris. Mais bon, il n’avait pas vraiment envie de se forcer à finir ce chocolat. Pas vraiment envie de manger ce truc-là jusqu’au bout. Ce n’était donc pas vraiment une grande perte. Et puis il aurait bien le temps de se rattraper niveau désagréabilité ensuite…
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Dim 29 Avr - 15:16

Il avait mal à en crever, mais se mettre à hurler de douleur et s’épancher en larmes aurait été mal venu, voire carrément hors de question. Comme dans les écoles primaires, quand un gamin se mange le croche patte de sa vie et se fracture le poignet en rencontrant le goût du goudron : il serre les dents, se mord les lèvres et rit jaune. Mais il ne perd pas la face, et tire un trait sur les larmes. À la différence qu’ici, Clyde avait jeté sa fierté aux ordures depuis un sacré bail, environ trois ans, en fait, et les répressions de ses cris n’avaient pour but que de dissuader Gabriel de St Andrez de le torturer un peu plus. Il se faisait tout petit dans sa chaise, il tassait son grand squelette contre son dossier, se fondant dans le meuble souhaitant même fusionner avec, en pensant que casser un garçon-chaise paraitrait moins marrant aux yeux du tyran que d’en briser un vrai. Il n’osait même pas porter ses mains à son pied, de peur de découvrir qu’un orteil détaché se baladait joyeusement dans sa chaussure.

Tu entendais Gabriel de St Andrez marmonnait une question à propos de ta douleur, tu y répondais par un « non » de la tête, sans desserrer tes lèvres qui scellait la cage à cris qu’était devenu ta bouche. Tu ne laisserais pas un seul hurlement passer la barrière de tes dents, pas pour qu’il se mette encore à ricaner devant ta faiblesse et t’enfoncer sans pitié, pas aujourd’hui… Tu attendais patiemment de devoir encaisser une ou deux autres railleries et plaisanteries de mauvais goût mais rien ne vint.
Enfin si, la tablette de chocolat en plein dans ta face, qui tomba ensuite sur tes genoux. Complètement sidéré par un geste qu’on aurait pu presque qualifier de « gentil » ou « généreux » de la part du Prince à roulettes, tu en oublias ta douleur et te hâtas de ramasser le cacao. Tu la fixais comme un trésor, et te demandais même si tu n’allais pas la conserver en tant que souvenir mémorable d’une journée incroyable. Certains ont déjà assisté à un concert incroyable de U2, d’autres ont eu la chance de croiser leur star préférée au coin d’une rue, il y en a aussi qui ont gagné au loto et ceux qui s’aperçoivent de la réciprocité de leurs sentiments alors qu’ils ne sont que normaux, et l’être aimé divin. Et bien toi, Clyde, tu pourrais te vanter que tu avais eu la chance de voir Gabriel de St Andrez « donner » quelque chose.

Cet excès de sympathie, ou juste ce manque de méchanceté, t’avait même donné envie de pleurer. Peut être que Gabriel de St Andrez était devenu gentil après l’attentat ? Peut être qu’il s’était repenti de son comportement mauvais ? Peut être que son handicape l’avait changé en un autre homme, quelqu’un de bon ? Tu tournais tes yeux pleins de larmes vers lui, tellement heureux de voir la fin de ta persécution pointer le bout de son nez, et craquais une barre de cacao. Tu baissais la tête, comme un chiot qui se soumet à son maître, et faisais glisser la barre sur la table jusqu’à la laisser sous le nez du prince blond. Tu en oubliais même ta douleur et tes os pliés en quatre dans ta chaussure : pas le temps de penser à ça. Est ce que vous pensez à votre lentille qui vous pique les yeux quand vous sauter en parachute ? Est ce que vous pensez à votre ongle cassé quand il y a un incendie ? Non, bien sûr que non. Et autant qu’une chute libre et une maison en feu, la gentillesse de Gabriel de St Andrez était alarmante et exceptionnelle.

Tu retenais ton souffle en espérant qu’il ne prendrait pas ton geste pour quelque chose d’autre que de la soumission et une marque de respect, parce que c’est le seul lien qui pouvait exister entre vous : une relation soumis dominant, c’est tout. En attendant les réactions royales, tu croquais un morceau de cacao avec entrain, finalement, peut être que cette matinée n’avait pas tant mal commencé que ça. Et si ça se trouve, tu avais fait quelque chose de terrible pour l’agacer et c’était toi qui était en tord. Si ça se trouve, c’était toi, le méchant dans l’histoire, mais tu ne t’en souvenais pas. Alors tu fouillais dans ta mémoire tout les moments partagés avec le prince, si l’on peut appeler ça du partage. Mais il n’y avait rien eu d’autre que du dégout de lui à toi. Peu importe, s’il fallait baiser ses pieds pour qu’il te pardonne et te laisse tranquille, tu le ferais. Lui au moins, il était moins pire que Lyria. Il devait avoir une raison pour te persécuter, contrairement à elle, il te laissait des pauses comme aujourd’hui, contrairement à elle, tu l’admirais pour sa personne, contrairement à elle. Au fond, si Gabriel de St Andrez ne t’avait pas catalogué dans son groupe de victimes préférées, tu aurais pu l’admirer tout seul dans ton coin et peut être même lui être utile. Mais la vie est drôle parfois, et pour X raison, Gabriel de St Andrez qui autrefois t’aurais écrabouillé comme un insecte, t’offre quelques secondes de répit.
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Dim 13 Mai - 20:10

Là, on devait vraiment toucher le fond. Voir peut-être même commencer à creuser. Il n’y avait pas vraiment d’autre solution possible, ou alors Gabriel n’osait même pas y songer. Pour une fois qu’il décidait de se montrer, si ce n’était agréable, au moins moins infect que d’habitude, il fallait qu’on lui réponde par un comportement si ridicule qu’il en devenait presque risible. Mais qu’est-ce que c’était que ce regard de chien battu et cette offrande quasi-religieuse ? Pour un peu, Gabriel aurait presque pu regretter sa décision, si les regrets n’avaient pas été complètement contraires à sa fierté surdéveloppée. Un instant, il hésita sur la conduite à tenir, après tout, ce n’était pas pour rien qu’il avait renoncé à la tablette, il n’avait vraiment pas envie d’en manger plus, mais bon. Puisque c’était offert avec tant de risible soumission, et surtout puisque l’écossais semblait tant y tenir, il pouvait bien… Accepter. Au fond, même s’il ne l’avouerait jamais au risque d’en perdre le bénéfice, cela faisait du bien à son ego, de voir cette soumission dans les yeux de Clyde, de constater que même diminué, même cloué dans ce fauteuil, il pouvait encore être craint, comme avant. Alors ça valait bien le maigre effort de manger quelques carreaux de chocolat, aussi mauvais fusse-t-il.

Il laissa fondre l’offrande sur sa langue en silence, songeant que ces barres étaient définitivement quelques une des pires qu’il lui ait été donné de manger, avant de se tourner de nouveau vers l’écossais qui, la tête toujours courbée comme un serf devant son seigneur, grignotait sans un mot ce qui lui avait été gracieusement accordé. Pâlichon, mais peut-être était-ce l’effet de la douleur qu’il semblait ressentir, maigre, sans aucun muscle, recroquevillé comme pour se protéger d’un coup qu’il craignait de voir venir, il faisait vraiment pâle figure, même à côté de quelqu’un qui ne pouvait même plus se tenir sur ses propres jambes. Un instant, Gabriel eut presque envie de le garder ainsi près de lui plus longtemps, comme faire-valoir, une manière de montrer qu’il n’avait pas perdu toute sa superbe. Puis chassa cette idée aussi vite qu’elle lui était venue. Quel besoin avait-il de s’encombrer d’un être qui lui était aussi inférieur, franchement ? L’Autre lui suffisait déjà bien assez, au niveau être inférieur réduit à l’esclavage, pour qu’il prenne la peine de s’intéresser à un autre. Un nouveau regard, et un sourire qui était loin d’être aimable sans être pourtant aussi mauvais que d’habitude étira ses lèvres.

    - T’es quand même vraiment une mauviette hein…


Un simple constat. Pas spécialement agréable, pourtant prononcé d’un ton neutre, peut-être une pointe de moquerie, rien de bien méchant si l’on considérait ce à quoi il avait déjà accoutumé l’écossais. Mais en tout cas, en aucun cas il n’avait caché que c’était ce qu’il pensait, et depuis bien longtemps. Un nouveau silence, que seul les pas feutrés des cuisiniers en train de dresser le buffet pour le petit-déjeuner et le craquement du chocolat dans les mains de Clyde vinrent rompre, puis il reprit, presque uniquement pour lui-même, encore qu’il ne doutait pas que le jeune homme, s’il n’avait pas changé depuis l’attentat, l’écoutât religieusement.

    - C’est sûr que c’est pas avec des types comme toi que l’école va gagner le Mortuus Game. On serait mal barrés…


Il ne savait même pas pourquoi il avait pensé à ça, peut-être les relents d’une conversation entendue la veille, dans ce détestable dortoir commun qui n’étouffait pas le moindre murmure et n’épargnait pas à ses occupants toutes les petites discussions que les autres pouvaient avoir entre eux, deux élèves situés à quelques lits du sien avaient évoqué le jeu, s’inquiétant des sélections qui n’étaient toujours pas annoncées et des épreuves encore inconnues, et il fallait croire qu’il avait enregistré la conversation, puisque cela lui revenait à présent. Dans un soupir, il jeta un nouveau regard au jeune homme.

    - Enfin, de toute façon, la question ne se pose même pas, ils ne seraient pas assez cons pour faire participer une tapette comme toi.

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Lun 14 Mai - 20:06

Une mauviette ? Il n’aurait pas pu dire mieux. La seule once de courage qu’on pourrait te trouver, c’est celle qui t’oblige à rester assis à côté du monarque blond. Et encore, tes pieds ne te permettent pas d’en agir autrement. Tu bondis devant les films d’horreur, fuis les problèmes les plus minimes comme la peste et ne manques pas une occasion de planquer ta carcasse derrière Tino, dès que les choses se compliquent trop. Gabriel de St Andrez et toute sa clairvoyance avaient vu juste en toi, et c’est en partie pour ça que tu n’y rétorquais rien –l’autre partie venant, bien sûr, de ta soumission légendaire face à lui. Tu te contentais de croquer dans ton chocolat et d’écouter, avec délices, les dents du Prince broyer les carreaux de cacao que tu avais partagé avec lui. Quand tu pensais qu’il ne t’avait pas envoyé paître comme un bouseux et qu’il tenait, en ses nobles doigts, quelque chose que tu avais touché avant lui, tu en oubliais la douleur d’émoustillement. Ce jour était à marquer d’une pierre blanche : le monde avait, à présent à tes yeux, une aura rose bonbon et s’offrait aux courses affolées de petits poneys en tout genre, galopant sous un ciel bleu, surmonté d’un arc-en-ciel merveilleux. Soit, la vision du Monde de Clyde, quand Gabriel de St Andrez est gentil.

Puis outre les allusions répétées à ta faiblesse et nullité excessive, le Prince avait évoqué le Mortuus Game. Ce jeu inter-écoles que Tino et Judie ne cessaient de mentionner, frémissant d’excitation à chaque repas. Tino clamait qu’il les écraserait tous, et Judie se foutait de lui pendant vingt bonnes minutes. La plupart des élèves du genre extraverti comptaient s’y inscrire, toi, tu n’y avais même pas songé : tu finirais boulet de service, comme d’habitude, juste bon à péter une crise d’asthme en plein milieu d’un jeu physique. Au pire du pire, tes capacités intellectuelles pourraient servir ta cause, mais tu as bien trop peur de t’exprimer en public. Inutile au possible, l’idée même d’assister à l’événement ne t’avait même pas effleuré l’esprit. Mais tes quelques semaines à Virtus Insania avaient changé la donne. Si auparavant tu aurais évité le Mortuus Game et ses participants ultra-motivés, maintenant tu ne pensais qu’à une chose : et si Nikolaï y participait ?

Pour un soir, seulement une soirée, ce garçon aux cheveux bleus avait marqué ta vie au fer rouge. D’habitude inattentif aux allés et venues des étudiants dans les couloirs, tu passais désormais chaque matin, chaque interclasse, chaque pause à scruter les visages qui défilaient à toute allure devant toi. Les jours qui t’avaient paru si longs avant Nikolaï filaient plus vite que la lumière quand tu le cherchais des yeux. Tu en devenais fou et te demandais si tu ne l’avais pas rêvé. Si cette personne extraordinaire n’était pas aussi réel qu’un mirage dans le désert.
Participer au Mortuus Game, c’était ta chance de revoir ton Dieu vivant, s’il existait bel et bien. C’était l’occasion de voir du monde sans paraître psychopathe de service et d’apercevoir à nouveau, juste une fois de plus, Nikolaï et ses cheveux bleus. Sans même te préoccuper du venin princier qui coulait de ses lèvres non-stop depuis quelques minutes, tu t’exclamas :

« Est-ce que … ! »

Tes mots claquèrent dans la Grande Salle et firent taire les chuchotements des tableaux. S’il y en avait eu, on aurait entendu les mouches voler. Tu te rendis compte que tu haussais la voix pour rien, et en plus, face à Gabriel de St Andrez. De un tu osais établir un contact verbal, et de deux en faire une question à laquelle tu souhaitais qu’il réponde. N’en demandais-tu pas trop ? Tu baissas tes yeux qui avaient eu l’affront de rencontrer ceux du Prince à roulettes, et plus soumis que jamais, continuas d’une voix à peine audible :

« Est ce que… Par hasard… Vous savez qui y participe ? »
Risible au possible, Clyde. De peur de le vexer en une quelconque façon, tu l’avais vouvoyé, car tu ne concevais pas d’autre moyen de t’adresser à lui. Tu espérais plus que tout qu’il daigne répondre à ta question, et qu’il n’y fasse pas la sourde oreille. Tu te serais mis à genoux, juste pour qu’il te vomisse la liste des participants, même si elle était mélangée à milles sarcasmes et diverses insultes. Ta question sonnait comme une supplication, une prière, et tu pouvais sentir le blond se gonfler d’orgueil à mesure de votre conversation. Mais tu t’en foutais royalement : s’il voulait bien cracher le prénom de Nikolaï, tu lui baiserais les pieds sans hésitation.

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Lun 25 Juin - 7:32

Là, il fallait bien avouer que Gabriel en avait presque sursauté. Après tout, dans la salle plus ou moins silencieuse, le soudain éclat de voix venant de ce pauvre type qui n’osait d’habitude même pas lui adresser la parole, ou alors uniquement sur un ton si bas et soumis que cela en était risible, avait de quoi surprendre. Surtout qu’il n’avait même pas fini sa phrase, avant de baisser de nouveau la tête, étouffant visiblement ce qui avait été son mouvement le plus vivant depuis le début de la conversation, si l’on pouvait appeler ainsi l’échange unilatéral qui venait d’avoir lieu. Haussant les sourcils, Gabriel lui accorda son premier véritable regard depuis qu’il était entré dans la pièce, se demandant visiblement ce qui prenait à l’écossais. Pourtant, la phrase inachevée semblait lui tenir à cœur, puisqu’il finit par la continuer, employant un vouvoiement aussi risible que mal placé entre deux adolescents du même âge, et qui pourtant, entre eux, sonna presque naturellement, comme s’il avait été nécessaire, dans l’ordre des choses. Et au final, il y avait sans doute bien de cela, cette domination s’exerçant de l’un à l’autre exigeait des adaptations du langage que l’on n’aurait pas forcément trouvée chez d’autres personnes. C’était normal.

Mais plus que le vouvoiement, c’était la teneur de la question en elle-même qui fit réagir Gabriel, le lançant dans un éclat de rire des plus sardoniques. Mais qu’est-ce qu’il croyait ? Que le blond était tout puissant, qu’il était dans les petits papiers des organisateurs au point de connaître tous les secrets des jeux ?

    - Alors là, c’est la meilleure, on me l’avait encore jamais faite, celle-là. Comment tu voudrais que je sache ça alors que les sélections n’ont même pas eu lieu ?


Il n’y avait même pas vraiment de méchanceté, de mesquinerie, dans ces paroles, ou si peu qu’elles n’étaient que des relents, réflexes de celui qui en général ne s’adressait pas très différemment au reste du monde. Celles qui suivirent, en revanche, furent plus chargées de moquerie, de son venin habituel.

    - Il me semblait pourtant que les Faithbee avaient un minimum de réflexion et de jugeote, ça a pas l’air d’être ton cas on dirait… Tu serais un abruti en plus d’être une mauviette ? C’est triste comme cumul, quand même.


Et soudain, dans l’esprit de Sa Majesté, une interrogation. Pour un peu, en l’examinant bien, on aurait presque pu croire qu’il s’intéressait à Clyde, à ses motivations profondes. Mais non, vraiment, non, il ne pouvait juste pas éprouver le moindre intérêt pour quelqu’un d’aussi insignifiant, quand bien même ce quelqu’un lui permettait, l’espace d’un instant, de retrouver sa superbe d’antan, d’avant l’attentat.

    - Puis je peux savoir en quoi ça t’intéresse ? Franchement, je t’ai dit, t’as même pas la moindre chance d’être sélectionné, ça signifierait la fin de la déchéance de Synchronicity… À moins que… Noooon, sérieusement ? Me dis quand même pas que tu comptais essayer de participer ?


Cette fois, sa voix s’était faite franchement goguenarde, sarcastique, rabaissante. Parce que cela lui semblait tellement surréaliste, que cette mauviette, ce moins que rien puisse ne serait-ce qu’envisager de participer à des épreuves potentiellement dangereuses et difficiles, où l’honneur de leur école était en jeu. Vraiment, impossible. Encore qu’il manquât à Gabriel la capacité de comprendre que ceux qu’il étiquetait ‘‘inférieurs’’ pouvaient encore le surprendre.
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Mer 27 Juin - 12:29

Et là, tu aurais voulu être une autruche, pour pouvoir planter ta tête dans le sable. Ou un caméléon, pour te confondre à ton environnement. N’importe quoi, du moment que ça signifiait déserter la vue de Gabriel de St Andrez, voir même disparaître de la surface de la Terre pour échapper à ses critiques venimeuses. Dès la fin de ta phrase, tu avais senti le poids de ton erreur peser sur tes épaules : et c’était super lourd. Pourquoi espérer qu’il se montre cordial maintenant ? Chaleureux, sympathique, c’est vrai, c’est au-delà du possible et de l’envisageable, mais n’aurais-tu pas pu lui extirper un minimum de compassion ? Non, même jouer la victime et être pitoyable au possible, tu le faisais mal. Pour la première fois de la matinée, le Prince daignait poser son regard sur ta carcasse, ce qui ne présageait rien de bon. Même l’échine courbée, tu sentais ses yeux qui perçaient ton dos. Tu l’admirais réellement : le Monarque avait acquis la capacité de t’humilier rien qu’avec un petit regard méphistophélique. Il t’envoya balader, mais sans insulte, alors tu crus bon de répondre à sa question qui n’attendait pas de réponse :

« Heu… Pardon… Je, je pensais que vous… »

Mais sans avoir le temps de terminer ta phrase, Gabriel de St Andrez enchaîne d’ors et déjà sur les piques vicieuses. Mauviette. Abruti. Une pluie de reproches qui s’abat sur toi, et comme d’habitude, ne sachant où te cacher, tu te contentes de te tasser encore plus, de compresser ta colonne vertébrale pour ne ressembler plus qu’à un minuscule tas d’os et de peau, en attendant que l’averse passe. Tu marmonnes des excuses, des « pardon » à la pelle, que le monarque entendra bien s’il le veut ou non. Mais c’est la routine : tu fais une boulette, il s’acharne, tu te fais tout petit, il se lasse et s’en va. C’est tout le temps comme ça, voilà ce que tu songeais jusqu’à sa question.
Oui. Une question. Qui présumait donc l’attente d’une réponse, et donc la présence d’un échange. Tu n’avais jamais supposé Gabriel de St Andrez curieux, et son intérêt soudain te fit perdre tous tes moyens. Du moins, tout ce qui restait. Soit pas grande chose. En dessous du rien, pour être précis. Tu encaisses son ironie, tu supportes ses ricanements qu’il n’essaye même pas de contenir, tu te laisses ridiculiser comme un gamin de grande section qui abandonne la lutte face aux poings d’un Grand de CM2. Tu respectes Gabriel de St Andrez, mais là, tu crèves d’envie de lui en coller une, parce qu’il te prend toujours pour une sous-espèce, un insecte, quelque chose qui ne vaut pas mieux qu’un gravillon. Envie qui se dissipe bien vite, parce que, ne l’oublions pas, tu es un faible et un traumatisé de la violence, du coup tu t’écrases un peu plus sur ta chaise, en tentant d’expliquer tant bien que mal les raisons de ta soudaine dévotion au Mortuus Game.


« Heu… C’est juste que… Je voudrais retrouver quelqu’un, alors, j’essaye… Je… »

Tu déglutis, tu sais qu’il va se foutre de toi. Peut-être exploser de rire, ou peut-être te frapper pour avoir eut l’affront de te proposer comme concurrent à un jeu où tu ne serais même pas accepté comme traceur de lignes des terrains. Tu hésites entre les deux, tu clignes des yeux en attendant une main qui te tape le haut du crâne. Rien ne vient. Tu murmures en achevant ton explication bancale :

« Je vais participer au Mortuus Game… pour essayer de… de le revoir… »

Tu te tortilles sur ta chaise, attends patiemment ou presque ta punition, parce qu’il y en aura forcément une. Tu rougis, parce que même si ce n’est pas dit concrètement, on parle bien là de Nikolaï. Et rien que le retour de son souvenir brûlant dans ta mémoire te rend toute chose et rouge comme une fille dépucelée une heure plus tôt.

Spoiler:
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Sam 14 Juil - 11:57

C’est qu’il était divertissant, cet écossais, avec sa trouille, ses manières, son vouvoiement. Alors oui, Gabriel riait, à gorge déployée. L’autre devait s’y attendre, sans doute, ça se voyait dans ses yeux, s’entendait dans sa voix alors qu’il déballait sa petite histoire de midinette, prête à tout pour retrouver son Prince Charmant. Ah, pour un peu, il en aurait eu les larmes aux yeux. De rire. Et le voilà qui rougissait, se tortillait, il fallait qu’il arrête, sinon, il réussirait un exploit que même l’Autre et les terroristes qui avaient fait sauter Synchronicity n’avait pas pu réaliser. S’il continuait comme ça, il allait sérieusement réussir à le tuer.

Il fallut bien deux minutes à l’héritier St-Andrez pour parvenir à calmer le fou rire qui le prenait, essuyer les larmes que ses yeux, trop plissés, avaient laissé échapper. Vraiment, il aurait dû songer à chercher Clyde plus tôt, pour les moments de colère, il semblait même plus efficace que l’Autre pour les disperser, encore que, cela relevait tout de même de la tâche officieuse de son ennemi. Mais dans l’éducation que l’on avait offerte à Gabriel, il y avait la notion de récompense, s’attacher ceux dont les services étaient appréciables et, pour un tel fou rire, Clyde avait bien mérité au moins une réponse, quand bien même elle ne serait, comme toujours, pas guère aimable.

    - Oh, mais c’est que ça en serait presque attendrissant, si si, je te jure… Monsieur est à la recherche de son Prince Charmant disparu ?


Le ton était sarcastique, bien sûr, il ne s’imaginait pas à quel point il tombait juste, appuyait juste là où il pensait pouvoir faire mal, comme toujours, comment faire autrement ? Et puis bien sûr, il y avait ces rumeurs, qu’il avait entendues, sur sa supposée nuit avec un élève… Le même que celui qu’il cherchait, peut-être. M’enfin, il préférait ne pas chercher à en savoir plus, il en avait déjà bien assez avec les histoires de tapette de l’Autre pour s’encombrer de celles de Clyde. Une seule interrogation subsistait, appelant un nouveau questionnement. Quitte à savoir que l’écossais souhaitait participer au Mortuus Game et à connaître les raisons de ce souhait, autant chercher à se renseigner sur l’intérêt de la chose. Après tout, cela pourrait être un excellent divertissement que de le regarder se ramasser lamentablement comme il risquait sûrement de le faire, encore plus s’il pensait posséder les atouts nécessaires pour vaincre.

    - Mais tu penses franchement que tu pourrais être ne serait-ce que sélectionné ? À moins que tu n’aies des talents cachés pour compenser le fait que tu sois une mauviette stupide, je vois pas, vraiment…


Encore une fois, sa voix n’était même pas si acerbe. Clyde était une mauviette stupide, le constat en avait été fait plus tôt, c’était désormais un fait établi. Non, à bien y chercher, on aurait même pu trouver une note de curiosité dans ces paroles. Allons, ce n’était pas tous les jours qu’un être aussi inférieur parvenait à l’intéresser suffisamment pour lui arracher quelques questions.

[Euh. C'est court. Mais euh. Voilà. Amour sur toi]
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Mar 31 Juil - 17:30

Un fou rire. A ta plus grande surprise, son altesse explosa de rire, les larmes lui montèrent même aux yeux. Bouche bée, tu recherchais dans ton dialogue quelle blague accidentelle tu avais bien pu y glisser, en vain. Tu baissas la tête, honteux de t’ apercevoir que tu lui paraissais assez minable pour qu’il te rie au nez sans raison valable, ou du moins, juste en étant toi-même. Ce furent les deux minutes les plus longues de ta vie et elles te semblèrent interminables : l’écho de son ricanement ne cessait plus de résonner dans la Salle Centrale, et même les tableaux les plus bavards s’étaient tus pour tendre l’oreille et tenter de découvrir qu’elle était la cause d’un fou rire de Gabriel de St Andrez. Tu serrais le tissu de ton jean dans tes mains moites d’embarras, laissant la gêne te brûler les joues, et te sentant plus idiot que jamais. Enfin presque.
A croire que c’était écrit sur ton front, que Nikolaï avait passé la nuit dans ta chambre, et que tu le cherchais sans relâche. Pour que même Gabriel de St Andrez, qui ne portait absolument aucun intérêt à ta petite personne, soit au courant de ça, les rumeurs avaient du aller bon train. Au mot « Prince charmant », tu tournes au rouge cramoisi et en perds ta respiration. Pire qu’une gamine de quatorze ans qui s’avoue pour la première fois être amoureuse, tu paniques en bégayant maladroitement :

« N..Non ! C’est… C’est pas… »

Embourbé dans tes propres mots, les paroles s’agitent dans ta gorge, se mélangent et ne sortent pas. Tout penaud, tu ne parviens même pas à t’expliquer, encore moins à te justifier, car tu sens que c’est ce que tu devrais faire : nier en bloc, au risque de finir lapidé, ou écrabouillé par un fauteuil. Pour la première fois, tu redescends sur terre et t’aperçois d’une chose toute bête, à laquelle tu n’avais jamais réfléchi : tu aimes un garçon. Alors si tu aimes les garçons, ça fait de toi…un gay ?
Tu atteins un degré de rougeur bon à citer dans les livres de record, empêches un ou deux couinements de dépasser la barrière de tes lèvres et mordilles ta lèvres fiévreusement. Oh non. Encore une bonne raison pour que le reste du Monde vienne te faire chier. Pour l’instant ça se limitait au Prince à roulettes et à Lyria le tyran, mais tu ne souhaitais franchement pas que ça s’élargisse. Pris de panique, tu n’écoutes même pas la dernière question de Sa majesté, qui, de toutes manières, ne servait sûrement qu’à te ramener plus bas que terre, une fois de plus. Pris d’un élan d’inconscience, tu oublies ton pied en miette et te lèves de ta chaise. La douleur te scie le ventre, et tu passes du vermillon au blanc, pire qu’un cachet d’aspirine : un véritable arc-en-ciel à toi tout seul. Tu mords l’intérieur de ta joue pour contenir tes hurlements, te retournes, et murmures faiblement, la voix brisée :

« Excusez-moi… Je… Je vais partir... »

La tête enfoncée dans les épaules, tu tournes les talons, haletant sous le coup de la douleur. Tu t’accroches aux chaises, tu boîtes jusqu’à la porte, tentes même un cloche-pied, mais abandonne l’idée en sentant le regard lourd du Prince sur tes épaules fébriles. Encore une histoire qui en fera marrer plus d’un. En attendant, pour toi, c’est direction l’infirmerie.
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Mar 28 Aoû - 8:37

Il n'avait même pas répondu. Il fallait donc croire que ce pauvre Clyde était bien faible, Sa Majesté de St-Andrez avait pourtant été presque aimable, comparé à ce qu'il pouvait être face à d'autre individus du même type que l'écossais. Mais non, il n'avait même pas répondu, à ce qui était au fond une question sans méchanceté, pour une fois, peut-être la remarque précédente l'avait-elle atteint plus que ce que Gabriel aurait pu prévoir, il avait cru percevoir un balbutiement de protestation, ou peut-être était-ce toute la conversation qui avait été trop difficile à supporter pour la faiblesse du Faithbee. Il avait même fui, avec quelques mots d'excuses, à peine murmurés, avant de partir en boitillant, en vacillant. Tiens, il est vrai que le blond avait oublié le pied du jeune homme, soigneusement écrasé par ses soins pour une tablette de mauvais chocolat. Oh, tant pis, de toute façon, ce ne serait pas la première fois qu'il blesserait quelqu'un, il valait mieux juste éviter que Clyde ne s'en plaigne de trop, que cela ne remonte trop loin, encore que, en général, avec l'écossais, il n'y avait pas franchement à s'inquiéter de ça, il était plutôt du genre à encaisser en silence, comme il l'avait fait tout au long de la conversation. Il n'y avait donc rien à craindre de ce côté-là.

Quand il fut sorti, Gabriel jeta un regard sur la salle autour de lui. Pendant qu'il se divertissait avec Clyde, quelques élèves étaient arrivés, tous de Virtus, il n'en connaissait aucun, ils n'avaient donc sans doute pas le moindre intérêt. Tant pis, il lui faudrait attendre que quelqu'un digne de sa conversation arrive, quelqu'un comme l'Autre, peut-être, il faudrait bien le punir d'avoir commis le crime de n'être pas réveillé lorsque Gabriel était sorti du sommeil. Pourtant, il n'était pas d'humeur aussi exécrable qu'en se levant, comme si la conversation avec le jeune écossais avait pu, d'une certaine manière, calmer quelque peu la colère qui l'avait saisi face à ces douleurs qui le tiraient du lit aux aurores quand il aurait pu dormir encore un peu. C'était une théorie à creuser, peut-être qu'il aurait droit à un traitement de faveur, pouvoir rendre un semblant de bonne humeur à l'héritier sans qu'il n'ait besoin d'être aussi infect que d'habitude était quelque chose de rare, il faudrait que Gabriel s'arrange pour le recroiser, tester si cela fonctionnait de nouveau, pour quand l'Autre n'était pas à portée de main pour jouer ce rôle de défouloir. Après tout, ce n'était pas comme si l'avis de Clyde importait vraiment dans cette histoire, même s'il aurait dû se sentir flatter de l'intérêt que lui portait Sa Majesté à roulettes.
En attendant, il dirigea son fauteuil vers le buffet qui commençait à être dressé, sélectionna soigneusement la carafe dans laquelle le café avait l'air le moins mauvais, le pain qui semblait le moins rassis, bref, ce qu'il put trouver de mieux en matière de petit déjeuner, dans cette endroit où du pain frais était un luxe que même les plus riches n'obtenaient que rarement. Ah, vivement qu'ils quittent cet endroit pour leurs nouveaux locaux.

[Oui, je sais, c'est tout court, mais bon, euh, c'est pour la clôture, même si du coup j'aurais mis un mois à m'y mettre, désolée]

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