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 He was dark and mysterious, she was blond and stupid [Aure ♥]

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Eina Schwarzwälder
Eina Schwarzwälder
Asinos


Messages : 28
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Ven 21 Juin - 19:13

Ça, elle ne s'y attendait pas vraiment. Il paraît que c'est courant, à Virtus, ils ressortent ça tous les deux ou trois ans, un projet commun, quasiment un tutorat, on met deux élèves ensembles, un ancien et un nouveau, on leur donne un thème, ils sont les deux dernières semaines de l'année pour préparer un travail là-dessus, la forme est libre, de quoi les occuper les dernières semaines de l'année, quand les examens sont terminés mais qu'il faut garder les élèves au travail jusqu'à la date officielle des vacances. Ses examens, d'ailleurs, elle les a réussi, de justesse, elle a eu pile la moyenne, pile de quoi passer dans la classe supérieure avec Zwei. De toute façon, on ne s'attendait pas vraiment à mieux, de la part de la blonde de service. Et la blonde de service, pour le coup, pour que le travail soit équitable, on l'a mis en groupe avec quelqu'un de doué, en 3ème année, il a une sacrée réputation, dans l'école, Aurelian Kieser. C'est ce garçon, dont tout le monde s'accorde pour dire qu'il est beau gosse, un peu ténébreux peut-être, pour ce qu'elle en sait, un peu froid, des fois. Et puis il y a ces autres rumeurs, ces histoires, avec cet élève de Synchronicity, les amants parfaits, les amants fusionnels, ceux qui ont été longtemps séparés et se sont retrouvés presque par hasard avec l'explosion. Il y en a, des légendes, qui courent sur eux, des amants maudits, des amants prêts à tout… Elle ne croit pas à tout ce côté mythique, bien sûr, les ragots ont toujours tendance à exagérer, mais par contre, elle pourra les utiliser. Parce qu'elle ne croit pas aux ragots, aux rumeurs, mais la dinde parfaite, elle, y croit, les gobe, les prend pour une vérité absolue. Alors elle pourra s'en servir, jouer cet atout, jouer la cruche, elle sait déjà bien le faire, mais elle ne rejette jamais un coup de pouce.

Enfin, pour l'instant, elle veut se faire sa petite idée. Et ça tombe bien, ils ont rendez-vous à la bibliothèque, histoire de faire connaissance, de regarder le thème ensemble, ce que ça leur inspire, ce que ça lui inspire à lui, surtout, elle, elle a déjà préparé quelques stupidités, des trucs qui ne peuvent pas fonctionner, des trucs idiots, des trucs de dinde. Un dernier instant, elle se regarde dans le miroir avant de quitter la chambre. Bandeau rose pour retenir ses cheveux blonds, mini-short en jean qui dévoile des jambes bien évidemment hâlées à coup de dons, chemise blanche un peu transparente, sandales en paille à talons compensés, micro-sac à main à franges, elle est presque prête, mais il manque un détail. Le détail qui la fera passer de pute à pouffe. Froncement de sourcil, instant de réflexion, elle finit par attraper un petit paquet dans sa table de nuit, en sort une tablette argentée, mâchonne un instant, et quelques secondes plus tard, une bulle parfumée à la fraise éclate sur ses lèvres. Le voilà son détail, elle est prête, traverse d'un pas allègre les couloirs, jusqu'à la bibliothèque. Elle le repère vite, c'est facile, c'est le seul brun de la pièce. Quelques nouveaux pas, elle pousse un ou deux livres, se juche sur la table, croise les jambes, fait éclater un nouvelle bulle.


    - Salut ! C'est toi, Aurelian ?


Comme si elle n'était pas sûre, ce qui ferait d'elle une sans-gêne sans nom, assez idiote pour confondre les gens. Elle marque une pause, le regarde, il y a au moins un point sur lequel les rumeurs disent vrai, il est plus que beau garçon. Et puisqu'il n'a pas encore levé la tête, il n'a pas pu bien la regarder, et surtout pas sa poitrine, il ne remarquera rien si elle gagne une taille, discrètement. Nouveau mâchonnage, nouvelle bulle, elle fouille dans son sac, ressort la tablette, la lui tend.


    - Chewing-gum ?


Parce que c'est bien connu, un type comme Aurelian doit surement adorer les chewing-gums à la fraise trop sucrés. C'est une évidence. Là, elle peut être satisfaite d'elle-même, elle a fait tout ce qu'il fallait. À moins de gros problème, il ne devrait rien voir d'autre qu'une pauvre blonde qui porte bien sa couleur de cheveux.
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Aurelian L. Kieser
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Sam 22 Juin - 4:02

 Just don’t make me waste my time, Blondie.



Je déteste déjà cela. Ouais, j’en ai déjà carrément marre. Ça fait tout juste une semaine que je suis au courant, je n’ai aucune idée du genre de projet qu’on va faire, je n’ai même pas rencontré la personne avec qui on m’a jumelé et j’ai déjà envie d’envoyer tout balancer et de retourner à mes p’tits trucs. Et pis c’est quoi cette idée d’enrôler des étudiants dans un projet sans leur permission? Parce qu’en fait, si on m’avait demandé de participer à une expérience du genre, j’aurais dit non. C’est simple, non.  Moi, ça ne m’intéresse pas de perdre mon temps avec des gamins. Dans la vie, c’est simple. Je fais mes trucs, j’emmerde pas personne et personne ne m’emmerde, sinon  je leur dit ma façon de penser et je ne me gêne pas.  Pas question que je me prenne la tête avec la connerie des autres, j’ai déjà assez de ma propre existence à gérer. Ça peut sembler froid, mais c’est un fait, j’en ai rien à cirer, de la réussite des jeunes cons du bahut.  Parce que si j’ai bien compris le principe de toute cette connerie, c’est qu’un étudiant plus doué de niveau supérieur est jumelé avec un étudiant en difficulté.  Un boulet, quoi. Un putain de boulet.
 
Le réveil a été pénible, comme c’était souvent le cas dernièrement.  Et je pense que c’était d’autant plus le cas simplement parce que je n’avais pas envie de me lever.  Le corps de Niko était si chaud, si confortable sous mon bras. Il n’avait pas cours avant l’aprem, le veinard. Je suis resté au lit quinze minutes de plus que nécessaire – au pire, l’autre pauvre mioche attendrait un peu – pour profiter de la proximité de mon amant, parsemant quelques baisers délicats au creux de son cou, puis je me suis levé pour commencer la routine. Brosser les dents, filer sous la douche, coup de rasoir au visage, trois bumps de coke  tirés du bout d’une clé. Je retourne à la chambre, Niko est assoupi, la bouche entrouverte. Je ne peux pas m’empêcher de sourire en coin. C’est qu’il est toujours absolument craquant quand il dort. Les traits doux, les cheveux ébouriffés, il tire une vraie tête d’enfant. Je m’habille silencieusement et, juste avant de partir, je m’approche de lui et pose un baiser sur ses lèvres. Il me le rend à moitié, toujours assoupi.  Je n’insiste pas plus et, après avoir accroché mon sac à bandoulière sur mon épaule, je sors de la chambre et me mets en direction de la bibliothèque.
 
Je n’attends pas plus que trente secondes avant qu’on m’interpelle.  Et dès que je me tourne, je sais que j’ai affaire à la bonne personne. On m’a dit de garder l’œil ouvert pour une blonde du nom d’Eina. Et la jeune femme qui se trouve devant moi est très blonde. Vraiment très blonde. Je la regarde discrètement.  Vraiment? On m’a refilé ce petit bout de femme qui ne semble pas avoir plus de substance qu’une poupée Barbie? Je sens que je vais devoir bosser et pas qu’un peu. Je lâche un petit soupir, presque imperceptible, et j’hoche la tête. Oui c’est moi. Même si à cet instant précis, j’aurais pas détesté être quelqu’un d’autre.

 
« Tu dois être Eina. » , dis-je, las.
 
Mes doigts jouent nerveusement avec la boucle de mon sac, la coke fait effet et c’est une bonne chose. Ça me fera une distraction pendant que je discute avec cette jolie tête vide. Ou du moins, c’est ce qu’elle laisse paraître. On m’a appris à ne jamais juger les gens que par leur apparence. Mais celle-ci… Enfin, bref, on verra. Tout ce que je sens à présent, c’est l’odeur de son chewing gum qui, très franchement me donne limite mal au cœur. N’arrivant pas à dissimuler mon dédain, je secoue la tête et lâche un simple
« Non merci. » avant de m’asseoir sur une chaise entourant la table. Je sors quelques livres de cours qui semblent encore presque neufs. Je n’ai pas de notes de cours, ça n’étonnera personne qui sait en quoi consiste mon don. Je lâche un petit soupir, allez, faut se motiver. Se donner le courage de commencer pour finir le plus rapidement possible. Je regarde la jeune femme et, tentant le plus possible d’avoir l’air au moins un peu agréable, je tente un sourire. Bon, il est un peu crispé, mais ça devra faire l’affaire.
 
« Dans quelle matière voulais-tu faire le projet? Tu as une idée? » 



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Eina Schwarzwälder
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Lun 24 Juin - 15:54

Le plan semblait avoir marché, en à peine deux minutes, il avait déjà compris qu'il ne faisait pas face à une intelligence surdéveloppée, loin de là. Peut-être même qu'elle en a fait un peu trop, elle s'est trop laissée emporter. Il lui faut donner raison aux rumeurs, pas laisser les gens se douter qu'elle pourrait peut-être faire semblant. Ralentir, ne pas trop forcer sur la stupidité, là se trouve le secret, le parfait équilibre se joue dans la subtilité. Il ne veut pas de chewing-gum ? C'est pas grave, de toute façon, elle s'en doutait déjà, c'était presque pour qu'il le refuse qu'elle le lui avait proposé. D'ailleurs, elle se débrouillera pour s'en débarrasser sous peu, discrètement. Aurelian n'est pas vraiment le seul à être écœuré par l'odeur sur-chimique du bout de pétrole, mais il fait partie du rôle, elle doit le garder encore un peu, juste le temps de planter le personnage auprès de quelqu'un qui ne le connaît pas encore. Mais il semble avoir de la patience, lui demande ses idées, comme si sa cervelle de moineau pouvait avoir engendré la moindre idée, ou au moins une qui soit utilisable, une qui soit valable, une qui ne les ridiculise pas tous les deux de la manière la plus efficace et complète qui soit. Alors certes, elle en a eu, des idées. Des bonnes, des moins bonnes, elle a surtout cherché les plus stupides possibles, celles qui sont pire que tout, celles que personne n'aurait pu imaginer sans avoir eu le cerveau liquéfié par trop de vapeurs de dissolvant avant de commencer à réfléchir. Et celles-là, elle en a trouvé, des gratinées, des qu'elle lui présentera comme des éclairs de génies, qui viendraient de la traverser, des qu'elle fera semblant de prendre pour la meilleure idée du siècle, voire du millénaire tout entier. Mais il serait peut-être temps de lui répondre, il risque de s'impatienter, et elle ne voudrait pas non plus se le mettre à dos.


    - Euuuh… Ouais, j'ai réfléchi vite fait… C'quoi déjà le thème, les locomotives, c'est ça ?


Un thème un peu stupide, bien le genre de l'école, l'ère industrielle, la force, la virilité, la puissance, ça leur plaît bien, ça fait partie de leurs valeurs. Mais bon, elle a bien pu trouver quelques idées, il faudra sans doute aller voir du côté de leur histoire, leur développement, les technologies, des points sociaux peut-être, artistiques, littéraires mêmes, les pistes sont nombreuses. Mais celles-là, elle préfère ne pas les donner, au pire elle les lui suggèrera, s'arrangera pour qu'il ait l'impression que les idées viennent de lui, il ne faut pas qu'il se rende compte qu'il y a plus que l'air qui semble gonfler sa poitrine.


    - J'sais pas, j'avais pensé, genre, une manucure peut-être ? Avec une locomotive sur le pouce, des wagons sur les autres doigts ?


Plop fait la bulle sur ses lèvres, après avoir balancé ce monument de stupidité. Et encore, elle en a d'autres, en réserve, elle les garde juste pour plus tard. Au cas où. Au cas où il ait besoin de nouvelles preuves. Au cas où il n'ait pas encore compris qu'il est face à une véritable dinde. Et elle sourit, en plus, a l'air heureuse de sa trouvaille. Une nouvelle bulle, la dernière, maintenant, elle va essayer d'éviter, s'il oublie l'existence du chewing-gum, il ne s'apercevra pas de sa disparition, la gomme l'agace déjà, en fait.


    - Et toi, t'avais eu des idées ?


Elle a un grand sourire, lui demande ça au cas où, comme si elle était persuadée que la sienne allait être mise en application tout de suite sans discussion, pour être polie, sans doute. Tant qu'à faire, elle espère bien qu'il aura quelque chose de mieux. Parce que la manucure, vraiment, elle ne se souvient même plus d'où elle l'a sortie. Sans doute le genre d'idée qui arrive au milieu de la nuit. Mais elle se sent en forme aujourd'hui, alors elle lui souhaite bien du courage, au beau brun.

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Aurelian L. Kieser
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Mar 25 Juin - 16:42

I hope you’re fucking kidding me



C’est incroyablement dur. Mon sourire est tellement crispé sur mes lèvres que j’ai presque l’impression qu’il va me briser sur le visage. C’est un sourire qui n’a rien de réel, une façade que je ne me suis même pas donné la peine de peaufiner tant ça ne veut rien dire pour moi. Je veux être loin, ailleurs. Je veux être en vacances, je veux pouvoir le réveiller à l’heure que je veux, je veux boire, je veux fumer, je veux me piquer et qu’on me laisse tranquille. Et je veux surtout être loin, très loin de cette blonde. Ce qu’elle m’inspire me semble aussi artificiel que l’air qui collait à mes traits, que les substances que je me shoote dans une veine sur la cuisse. Et pourtant, j’en ai rencontré, des blondes un peu idiotes dans son genre. Ça migrait souvent vers les boîtes de nuit, ces p’tites bêtes là. Et ça avait aussi tendance à avoir un faible pour les grands ténébreux qui n’en ont rien à cirer. Et jamais de la vie que je me suis posé des questions à leur sujet. Ça ne m’importait pas, parce que la seule relation que j’ai eue avec certaines d’entre elles, par le passé, était basée sur la satisfaction immédiate d’un besoin primitif. Rien de plus. Un cul sans nom, avec un tatouage dans le bas du dos et des talons aiguilles.

Mais je refuse de croire que c’est la même chose pour elle. D’abord parce que je n’ai nullement envie de faire un projet du genre avec une conne écervelée. Et quelque part, mon égo arrive à me faire croire que si j’espère suffisamment quelque chose, cela se produire. La pensée positive, tout le monde peut le faire, même moi. Ensuite, je ne le sens juste pas. Ou plutôt, je le sens trop.  Avec les filles en boîte, c’était simple, superficiel, pas besoin d’y penser, aucun malaise ressenti. Cette fois, cependant, il y a clairement quelque chose. Comme un pressentiment, une pensée qui me gruge le crâne, une impression qui ne veut pas s’effacer. Ça n’est pas naturel. C’est habile, fluide, mais c’est forcé et c’est bien ça qui m’irrite vraiment. À quoi bon projeter l’image de quelqu’un de con? Des gens qui exagéraient leurs exploits et qui mentaient pour faire croire aux autres qu’ils étaient plus que ce qu’ils étaient vraiment, j’en ai déjà rencontré. Plusieurs, même. Mais ça, c’est p’tet bien la première fois. Mais, encore une fois, je ne peux pas me baser uniquement sur mes impressions. Elles ne me trompent pas souvent mais c’est possible.

Je me contente d’hocher la tête lorsqu’elle me demande si le thème est bel et bien sur les locomotives. Oui, c’est ça, et très franchement j’aurais préféré que ce soit autre chose. C’est certain qu’il y a quelques choses intéressantes à dire là-dessus, dépendant de la perspective que l’on décide d’avoir sur le sujet. Ce qui m’intéresse le plus, pour ma part, c’était le lien entre ce moyen de transport et l’histoire, ou encore le côté esthétique de la chose. Mais c’est clair que j’aurais préféré aborder un tout autre thème. Enfin, faut faire avec ce qu’on a. Je prends un des bouquins plutôt massif sur l’histoire moderne et la révolution industrielle et l’ouvre à une page bien précise qui parle des premières locomotives.  Pas de marque-page bien entendu. Je me demande un instant si elle sait en quoi consiste mon don.  Elle finira par l’apprendre éventuellement. J’ai déjà lu ce que j’avais à lire, c’est tout enregistré. Je dirige un peu le livre vers elle, peut-être qu’elle en aura besoin.

Mais la suggestion me tombe dessus, et je n’arrive tout simplement pas à y croire. C’est trop, c’est impossible que quelqu’un puisse penser que c’est un projet de fin d’année valable. Impossible. Je me retourne vers elle, sourcils froncés, l’air limite dégoûté. Faut que je respire un peu, je peux pas m’énerver. Ça vaut pour moi aussi, ce projet, et si on apprend que je laisse trop parler mes émotions – dans ce cas-ci ma colère et mon exaspération  - on va me le reprocher.  


« Tu ne peux pas être sérieuse. Je refuse de le croire, c’est d’une telle connerie. De toutes les autres options, c’est elle que tu décides de me suggérer? C’est non. Bien entendu, que c’est non. Non, on ne fera pas une putain de manucure. »
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Eina Schwarzwälder
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Lun 1 Juil - 14:56

Le coup est violent. Pas littéralement, bien sûr, il ne serait pas allé jusqu'à la frapper. Mais parfois, les mots peuvent être violents, faire mal, chacun sait ça, on le répète assez aux enfants dans les cours d'écoles, quand ils se disputent, quand ils s'insultent. Les insultes, elle a l'habitude, c'est le risque, le jeu en vaut la chandelle, en général, de toute façon les gens disent ça pour rigoler, pour se moquer, c'est méchant mais ça fait semblant de ne pas l'être, alors elle se contente de sourire, fait semblant de n'avoir pas compris, rigole de ces blagues qui ne font que la rabaisser. D'habitude c'est facile, mais pas cette fois. Cette fois, il y a cette différence, cette colère, presque du dégoût dans la voix d'Aurelian, et ça fait mal. Cette fois, elle n'a pas pu s'en empêcher, ses yeux gagnent en humidité, et cette fois, ce ne sont pas des fausses larmes, celles qu'elle verse quand le dernier vernis en solde lui passe sous le nez, celles qui lui font en général regagner les faveurs de la plupart des gens, à coup de "ah bah non, pleure pas, c'était pas méchant, va !". Cette fois, c'est elle qu'il a touchée, elle qu'il a blessée, et c'est sans doute encore plus dangereux. Ces larmes-là, elle ne doit laisser personne les voir, parce que ce ne sont pas les larmes de la dinde, ce sont des vraies larmes de douleur, et celles-là, il n'y a que Zwei qui a le droit de savoir qu'elles existent, Zwei qui sait, Zwei qu'elle rêve de courir retrouver, pour qu'il la serre dans ses bras, pour qu'ils disent des bêtises et que ça aille mieux. Mais non. Elle n'a pas le droit, pas encore. Pour l'instant, elle se recroqueville juste, à peine, se tient un peu moins droite, baisse la tête, respire un grand coup, ferme les yeux, il vaut mieux qu'elle évite de laisser sortir ça, ça ne servirait sans doute qu'à l'exaspérer encore plus, c'est une mauvaise idée si elle veut avoir un projet pas trop raté, avec un type comme lui comme binôme, ce serait dommage. Et puis c'est sa bourde, c'est elle qui y est allé trop fort, trop tôt, elle aurait dû être plus prudente, ça lui apprendra, elle pensait être rodée, au bout de six ans, mais il faut croire que ce n'est toujours pas le cas. Elle reste silencieuse, laisse passer trente secondes, une minute, deux peut-être. C'est long, deux minutes, quand un silence comme ça s'installe, quand on sent la tension qui ne cesse de monter. Il faut qu'elle dise quelque chose, maintenant, avant qu'il ne soit trop tard, sinon elle aura tout fait louper, mais elle ne sait pas quoi, elle n'est pas sûre que sa voix ne la trahisse pas tout de suite. Tant pis, il faut bien qu'elle essaye.


    - Je… J'suis désolée, j'avais juste… Pensé que ça pourrait être cool…



Voilà. Changer la cause de son malaise. Faire comme si c'était le rejet de son idée qui lui faisait aussi mal, et pas la violence des paroles, ça de toute façon, elle y est habituée, hein, après tout, toute l'école sait bien qu'elle est l'imbécile de service. Mais même si ses paroles donnent le change, elle va éviter de reparler tout de suite, elle a failli craquer, la parole a souvent été la porte ouverte aux sanglots, chez elle. Ses yeux se ferment à nouveau, juste un instant, elle pose la main devant sa bouche, tente de réfréner un léger tremblement de ses épaules, elle serait plus ridicule qu'autre chose si elle se laissait aller dans un moment pareil. Quelques instants passent, de nouveau, avant qu'elle ne murmure un dernier mot.


    - Pardon…



Juste ça, histoire de ne pas laisser le silence s'appesantir de trop. Juste ça, et puis elle essaye, se sonde mentalement, vérifie qu'elle peut ne pas craquer. Elle l'a déjà fait des dizaines de fois, se retenir de pleurer quand les autres ses moquaient de l'intello quand elle était petite, quand les uns crachaient sur l'idiote de service un peu plus tard, quand elle n'avait pas encore l'habitude. Elle peut le faire, elle peut trouver la force de ne pas se laisser aller. Et de toute façon, si jamais ça ne va pas, si jamais elle n'en peut plus, elle connaît la solution. S'enfuir, courir, loin, sur ses talons compensés, courir et retrouver son frère, là où elle sait qu'elle sera en sécurité, là où rien ne peut l'atteindre. Mais pas pour l'instant, pour l'instant, elle doit pouvoir retrouver un peu de dignité. Dans quelques instants, elle pourra se redresser, dérouler ses épaules, reprendre son sourire d'idiote. Juste quelques instants.

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Aurelian L. Kieser
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Mer 3 Juil - 1:38

And that’s it



J’ai toujours su me servir de mes mots. Accordé, ça m’arrive quelques fois de les oublier et de me dire qu’en fait, un poing ou un pied, c’est bien plus direct et efficace. Et j’ai souvent cédé à la faciliter d’utiliser mon corps à la place de mes mots, les quelques fois où j’ai senti que ça ne mènerait à rien de prononcer des syllabes – certaines personnes sont tout simplement trop idiotes pour comprendre quoique ce soit à ce que je puisse dire. Certaines personnes ne veulent tout simplement pas s’efforcer de comprendre, aussi. Et ça, c’est presque pire que l’idiotie. En fait ça l’est. Quelqu’un qui est borné à ne voir que sa façon de penser, ça me rend dingue. Peut-être parce que je suis un peu comme ça, parfois. Bref, toujours est-il que je n’ai jamais eu de difficulté à me défendre et que les mots me viennent tout particulièrement naturellement. Dans la vie de tous les jours, mais aussi lorsque ça en vient aux bassesses. Les insultes, les opinions trop engagées, les expressions de frustration et de colère comme c’est le cas maintenant. Et très franchement, j’ai l’habitude de voir des gens se défaire devant moi, comme si je venais de leur foutre une claque en pleine figure. Je le vis bien, ça va, je peux gérer.

Mais là, pour le coup, je n’ai aucune idée de la réaction que je devrais prendre. Elle est sur le point de pleurer, je le vois dans ses yeux, dans son corps, même si elle tente de le contrôler avec une force que je ne peux pas m’empêcher d’admirer. Elle est déterminée à ne pas laisser ses larmes glisser le long de ses joues, elle est décidée à ne pas céder à l’envie d’accorder une place aux sanglots qui ne cherchaient qu’à secouer ses épaules. Elle est silencieuse, elle est concentrée. Non, elle ne cédera pas. Et tout ce temps, je la regarde directement, sans me gêner. Pourquoi diable est-elle aussi sensible? C’est pas légitime, que je m’exaspère à cause  de l’absurdité d’une situation que non seulement je n’ai pas choisie, mais qui en plus me déplaisait pour commencer? Moi je pense que si. Je pense que j’ai le droit d’être sec, j’ai le droit d’exprimer à quel point ça me casse les couilles, cette connerie de projet enfantin. J’ai le droit de lui dire que son idée, c’est de la foutaise. Que j’espère qu’elle joue un putain de numéro et qu’en fait, depuis le début, elle me mène en bateau. Je ne veux pas que ce soit vrai. Je ne veux pas faire avec. Pas aujourd’hui, pas demain, jamais. Je veux finir ce projet avec quelqu’un de normal, pas une adolescente attardée.

Je passe mes deux mains sur mon visage, sans me gêner de soupirer bruyamment. Je veux être ailleurs, je veux teeeellement être ailleurs. Loin de cette tension, loin de ce poids qui me pèse. Parce que même si ça m’enrage qu’elle agisse comme une enfant, je ne peux pas m’empêcher de me sentir mal. J’ai été sec, c’est vrai. J’ai été dur et peut-être que j’aurais pu utiliser d’autres mots. Mais je ne mâche pas mes mots d’habitude. Et puis, franchement, elle aurait pu garder ses propositions idiotes et immatures pour une soirée entre filles, non mais… Je ne sais plus quoi faire, je ne sais plus où me ranger. Partagé entre l’envie de me sauver et celle de lui faire la morale. Je soupire une nouvelle fois puis dégage finalement mes mains de devant mon visage. Je ne peux plus, en fait. Je sens que je vais être méchant, je sens que je vais dire quelque chose que je vais regretter. Sans plus attendre, je ramasse mes trucs sur la table, je les range dans mon sac, mais je prends tout de même temps de griffonner quelque chose au coin d’une feuille. Je me lève et je m’arrête devant elle, cherchant son regard. Je le trouve. Je ne souris pas, mais mon ton est calme, plus doux.


« Ça n’est pas ma journée. Et franchement, je préfère encore qu’on réfléchisse à ça chacun de notre côté avant de se rencontrer à nouveau. J’te laisse mon numéro, pour qu’on fixe un autre rendez-vous. Et pitié, ne me sort pas un autre truc comme ça. Je suis certain que t’es bien plus brillante que ce que tu laisses croire. »

Je lui donne le morceau de papier où j’ai inscris mon numéro et sans attendre, je me tourne, en marchant vers la sortie. Ça n’est pas ma journée. Et je préfère encore lui épargner la sienne. Je ne veux pas la détruire, après tout.


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Eina Schwarzwälder
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Ven 12 Juil - 15:35

Elle l'exaspère, c'est évident. C'est étonnant même qu'il ne se soit pas encore mis à crier, qu'il n'ait même pas esquissé le moindre geste violent. Elle a tout gâché, tout raté, en attaquant la journée comme ça, il vaudrait mieux qu'elle retourne simplement se coucher, qu'elle se roule en boule sous les couvertures et ne laisse entrer que Zwei. S'enterrer loin du monde pour une journée, la suggestion est tentante, mais non. Elle ne peut pas se le permettre, ne peut pas reconnaître une défaite aussi écrasante, ne peut tout simplement pas l'accepter. Il doit bien y avoir un moyen de se rattraper, il y a toujours un moyen, ne serait-ce qu'en se taisant et en acquiesçant à tout ce qu'il propose, en bonne dinde bien élevée, en jeune fille de bonne famille qui n'a aucun avis et aucune idée par elle-même, ou du moins rien qui ne mérite d'être énoncé. Il y a toujours un moyen de rattraper en désastre, et ça commence toujours par ravaler ces stupides larmes qui, au moins, ont décidé d'arrêter de vouloir s'échapper. Un coup d'index discret et elle les essuie, secoue légèrement la tête, tente de se convaincre elle-même que c'est fini, et qu'on ne lui reparle plus de cette crise de faiblesse, il faut faire comme s'il ne s'était rien passé, comme si Aurelian n'avait pas réussi à toucher justement pile là où ça faisait mal.

Et puis alors qu'elle ne s'y attend pas, le voilà qui reprend la parole. Il a l'air de s'être calmé, de s'être radouci, peut-être qu'elle n'a pas réussi à camoufler son malaise si bien que ça, peut-être aussi qu'ils ont en commun de ne pas vouloir se laisser déborder, peut-être qu'Aurelian est simplement une girouette, mais elle en doute. Il est plus doux, et lui propose de remettre la séance de réflexions à plus tard. Un jour où il serait de meilleure humeur. Un jour où elle serait moins idiote, sans doute aussi, et ça, elle essaiera, réajustera son comportement, fera ce qu'elle pourra. Rien que ça, ça fait déjà du bien, sentir qu'elle n'a pas tout gâché, comprendre qu'il lui redonne une chance, qu'il est encore possible d'arranger les choses et qu'ils sortent de ce projet pas forcément amis, mais du moins sans avoir envie de s'étriper dès qu'ils se recroiseront dans les couloirs. Il y a ça, et surtout, il y a ce qui vient après, cette petite phrase, la dernière. Celle qui touche, encore une fois, là où il ne fallait pas. Bien plus brillante qu'elle ne le laisse croire, hein ? Il n'imagine même pas à quel point il est tombé juste. A quel point il l'a percée à jour, comme ça, en à peine cinq minutes. C'est le genre de choses qu'on ne lui a jamais dites, d'habitude, les gens ne cherchent pas à creuser, elle est conne et on ne peut rien y faire, fin de la discussion, allez, ciao, on se rappellera, peut-être. La plupart des gens s'en arrêtent là. Mais pas lui. Lui, il aurait pu partir, juste lui laisser son numéro, lui dire d'essayer de trouver mieux comme idée, et ça aurait suffi. Mais non, il a fallu qu'il rajoute cette phrase, ces mots, qui lui font peur autant qu'ils lui font du bien. Ils lui font peur, parce que c'est comme si on lui brisait sa coquille, comme si on lui retirait sa couverture, comme si on soulevait son masque. Personne ne doit savoir, personne, c'est bien trop dangereux, pas après tous les efforts qu'elle a fait, les intellos, ça n'intéresse pas les gens. Mais d'un autre côté, ça fait du bien, avoir quelqu'un qui croit en elle, quelqu'un qui veut voir autre chose que l'idiote finie, que la dinde qu'elle joue sans interruption depuis des années. Et partagée entre ces deux-là, elle reste un moment figée, sans bouger, sans savoir quoi faire, alors que lui s'éloigne déjà, et le temps qu'elle réagisse, il a déjà presque passé la porte de la bibliothèque. Et il est déjà sorti quand elle saisit enfin ce qu'elle doit faire, la seule chose qui lui paraisse logique, nécessaire. Elle saute presque à bas de la table sur laquelle elle s'était assise et lui court après, avec ses talons, ses cheveux blonds qui volettent derrière elle, le micro sac qui ballotte à son bras. Elle lui court après, le rattrape, l'appelle.


    - Aurelian ! Attends !


Elle se plante devant lui, lui barre presque le passage. Et puis, juste un instant, en s'assurant que personne ne la voit à part lui, elle reste naturelle, ne plaque pas de sourire idiot sur son visage, ne force pas l'enjouement dans sa voix, ne part pas sur des ton suraigus insupportables.


    - Merci. Vraiment.


Juste ça, ça et un sourire. Un vrai, franc, un que seul Zwei peut voir, d'habitude. Il peut partir maintenant, elle a dit ce qu'elle devait lui dire. Elle, elle va aller retrouver son frangin, l'embêter un peu, dire n'importe quoi. Et pour le reste, ils aviseront. C'est sûr qu'il y a des choses à faire avec des locomotives qui sont bien plus intéressantes qu'une manucure…

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